C’Ă©tait Ă  l’occasion du festival Les Authentiks que nous avons rencontrĂ© la nouvelle figure de la techno françaiseRomane Santarelli. Aujourd’hui nous reparlons d’elle pour vous partager le clip qu’elle a imaginĂ© pour le titre « Cannes », tirĂ© de son EP ZĂ©ro en octobre 2020.

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Suite Ă  la sortie de ses deux premiers EPsZeroet Quadri en 2020, l’artiste techno clermontoise s’attaque Ă  la rĂ©alisation de clip, et c’est une rĂ©ussite. Aux allures du film Midsommar d’Ari Aster, Romane Santarelli a imaginĂ© le clip de son morceau « Cannes » de façon Ă  ce que l’on soit plongĂ© dans une histoire sombre au dĂ©cor trĂšs colorĂ©. Le contraste y est relativement saisissant. AprĂšs s’ĂȘtre produite la semaine derniĂšre au cĂŽtĂ© de Worakls et Iam dans le majestueux théùtre antique de Vienne au festival Les Authentiks, elle nous raconte avec plus de dĂ©tails la genĂšse de ce clip dĂ©concertant.

Le titre « Cannes » est sorti en octobre 2020, pourquoi avoir attendu autant de temps pour sortir son clip ? 

J’ai composĂ© « Cannes » au tout dĂ©but du premier confinement, il est sorti sur l’EP Zero le 30 octobre et j’ai un peu regrettĂ© de l’avoir sorti dans une saison froide, alors qu’il a un cĂŽtĂ© solaire, chaud
 J’ai toujours su que je voulais le clipper, dans une ambiance estivale, colorĂ©e, mais je n’avais pas encore l’idĂ©e prĂ©cise du scĂ©nario Ă  ce moment-lĂ , mais je savais qu’il comporterait cette esthĂ©tique de soleil, alors je me suis dit que j’allais ĂȘtre patiente et attendre les beaux jours pour tourner tout ça !

Qu’est-ce qui t’a inspirĂ© ici ?

« Cannes » a Ă©tĂ© créé dans un contexte hyper positif, j’étais dans de bonnes Ă©nergies les premiers jours de la crise, optimiste par rapport au contexte, et surtout j’avais beaucoup de temps pour crĂ©er. J’ai eu une sorte de transe crĂ©ative pendant deux semaines, ça ne m’était jamais arrivĂ©e de ma vie. Le morceau est parti de l’idĂ©e d’utiliser des voix enregistrĂ©es au dictaphone lors d’une soirĂ©e aux Plages Électroniques Ă  Cannes l’étĂ© passĂ©, en 2019. C’était un contexte de vacances, sous le soleil et je trouvais intĂ©ressant d’en faire un morceau, de m’amuser avec ça, dans ce moment oĂč on Ă©tait tous confinĂ©s, privĂ©s de vacances justement, oĂč l’étĂ© allait ĂȘtre incertain.

Quelques mois plus tard, j’ai finalisĂ© l’EP et l’ai sorti, le jour du deuxiĂšme confinement d’ailleurs
 la malĂ©diction ! Puis un soir de novembre, toute seule devant la TV, oĂč les semaines commençaient Ă  se faire vraiment longues dans mon salon, oĂč l’atmosphĂšre Ă©tait beaucoup moins drĂŽle qu’au printemps, je suis tombĂ©e sur le travail du photographe espagnol Ruben Martin de Lucas sur Arte. C’était tard la nuit, je suis tombĂ©e fan de ses photographies au drone, qui mettent en scĂšne des dĂ©cors colorĂ©s, gĂ©omĂ©triques, dans la nature. Et lĂ  ça a fait tilt : devant ces zones colorĂ©es soigneusement dĂ©limitĂ©es, ça a fait miroir : moi j’étais en face, enfermĂ©e entre mes quatre murs. C’était un moment carrĂ©ment ironique, oĂč je me suis sentie bĂȘte et piĂ©gĂ©e.

J’ai repensĂ© Ă  « Cannes » et j’ai rĂ©alisĂ© qu’il fallait faire un lien entre le confinement, l’envie de grands espaces, l’ambiance Ă©tĂ©, des grandes vacances annulĂ©es, et le sentiment d’optimisme qui s’effondre. Et l’idĂ©e est apparue : j’ai pensĂ© qu’il serait intĂ©ressant de traiter de la folie et de tourner l’histoire autour d’un personnage seul au monde, d’imaginer un contexte dystopique oĂč la seule maniĂšre de vivre les vacances d’étĂ© est de se retrouver parquĂ© dans une zone, seul, au milieu de nulle part. Comme inspiration, j’avais aussi en tĂȘte le film Midsommar, Ă  l’esthĂ©tique colorĂ©e et fleurie, mais avec une histoire trĂšs noire.

Romane Santarelli
Capture d’écran du clip

Quelle histoire as-tu voulu raconter Ă  travers ces images ?

Ça me tenait Ă  cƓur de raconter une histoire dans laquelle tout commence bien, et qui se dĂ©grade au fur et Ă  mesure, un peu ce qui s’est passĂ© pour ma part au fil des mois pendant la crise
 J’ai pensĂ© immĂ©diatement Ă  mon ami Alexandre Boiron pour le rĂŽle, et j’ai prĂ©sentĂ© toutes ces idĂ©es Ă  Vivi What, rĂ©alisateur chez Hmwk : j’étais pas trĂšs sĂ»re de moi, et sur la faisabilitĂ© de tout ça mais il Ă©tait super emballĂ© et on a Ă©crit la suite Ă  deux. « Cannes » est un morceau plutĂŽt joyeux, optimiste, c’est le mood dans lequel il est nĂ© en tout cas, alors je trouvais marrant de le traiter en images dans un sens inverse, avec une connotation un peu plus sombre. Par exemple, les voix du morceau sont personnifiĂ©es Ă  travers le gueulard dans le clip, ce haut-parleur qui ne cesse de s’enclencher tout le long. D’un coup, les voix prenaient une dimension plus hostile, symbolisant l’oppression. Je lisais 1984 d’Orwell ces derniers mois aussi, parce que je travaille sur un projet de spectacle de théùtre, avec le Collectif Nightshot, qui verra le jour fin 2022. C’est un oratorio pour lequel je crĂ©e la BO et incarne le personnage principal. Donc je baignais pas mal dans les histoires de dystopie (qui n’aident pas trop d’ailleurs en contexte de confinement) !

Romane Santarelli
Capture d’écran du clip

À part ça, que prĂ©pares-tu d’autre ?

CĂŽtĂ© clip, on travaille avec toute ma bande d’amis sur un projet depuis un an, oĂč tout a Ă©tĂ© fait homemade. J’ai co-scĂ©narisĂ© et co-rĂ©alisĂ© le projet avec mon ami vidĂ©aste AloĂŻs Rebaud. Mon pĂšre a assurĂ© la partie fabrication de dĂ©cor aussi. L’ambiance est beaucoup plus mystique sur celui-ci, c’est un nouveau morceau qui sortira Ă  la rentrĂ©e de septembre. On vient de tourner la derniĂšre sĂ©quence, tout est dans la boĂźte ! Je continue d’écrire des scĂ©narios, des idĂ©es, en fait cette annĂ©e j’ai eu un bon dĂ©clic sur cette nouvelle casquette de rĂ©al
 J’aime bien creuser mon imagination ! En parallĂšle, le premier album est en cours d’écriture, et la tournĂ©e reprend
 Je suis trĂšs heureuse que tout reprenne !

Romane Santarelli
©Simon Bianchetti