La Douve Blanche, cru 2018 au château d’Egreville
On s’était quittés l’an dernier sur une citation volée à un festivalier : « Ici c’est du bouche à oreille, pour la bouche et les oreilles ». Cette quatrième édition du festival de la Douve Blanche, organisée par les champions d’Animal Records et Animal Kitchen, a encore bénéficié du phénomène. Le cadre est toujours aussi magique. On se balade autour du château d’Égreville, construit au XIIe siècle, aux aspects tantôt Moyen-Age, tantôt Renaissance suivant d’où on le regarde. On revoit les vieilles pierres et la végétation qui tente depuis huit-cents ans d’engloutir la bâtisse. La scénographie est de plus en plus travaillée chaque année : des canapés, quelques vieux fauteuils et des lampions multicolores rendent l’atmosphère aussi délurée que voluptueuse. Demeure au XVIè siècle de la duchesse d’Etampes, maîtresse du Roi François 1er, le château est désormais le domaine du génial et excentrique Docteur Rémy Roy, que nous avions déjà rencontré lors de l’édition 2017. Au dehors, un terrain immense coupé en deux par une allée de jolis arbres accueille le terrain de camping, les toilettes (de VRAIES toilettes s’il-vous-plaît) et les douches. Dans la Douve, on tombe sur les stands de tatouage, les friperies qui vendent boubous et djellabas, t-shirts floqués du logo du festival ou de celui d’Animal Records. Familier.
Il est quinze heures lorsqu’on arrive au camping. La tente est montée, à l’ombre, puis s’effondre. Tant pis, le quart de finale de Coupe du Monde (France-Uruguay) va commencer, on y va. On regarde le match de manière un peu hachée à cause des problèmes de connexion Internet. Au coup de sifflet final, on comprend que le week-end commence sur une victoire. Il est dix-huit heures et la troisième mi-temps la plus longue de l’année peut commencer. On est, on est, on est en demies !!! On passe enfin aux choses sérieuses. Les plus impatients descendent au creux de la Douve. On a faim et ça tombe bien. Le Food-court est cette année encore très ben fourni. Burger avec frites de patate douce ou burrata, huîtres, poulet au sésame… on a presque tout essayé sur le week-end, sans la moindre déception. Après avoir rincé notre gosier asséché par le soleil avec une pinte de « Fils de Pomme », on court dans la Douve écouter le premier concert du week-end.
C’est Form qui ouvre le bal à vingt heures précises. Les quatre membres du groupe échauffent le petit millier de festivaliers déjà présents, notamment grâce à leurs congas, employées avec subtilité. Entre puissance électronique et douceur mélodique, le live du groupe offre un joli prélude au festival. Comme l’an passé, la scène du Chenil sert de transition entre les concerts de la scène du Pont. Ce vendredi soir Girl, puis Us nous font bouger dans une ambiance chaude et humide en attendant la tête d’affiche du soir. Légèrement en retard sur la scène principale, Isaac Delusion -qu’on ne présente plus- livre une prestation live très agréable notamment avec ses titres « Midnight Sky » ou « Isabella« . On a même eu droit à un inédit ! La voix du chanteur, si reconnaissable, est en parfaite adéquation avec l’ambiance estivale de la Douve. Dommage que ça soit si court. Il est à peine minuit et un set drôlement plus dansant nous attend au Chenil avec Ambeyance. De retour à la grande scène, Middle, puis Randomer ont balancé de l’électro efficace jusqu’à quatre heures du matin. On a à peine le temps d’apprécier le début de set de Simo Cell que le ciel commence déjà à changer de couleur. Il reste encore du monde debout deux heures plus tard. Dans le camping, certains tracent les lignes blanches pas toutes droites d’un mini-terrain de foot. S’en suit une petite partie au lever du soleil pour les plus éveillés. Ayant déjà perdu quarante litres d’eau et sachant le peu de sommeil auquel on aurait droit, on a préféré l’option « les dents et au lit« . C’est là qu’on retrouve notre tente effondrée. Soupirs.
On est réveillés dans notre morceau de toile par le « Passement de jambes » de Doc Gynéco qui résonne dans le camping. Certains n’ont même pas dormi. La file d’attente pour les douches est si longue qu’on reporte notre toilette à… plus tard. De toutes façons, il fallait repartir devant la grande scène écouter Territory, groupe de rock qu’on ne connaissait pas du tout mais qui nous a très vite remis dans le coup. Ce soleil commence à nous cogner. Heureusement, la Douve est remplie de petits recoins ombragés où pas mal de festivaliers sont venus rattraper quelques heures de sommeil. Vient le moment très attendu du live de LAAKE. Seul sur scène avec son clavier, un ordinateur et quelques machines, le pianiste parisien envoie des kicks profonds. Rapidement, son équipement prend un coup de soleil et la performance est interrompue quelques instants, avant de reprendre sous les encouragements du public. Il termine sur « Melancholia« , un titre aux tendances gabber qui envoie tout le monde au tapis. Grandiose.
FAIRE, groupe de punk new-wave ultra-coloré nous fait plaisir en début de soirée. Eux, ils envoient. Tellement qu’ils manquent à plusieurs reprises de casser des morceaux de scène. Au Chenil, S8FOU et les perles de Miel de Montagne officient avant l’arrivée de Ouai Stéphane. Apparemment calme, ce dernier livre un set peu académique mais excellent de spontanéité. Il sample sa voix et nous monte un track à base de « ouais ». Il nous est clairement apparu comme la pépite de cette deuxième journée. On a aussi beaucoup aimé PMCP et leur saxophoniste. Avant d’aller écouter le chouette duo Macadam Crocodile, petite surprise dans la Douve. Le groupe Fastlanes, quatuor franco-américain de hip-hop (deux producteurs français, deux MCs des projects de New-York) fait se lever des centaines de bras au son de son EP Just Landed.
Le Norvégien Diskobeistet nous a ensuite proposé un set orienté vers le disco et la funk. Quand Bamao Yendé prend le relai, il est deux heures du matin. L’ambiance a un peu de mal à décoller mais la soirée reste très réussie. Une pause s’impose sur les remparts du château éclairés à la lumière noire.
Retour au Chenil où le duo minimaliste de Maze prépare l’arrivée de Dj P.Moore, ancien du Rex de la grande époque. Là, il est plus de cinq heures du matin. On sent la fin du set venir et on commence à faire le chemin du retour vers la tente quand on entend les premières notes de Domino, track mythique de Oxia qui nous fait rebondir et foncer pour une dernière salve. Fin du set, personne ne veut dormir. La soirée continue une nouvelle fois dans le camping.
Plus tard dans la matinée, on est retourné voir le Docteur. Chemise ouverte, chapeau de paille, pendentif représentant une énorme grenouille en bois autour du cou, il nous invite à nous asseoir sur un canapé situé sous un saule. Satisfait de la fête, émerveillé par les tenues arborées par les festivaliers du cru 2018, il est déjà impatient de recevoir encore plus de monde l’an prochain. Et pourquoi pas repousser le seuil des deux-milles convives.
Meilleur moment : On croyait aller se coucher une première fois avant que Dj P.Moore ne balance ce gros Blue Monday de New Order (6h45).
Pire moment : Aller se coucher dans ce sarcophage en toile qu’on appelle tente. Mais c’était de notre faute.