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18 octobre 2013

Jagwar Ma : Madchester, an II

par rédaction Tsugi

Petits protégés de Foals, ils sont également la dernière obsession des barons du rock anglais, Johnny Marr et Noel Gallagher en tête. Rencontre avec Jagwar Ma, un duo australien qui donne un coup de jeune au son de Madchester.

Pas de pression, les gars. Quand grand frère Gallagher, à peine emphatique, déclare que “l’avenir de la galaxie dépend de l’album de Jagwar Ma” et qu’on opère sous le patronage de Foals, non, décidément, on ne peut pas appeler ça de la pression. Pas quand on s’appelle Jono Ma. “On a tous deux pu apprendre de nos échecs, relativise-t-il. Gabriel a eu pas mal de succès avec son ­premier groupe (Ghostwood, ndlr) et, de mon côté, j’ai produit pas mal ­d’albums par le passé. J’ai pu voir des groupes recevoir des torrents de hype et échouer très rapidement.”

 

Pot-pourri générationnel

C’est donc avec la tête froide que le duo – composé donc de Jono Ma et Gabriel Winterfield – a abordé un premier album annoncé avec une série de singles imparables. Dont “The Throw” et ses sept minutes ­dansantes, psychédéliques, qui ont mis en émoi tout ce que la blogosphère musicale compte de gens capables d’émois. Il est en outre la ­raison principale de l’intérêt de Noel G. pour ce disque. Enregistré dans la campagne, “à deux heures de Paris en voiture”, Howlin’ est ainsi le premier album des Australiens. “Le fait d’être venu en France pour faire l’album vient en partie de l’envie d’être isolé, loin de tout, mais aussi du fait qu’on ne pouvait pas emmener une tonne d’instruments avec nous sur place, raconte Jono Ma. C’est une manière de se fixer des limites, de se concentrer sur l’essentiel.”

En parallèle de leurs groupes respectifs (Ma a fait partie de Lost Valentinos, groupe de Sydney à la Bloc Party et dans lequel il a remplacé un certain Kirin J. Callinan), ils ont travaillé pour le cinéma et la télévision. On peut entendre leurs compositions dans deux épisodes de ­l’excellente série The Slap et dans Animal Kingdom, film qui a remporté le grand prix du jury au festival de Sundance (Ma, qui a travaillé avec Foals sur Holy Fire, admet adorer le côté “fonctionnel” du travail de compositeur de cinéma). Winterfield a été, en outre, livreur de pizzas. “Le plus lent de l’histoire de la livraison à domicile”, annonce-t-il fièrement.

S’il est un terme que l’on a souvent pu lire au sujet de Jagwar Ma, c’est celui de “Madchester”. Mais mieux que des nostalgiques d’une période qu’ils n’ont pas vécue, mieux qu’une paire d’habiles singeurs, Jagwar Ma est la somme d’une équation bien plus contemporaine : psyché-pop à la Tame Impala ou MGMT période Congratulations et musique dance, le tout exécuté avec un sens du pot-pourri tout à fait générationnel. Prenez “WFL” des Happy Mondays et “What Love” qui ouvre Howlin’ : le groove est presque le même, mais quand Shaun Ryder beugle comme un jeune loup sous speed, Gabriel Winterfield préfère entonner en ­boucle quelques mots enterrés sous le mix. En un petit artifice d’écriture et de production, on quitte les clubs poisseux de Manchester pour un trip ensoleillé.

Même si certaines chansons – au hasard “That Loneliness” et “Let Her Go” – pourraient très bien sortir de l’escarcelle des Stone Roses, elles sont avant tout l’œuvre des basses qui jouent leurs propres mélodies et des déclamations paresseuses de Gabriel Winterfield. Un organe par ailleurs des plus versatiles : il passe d’ersatz de Ian Brown sur les morceaux susnommés à compagnon du beat sur “Four”, de gueulard à deux doigts de la saturation sur “Exercise” à un style de crooner des bois sur le folk dérangé de “Backwards Berlin”. “Quand je chante, parfois, je me passe des images de paysage en tête, des images dynamiques, explique le chanteur. C’est comme si je peignais une toile avec ma voix dans mon esprit et que…” Il hésite, manifestement perdu dans ses explications. “C’est assez abstrait, j’ai du mal à mettre des mots là-dessus.”

 

Dopant pour le cerveau

Si l’on fait autant référence à Madchester lorsqu’on évoque Jagwar Ma, c’est peut-être qu’il s’agit du dernier mouvement en date où le rock était inextricablement lié à la danse. Une musique pour le corps et l’esprit. “La bonne musique est celle qui anime les deux, déclare Winterfield. D’un point de vue physiologique, l’exercice physique est le meilleur dopant pour ton cerveau.” Ma, qui a également produit l’album : “On construit d’abord le squelette, toujours, qui est le beat. C’est l’aspect le plus directement ­physique d’une chanson et le reste doit reposer dessus. Le reste, ce sont les paroles, la production au sens large. Ce sont ces choses-là qui font marcher l’imagination.” Comme Primal Scream & co l’avaient fait à l’époque, Ma et Winterfield jouent au Lego avec les codes de la musique dance et de la musique psychédélique de leur époque. En somme, ils ne font pas du neuf avec du vieux, ils font du neuf comme les vieux.

Howlin’ (Marathon Artists/Pias)
jagwarma.tumblr.com

Article écrit par Anthony Mansuy, paru dans le Tsugi N°65

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