Kappa Futur Festival : non, il n’y a pas que le « far niente » à Turin
Lorsque l’on pense à son prochain séjour en Italie, Turin ne figure pas vraiment dans les premières villes qui viennent à l’esprit. Maison mère de la Juventus et des industries Fiat, coincée au pied des Alpes, la ville ressemble à une sorte de bulle hors du temps. Avec ses températures infernales et son architecture perdue entre plusieurs époques, elle en devient même une ville fantôme lorsque le soleil est au plus haut. Bref, un cocon où il est difficile d’éviter le « far niente« .
C’est pourtant à Turin que le Kappa Futur Festival a décidé de s’installer, depuis déjà 10 ans. Un rendez-vous qui n’a cessé de grandir au fil du temps, pour accueillir cette année 50.000 personnes sur deux jours. Il faut dire que le défi était de taille : réunir un public conséquent dans une ville où sortir de chez soi en pleine journée relève de l’ordre du masochisme. Comme pour pimenter l’affaire, le Kappa Futur ne commence non pas après dix-sept heures, mais dès midi, et s’achève à minuit. Bref, tout un programme, brillamment relevé cette année.
Il faut s’accorder sur ce point : ce qui fait la force de ce festival, c’est bien son cadre. Le Kappa Futur met un point d’honneur à prendre à l’envers tous les travers de la ville. Turin, une ville post-industrielle qui a perdu son dynamisme d’antan ? Réinvestissons une ancienne usine Fiat devenu le parc préféré des riverains. Turin, ville de feu où l’on ne peut sortir sans être couvert de sueur ? Jouons sur les points d’ombre grâce aux murs, aux arbres, ou encore aux nombreuses douches parsemées dans le festival. Pénétrer dans le Parc Dora rythmé par des beats intenses, face à des colonnes magistrales et des murs entiers peints pour l’occasion ne peut qu’époustoufler.
Dès le premier jour, nos premiers pas nous mènent vers la première des quatre scènes, la Seat, qui accueille l’acid hypnotique du japonais DJ Nobu. Il est déjà dix-sept heures, mais les festivaliers sont encore trop peu nombreux pour que le dance floor s’enflamme. Ni une, ni deux, l’envie d’explorer le site est trop forte : direction la scène Dora, où joue HAAi, cette Australienne à l’énergie débordante qui a su mêler grosses basses et mélodie avec brio. Le lieu est dissimulé dans les arbres, à l’ombre des feuillages et accueillant un public plus intimiste : notre endroit favori du site est tout trouvé. C’est d’ailleurs par la même occasion que l’on remarque qu’entre les différentes scènes, les sons ne s’entrechoquent aucunement — malgré leur proximité !
Après un set électrique, William Djoko ne parvient pas à entretenir l’enthousiasme des foules, alors l’exploration reprend. L’heure du set d’Amelie Lens approche, et nos pieds fourmillent déjà : retour à la Seat où Dubfire livre une performance un peu monotone. Pourtant, le public est déjà là, près pour sa rockstar. Lorsque la DJ belge fait son entrée sur scène, c’est l’apothéose. On se demande si les cris pourraient couvrir la musique. Heureusement qu’Amelie Lens connaît son métier, et profite de l’énergie folle du public pour envoyer de très lourds drops. On le confesse, toutes les cellules dansantes de notre corps ont été convoquées, lors de ce coucher de soleil intense.
Peu après, Carl Cox et ses cris insupportables nous font fuir vers Derrick May qui se produit à la scène Jäger. Une construction gargantuesque où le DJ est installé à plusieurs mètres du sol, deux rangées de colonnes étendues face à lui. Le ventre gargouille un peu, alors on se hasarde vers les hamburgers. Mauvaise idée. Notre palais a regretté, le temps d’un instant, les plats de la cantine. Vite, au lit.
Réveil difficile le lendemain matin, alors que Peggy Gou annonce sur Instagram qu’elle ne sera pas de la partie. Très vite remplacée par un second set d’Amelie Lens, il nous semble préférable d’aller engloutir une vraie pizza italienne pour se consoler, avant de filer à toute vitesse vers le festival. Rencontre avec Enrico Sangiuliano dès l’arrivée, qui maîtrise à merveille l’art de la montée en tension et du drop jouissif. Charlotte de Witte le remplace vite mais ne parvient pas à nous convaincre de rester. Début d’une nouvelle exploration vers la plus petite scène du festival, la Burn, où Ricardo Villabolos joue un peu mou. Poursuivons notre chemin vers la scène Dora, où une nouvelle fois, nous ne sommes pas déçus : Denis Sulta anime une foule chaleureuse, entre la disco et la house. La même énergie ressort du back-to-back de Motor City Drum Ensemble et Jeremy Underground, mais notre fidélité à Vitalic — même lorsqu’il est séparé de Rebekah Warrior — nous pousse à rejoindre la scène Jäger. Le reste de la soirée n’est plus que secousses et sauts en l’air, de Vitalic à Nina Kraviz, l’un et l’autre étant définitivement résolus à faire trembler les colonnes. Petit passage vers les Israëliens de Red Axes, puis vers la house sur-vitaminée de The Black Madonna, pour vérifier qu’une bonne humeur et des émotions explosives émanent toujours de leur musique (après vérification : c’est bien le cas). Il alors minuit, les jambes sont lourdes, les corps sont couverts de piqûres d’insectes inconnus, les festivaliers entrent en guerre pour trouver des taxis. Mais hors de question d’abandonner de sitôt : direction l’after party sur laquelle règne I Hate Models avec un set qui finira de nous mettre à terre. Arriverderci.
Le meilleur moment : Comme une évidence, le live de Vitalic, aussi court qu’il fut intense. Et promis, on est loin d’être chauvins.
Le pire moment : Peggy Gou annonçant qu’elle ne viendra pas à cause d’une indigestion. On se demande si c’est dû aux hamburgers servis sur le festival.