La HOME box de Laurent Garnier : Interview exclusive et écoute.
Aujourd’hui sort la version digitale de la désormais célèbre HOME box de Laurent Garnier. L’occasion pour nous de partager une interview photos réalisée avec ce grand monsieur il y a quelques petits mois, juste avant que ce “non-album” ne sorte en vinyle. Retour en avril dernier, au moment où Laurent garnier nous parlait du futur. (Le disque est en écoute en bas de page, n’hésitez pas à l’écouter en lisant. Bonne lecture et bonne écoute !)
——————
Laurent Garnier n’aime ni la nostalgie ni la poussière, et n’a d’yeux que pour le futur. À l’heure où F Communications renait de ses cendres, le parrain de la techno française nous parle de tout les projets qui le font vibrer. Photos à l’appui.
Concrete
Concrete est une des équipes qui a fait énormément de bien à Paris. Ils lui ont redonné le souffle qui lui manquait depuis très longtemps mais ils ont surtout su réexciter les gens en crédibilisant la techno. En représentant la nouvelle scène, en la faisant figurer aux côtés des stars du genre, ils ont donné envie aux gens de faire de la musique et d’aller en écouter. Mais leur influence ne se limite pas à Paris, ils poussent toute la France vers le haut, ils ont donné soif à tout le monde. C’est devenu une saorte de Panorama Bar français, l’endroit où c’est bien d’aller, où tu sais que tu vas toujours découvrir de bons artistes. Ça faisait bien longtemps qu’on s’emmerdait à Paris et je désespérais un peu de voir arriver cette révolution. Je n’ai jamais été très fan de Berlin, et Londres est aujourd’hui en train de vivre ce que Paris a traversé il y a une dizaine d’années. La ville devient chiante et le jeune public londonien préfère se péter la gueule dans les bars que d’écouter de la musique. Berlin a bien poussé Paris à bouger ; avec les vols low-cost, les gens se déplacent plus et importent davantage de bonnes idées. La nuit française ne s’est jamais aussi bien portée, elle est devenue la meilleure d’Europe. Pendant “la grande époque de la techno” avec les raves, tout ça, l’affluence n’avait aucun rapport avec ce qui existe aujourd’hui. Il n’y a jamais eu d’événement de 30 000 personnes comme au Weather et il n’y avait que quatre ou cinq endroits pour écouter de la bonne musique à Paris. Aujourd’hui, il y a cinq évènements différents chaque dimanche, chacun accueillant 1 500 ou 2 000 personnes… Ce qui est génial c’est aussi qu’ils arrivent à faire traverser le périphérique aux Parisiens, un véritable exploit. Mais au-delà de Concrete, ce sont les collectifs de jeunes dans leur globalité qui ont fait du bien à Paris. Avec les réseaux sociaux, ils ont trouvé le nerf de la guerre, et ils transposent simplement leurs lieux de partage virtuel en lieux de partage physique. Ils sont aussi plus intelligents que nous à l’époque, ils ont compris que l’union faisait la force. La séquence du minidocu de Resident Advisor sur Paris où tu vois des mecs qui se font des petites réunions pour écouter les prods des uns et des autres résume bien cet état d’esprit. Le désir de partage, tout vient de là.
Lourmarin
Je suis parti habiter dans le Lubéron il y a neuf ans, parce qu’avec ma femme nous n’avions pas envie que notre enfant grandisse au milieu du goudron. Là-bas, on a trouvé une vie sociale dingue. C’est un petit village plein de vie et pour le célébrer, lui et ses habitants, on a eu l’idée avec deux copains d’organiser le festival Yeah !. Lourmarin c’est un peu le village d’Astérix, une enclave festive dans laquelle on organise des concerts, des expos, etc. Quand on tournait avec LBS, on a testé tous nos lives devant le public lourmarinois, dans les caves du château, tout le monde était super enthousiaste. Mais attention, avec Yeah !, on s’adapte forcément à notre environnement. L’idée n’est pas de faire un énorme festival de techno et de tout thrasher pour se mettre tout le village à dos. On avait envie de s’adresser à un public de trentenaires avec des mômes. On a donc pensé un festival à taille humaine, ouvert à 1 000 personnes max, se déroulant sur les terrasses du château. Le lieu est magnifique, la vue est à couper le souffle et tout est ultra safe, les gamins peuvent courir dans tous les sens sans problème. Lourmarin, c’est un village très ouvert avec lequel on a envie de travailler de façon pérenne. On veut que tout le monde soit content et participe à l’aventure, c’est pour ça que l’on favorise le travail local. J’ai la chance de rencontrer des gens dans le monde entier et j’ai envie d’en faire profiter le village qui m’a accueilli, simple retour des choses. Dans la continuité on a créé SLY (Sounds Like Yeah !), une sorte de Single Club sans limite de genres, pour mettre en avant les groupes locaux que l’on aime. Mais avec l’album de Husbands c’est devenu un véritable label, leurs morceaux étaient trop bons pour qu’on ne sorte qu’un single alors on s’est lancé dans le long format. Que ce soit avec le festival ou avec le label, on veut vraiment déstabiliser les gens, alors on est aventureux dans nos choix artistiques, on ne se ferme aucune porte et ça marche, les gens en redemandent. Cette année on accueillera même Étienne Daho à Yeah et il est hyper enthousiaste.
Bambounou
J’aime énormément Jérémy, c’est un mec super bien, un chien fou plein d’amour et d’envie. Je l’ai rencontré en même temps que le reste de la clique ClekClekBoom, French Fries et les autres… En dînant avec eux, j’ai vécu exactement ce qu’étaient les dîners de F Communications au début des années 90, une réunion de famille. Ce qui m’a fait surkiffer, c’est les discussions devant lesquelles des personnes extérieures au cercle ne comprendraient rien, ils sont tous à fond avec des échanges hyper techniques et passionnés. Ces mecs sont survitaminés, exactement comme nous il y a vingt ans. Grâce à eux, j’ai recommencé à regarder ce qu’il se passait à Paris et j’ai compris que c’était bon, ils représentent le déclic qui a poussé la ville vers le haut. Bambounou c’est un peu la tête de gondole de tout ça, avec ses sorties chez 50 Weapons, c’est l’ambassadeur de la nouvelle scène techno française. Son album est magnifique, il connaît très bien le passé, il est dans une équipe de mecs qui sont incollables sur la musique de Chicago mais il a une vraie patte, une vraie personnalité, comme French Fries d’ailleurs. Il est sincère et a beaucoup de choses à donner. C’est sa force. Il y a trop de gens qui se tournent vers le passé, alors que l’esthétique techno a toujours été orientée vers le futur. Lui, il a tout compris, c’est le lendemain qui l’intéresse, pile dans la lignée de Jeff Mills. Il m’a appelé plusieurs fois pour me demander des conseils et je lui ai toujours dit de faire un maximum de choses, il faut qu’un bon gars comme lui prenne toute la place qui lui est offerte, on ne peut pas tout laisser aux lourdauds de l’EDM.
Electrochoc
Tout a commencé il y a sept ans, soit deux ans après la sortie du livre, avec un simple coup de téléphone. Une productrice voulait l’adapter au cinéma. Elle n’était pas la première mais on a bien accroché alors on a commencé à écrire un scénario avec David Brun-Lambert, à chercher un réalisateur, etc. On a failli signer avec certains mais pas mal de projets ont avorté, le feeling n’était jamais vraiment présent. On a bossé pendant cinq ans mais au final je n’étais satisfait ni du scénario ni de la tournure que prenait la chose. Au cinéma, le processus de réalisation est très long et je n’ai pas l’habitude de travailler sur la longueur alors j’ai baissé les bras il y a deux ans et demi. À ce moment-là la productrice m’a dit : “De toute façon, Laurent, tu ne lâches jamais rien, alors tu ne vas pas commencer maintenant. Il n’y en a qu’un qui peut écrire ce film, c’est toi.” Je lui ai évidemment dit que je n’étais pas scénariste et qu’il fallait arrêter les frais. Elle m’a rétorqué : “Tu m’as dit que tu n’étais pas musicien, tu as sorti dix albums, tu m’as dit que tu n’étais pas écrivain, tu as publié deux livres, donc la vraie question c’est : t’as envie, ou t’as pas envie ?” Je lui ai demandé la nuit pour réfléchir et le lendemain elle m’a dit que non seulement elle voulait que je l’écrive mais qu’elle voulait aussi que je le réalise. J’ai accepté en échange d’une entière liberté de décision. J’ai donc écrit le scénario avec l’excellente Raphaëlle Desplechin, et on a planché sur la façon de retranscrire le livre sans faire un documentaire, il y en a déjà des dizaines. On a alors décidé de faire une fiction dans laquelle Laurent Garnier n’existe pas, pas plus que Carl Cox ou Jeff Mills, et où le Rex Club et le Batofar ne sont jamais sortis de terre. Une pure fiction centrée sur la passion de la musique dans laquelle on retrouvera beaucoup de moments d’Electrochoc mais sans Garnier. Aujourd’hui le scénario est quasi terminé, on a notre acteur principal, l’équipe technique est en train de se monter et si tout se passe bien, on devrait commencer à tourner avant la fin de l’année (ou début 2016).
La HOME Box
Faire un album, c’est un travail très introspectif pour un artiste, c’est très important. Les EP, c’est des virgules dans des phrases alors que les albums, c’est des phrases à part entière. La Home Box est un hybride de tout ça. Elle contient quand même beaucoup de mots, à l’intérieur en plus des vinyles qui sont plus faits pour les DJ’s et le dancefloor il y a un CD, et ce CD c’est un vrai album, une vraie narration. Avec la Home Box je voulais faire un bel objet, un outil de partage, pas un simple consommable. Aujourd’hui on ne vend plus de disques, et sortir un album ou un EP ce n’est que de la promo pour t’aider à te faire booker quelque part. Mais un album c’est quand même important, c’est un moment de vie avec un artiste. Je me suis donc demandé si faire un disque sous un format album classique, avec huit ou dix titres, à une époque où le marché musical est en plein chamboulement était très cohérent. N’est-ce pas que c’est un peu désuet ? Mon idée c’était de ne pas me donner de cadre, d’éviter de me dire “là j’entre en studio pour enregistrer mon album et je ne fais que ça”. À presque 50 balais, j’ai décidé de ne plus me brider, je voulais juste faire plein de musique et piocher ce qui me plaisait dans tout ça. La box c’est ça, tout simplement, une sorte de best-of de mon année 2014. J’ai aussi proposé des remixes à plein de jeunes intéressants que je voulais aider, Traumer, Bambounou, Voiski… Et je me suis retrouvé avec trop de musique, alors on a fait un vinyle de plus. La box c’est donc sur trois vinyles une sélection de certains morceaux issus des cinq maxis que j’ai sortis en 2014 plus un vinyle d’inédits et un CD qui lui regroupe tout, une sorte d’épilogue.
F Communications
Avec la Home Box on avait clairement envie de faire un bel objet. L’idée est venue au cours d’un dîner, j’ai juste lancé l’idée de la sortir sur F Com, comme ça. Mais en voyant la tête des gens autour de moi j’ai compris que c’était la voie à suivre. F Communications n’était pas mort comme tout le monde le croyait, juste en pause. Mais l’idée ce n’est pas de rouvrir pour contribuer à saturer encore un peu plus le marché de la musique. Artistiquement parlant, je ne vois pas ce qu’on peut faire aujourd’hui pour sortir de cet énorme flot de musique. On ne reviendra pas en arrière, l’âge d’or des labels est terminé. Aujourd’hui des maisons historiques comme R&S ou Trésor continuent de sortir de très bons disques mais ils ne sont plus que des noms au milieu d’autres, ils n’ont plus la singularité qu’ils avaient il y a vingt ans. Il y a tellement de choses et de très bonnes choses qui sortent qu’on ne peut objectivement pas avec F Communications envisager de faire mieux que les autres. C’est pour ça qu’on va réserver F Com pour des projets singuliers. La rareté est une bonne chose alors on ne pressera pas beaucoup, à intervalles irréguliers, peu de choses mais à chaque fois des concepts très étudiés et novateurs. On ne veut pas lasser les gens, quitte à être rares.
La HOME box :
La HOME box Remixes :
Petit bonus, on vous fait même gagner des Cds de la HOME box. Pour tenter d’obtenir le votre, rien de plus simple, il vous suffit d’envoyer un mail avec vos coordonnées postales à : d[email protected]