La bouse du mois : Digitalism – Mirage
Extrait du numéro 92 de Tsugi (mai 2016)
Coïncidence. À une semaine d’écart, sortent les nouveaux albums d’ex-chefs de file de la turbine, venus tous les deux de Hambourg. Mais au contraire de Boys Noize, qui avec Mayday trouve un champ d’expression beaucoup plus brillant que l’électro bête et méchante qui tape fort, ses compatriotes de Digitalism n’ont pas le même bonheur, eux qui sont visiblement moins curieux. Mais nous sommes peut-être injustes, car avec « Utopia », « perle » du disque, Jens Moelle et Ismail Tüfekçi montrent qu’ils ont quand même bien étudié les hits « deep soupe » du moment en mélangeant Robin Schutz, Bakermat et Kygo. Au secours, vite un citrate de bétaïne. Mais même avec un recours médicamenteux, la digestion de ce troisième album brûle l’estomac et surtout les oreilles. Les plaisanteries les plus mauvaises n’étant jamais les plus courtes, cette torture sonore s’étire sur plus de 70 minutes. Ce qui lui vaut déjà le titre de bouse du mois la plus longue de l’année. Mais ayant foi dans le bon goût de notre lectorat, on parie que rares sont ceux qui iront au-delà du premier titre, « Arena », une kolossale kitscherie house filtrée ringarde et bourrine. Notre conscience professionnelle nous a quand même permis de dénicher en toute fin de disque un autre joyau dans le même style, « No Cash ». Ne négligeant aucun effet facile supposé faire lever les bras en l’air en gueulant des « alleeeez » orgasmiques (« Power Station », « Open Waters »), Digitalism donne au final l’impression de surtout mépriser son public en lui infligeant la vulgarité musicale la plus criarde. Cet insupportable pensum n’est pas un Mirage, il existe vraiment. Heureusement, nous ne sommes pas obligés de l’écouter. (Patrice Bardot)
Mirage (Magnetism Recording Co/PIAS), sortie ce 13 mai.