« Kid A », l’enfant alpha électronique de Radiohead, fête ses 18 ans aujourd’hui
Si le passage à l’an 2000 n’a tué personne, il a néanmoins abattu de nombreux fans de Radiohead. Le 2 octobre 2000 naît officiellement Kid A, quatrième enfant de Radiohead. Aucun single, aucun clip et très peu d’interviews ou apparitions dans les médias : le disque ne bénéficie d’aucune promotion, volonté première du groupe après les débordements post-OK Computer. A la place, Kid A est l’un des premiers albums à miser toute sa promotion sur Internet. Ainsi, trois semaines avant la sortie, le disque est mis en ligne dans son intégralité par le label. Ses 400 000 écoutes – énorme à une époque où même MySpace n’existait pas encore – et une sortie physique chaotique – une erreur de pressage a obligé le label à retirer toutes les copies de la vente – ne l’empêcheront pas de se classer numéro 1 des ventes aux Etats-Unis, au Canada et au Royaume-Uni.
Quelques jours plus tard, l’album sort à nouveau, dans sa bonne version. Le monde entier, celui qui n’est pas encore hyper-connecté, découvre enfin Kid A. Loin des classiques rock « Karma Police », « High And Dry » ou encore « Exit Music (For A Film) », il opère un changement surprenant pour le groupe. Les dix morceaux sont explicitement électroniques, des claviers oppressants de « Everything In Its Right Place » à l’ambient de « Treefingers » en passant par les envolées jazz de « The National Anthem » et le magnifique « How To Disappear Completely ». L’éponyme « Kid A » est quant à lui sûrement le titre le plus expérimental, voix et sonorités robotiques incluses. Plus psychédélique et avant-gardiste, il va même jusqu’à instrumentaliser la voix de Thom Yorke au lieu d’en faire l’élément central comme d’habitude. Les avis fusent et ne se ressemblent pas : l’oeuvre divise les fans, qui ne s’y reconnaissent plus. Certains revendiquent une véritable capacité de renouvellement, d’autres parlent d’un disque bâclé, reniant le groupe.
Mais pourquoi un tel virage ? Là où, après le succès phénoménal de l’excellentissime OK Computer, n’importe qui se serait reposé sur ses lauriers pour s’assurer un nouvel exploit, Radiohead fait radicalement l’opposé. Pendant l’enregistrement de ce nouveau disque, Thom Yorke passe son temps à écouter toutes les sorties Warp – notamment Aphex Twin et Autechre, époque Windowlicker et LP5. Après multiples doutes et échecs, c’est vers cette direction électronique que se tourne le groupe, en troquant les guitares pour des synthés et des boîtes à rythmes. « J’en avais marre de la mélodie, je voulais du rythme » affirme le chanteur dans Q Magazine.
Le quintet désormais fin prêt, il enregistre plus d’une vingtaine de morceaux dans cette même veine, pour ce qui deviendra plus tard un diptyque avec Amnesiac, sorti huit mois plus tard, appelé officieusement Kid Amnesiac par beaucoup. En peu de temps, les théories autour du nom de l’album se propagent sur les forums. Certains parlent de clonage – s’appuyant sur une autre théorie de clonage des montagnes sur la pochette -, d’autres insinuent qu’il représenterait le premier réel enfant pour le groupe. Dans le défunt magazine britannique Select, Thom Yorke a toutefois expliqué une raison toute bête à ce nom : « Mon séquenceur était automatique, c’est comme ça qu’il a appelé les mélodies d’ouverture du morceau. Je n’ai aucun souvenir d’avoir écrit quoique ce soit. Puis, je suis retombé dessus, et c’était appelé « Kiddae »« .
S’il reste aujourd’hui décrié par quelques ayatollahs, ce dix-titres – Grammy du meilleur album de musique alternative en 2001 – marque indéniablement le point de départ de l’ouverture de Radiohead vers de nouveaux horizons. 2 octobre 2018, Kid A est majeur : il est temps pour tout le monde de l’accepter comme il est, du moins le laisser voler de ses propres ailes avec le respect qu’il mérite.
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