La bouse du mois : Dirty Beaches
Alex Zhang Hungtai, l’artiste canado-taiwanais caché derrière Dirty Beaches, a pris le 28 octobre sa plus belle plume, quelques semaines seulement avant la sortie de l’objet de cette chronique, pour annoncer à ses fans qu’il mettait fin à l’aventure Dirty Beaches. “Ce n’est peut-être pas le choix de carrière le plus intelligent et il m’est douloureux, mais sur le long terme je me retournerai sur ce moment et serai heureux d’avoir su m’éloigner de Dirty Beaches. RIP DIRTY BEACHES 2005-2014”, assène-t-il solennellement. Un choix courageux, pensons-nous, arrêter un projet qui en six albums lui aura permis de connaître un certain succès avec sa pop lo-fi et poussiéreuse, remarquable sur Badlands et l’inoubliable “Lord Knows Best”. Mais un choix étonnant, Dirty Beaches n’est pas un groupe, c’est un alias, un pseudo : pourquoi mettre en scène son départ d’un projet dont on est le seul membre ? À l’écoute de Stateless, le chant du cygne de Dirty Beaches, ce geste pas même symbolique ressemble à un cache-misère, à une parade, des excuses : Alex a merdé. Adieu l’hommage fities/sixties, le rockabilly, la pop garage, la poussière et le charme. Bonjour… bonjour quoi ? Ce qui surprend le plus finalement dans cet album c’est l’absence totale de proposition artistique. Sur quatre pistes, de sept à quatorze minutes chacune et totalement impossible à différencier, Dirty Beaches ne fait pas que s’adonner à la musique instrumentale : il jette aux orties les concepts de mélodie ou de structures. De longues plages pensives, ambiantes, arythmiques, des nappes interminables et incolores. Après quarante minutes d’une écoute passive, le journaliste est pris de doutes : est-ce là un de ces albums si ambitieux qu’il faut être un esthète pur, un théoricien de la musique pour le comprendre ? Stateless mérite, comme tout autre disque, une seconde puis une troisième écoute. Mais la réponse restera la même : ces adieux de Dirty Beaches sont simplement très chiants.
Chronique extraite de Tsugi #78.