Le gĂ©nĂ©rique de Docteur Who et du Guide du voyageur galactique c’est eux. Ainsi que la plupart des bruitages, sons et jingles que l’on entendait sur les ondes de la BBC entre 1958 et 1988. Depuis leur mythique studio de Maida Vale, le BBC Radiophonic Workshop – devenu depuis le Radiophonic Worshop – façonne le son du futur. Quelques dĂ©cennies plus tard, les ingĂ©nieurs-musiciens continuent leur crĂ©ations musicales d’avant garde et « cĂ©lĂšbrent le passĂ© tout en regardant vers le futur« . 

Pas Ă©tonnant que le trĂšs classe et pointu Branchage festival, qui se dĂ©roule jusqu’Ă  dimanche Ă  Jersey, leur ait demandĂ© d’ĂȘtre les curateurs de cette 7Ăšme Ă©dition au cĂŽtĂ© d’AgnĂšs B. L’occasion pour nous de poser quelques questions Ă  Marc Ayres, compositeur, archiviste du BBC Radiophonic Worskshop et encyclopĂ©die vivante du son et des machines. 

Tsugi : Quel artiste Ă©lectro-acoustique admirez-vous le plus ? 

Marc Ayres :Il y en a tellement. De Pierre Henry Ă  mon ami Tristram Cary ou aux nombreuses et fantastiques personnes du BBC Radiophonic Workshop. En Hollande, des travaux expĂ©rimentaux gĂ©niaux ont Ă©tĂ© fait par des gens comme Tom Dissevelt, et puis il y a toutes ces choses de Desmond Leslie, Martin Slavin… et tous ces petits groupes dont personne n’a jamais entendu parler et dont tu peut trouver le travail sur SoundCloud. Pour un aspect plus commercial, Vangelis, Jean Michel Jarre etc.

Quelle est la diffĂ©rence entre un ingĂ©nieur et un musicien ? 

De plus en plus, cette distinction s’amoindrit. Mais un musicien organises les tons et les rythmes de maniĂšre Ă  ce qu’ils donnent une sorte d’impression artistique ou Ă©motionnelle – en Ă©lĂ©ctro-acoustique cela veut dire beaucoup d’ingĂ©nieurie ! Je pense que le musicien l’emporte sur l’ingĂ©nieur… 😉

Quelle invention a changĂ© la façon dont nous faisons de la musique ou des sons ? 

Le magnĂ©tophone. Rien n’a plus Ă©tĂ© pareil aprĂšs l’invention du magnĂ©tophone. 

Le son 3D : coup de gĂ©nie ou poudre aux yeux ? 

Coup de gĂ©nie quand c’est bien fait. Mais il y a aussi beaucoup de poudres aux yeux. J’adore le son surround, les installations Ă  plusieurs enceintes. 

Quel est le son le plus britannique ? 

Ah, on entre dans le philosophique ! Peut-ĂȘtre le son du bacon qui frit. AgrĂ©able et accueillant. 

Un morceau de One Pig, de Matthew Herbert, qui a enregistrĂ© le son du bacon qui frit. 

Le son le plus Ă©trange que vous ayez enregistrĂ© ? 

Aucun son n’est plus Ă©trange pour moi… ! Les portes qui grincent, l’orage, le son du pain mouillĂ© lachĂ© dans une poĂȘle chaude… (un peu dangereuse, la derniĂšre…).

Le son que vous aimeriez enregistrer ? 

J’adore le son de l’essence qui s’enflamme. C’est aussi trĂšs dangereux donc je n’ai jamais essayĂ©, et n’essayerai probablement jamais. 

Le plus agrĂ©able ? 

Il n’y a rien de tel qu’un doux son de la mer un jour d’Ă©tĂ©. En fait, j’ai enregistrĂ© ça pour le show Ă  Jersey, sur la plage sur laquelle nous allons faire la reprĂ©sentation. J’ai isolĂ© les mouettes et cliquetis des mats de bateau dans le port – ils apparaissent dans le morceau. 

Et le plus dĂ©sagrĂ©able ? 

Les ongles sur un tableau. D’ailleurs, je ne l’ai jamais enregistrĂ©, je ne pourrais pas le supporter. 

La machine la plus iconique ? 

Tellement. Ça va ça vient. Mais pour moi, probablement le synthĂ©tiseur EMS VCS3. Fait en Grande-Bretagne et, dans ses imperfections, la combinaison parfaite de la science et de l’ingĂ©nierie pour crĂ©er une machine qui produit un son pur. 

La meilleure parmi les rĂ©centes ? 

J’adore le King Korg : il a tout, avec un son trĂšs analogique. Mais je dois dire que j’utilise plutĂŽt de vrais machines vintages. 

La machine la plus surestimĂ©e ? 

Difficile Ă  dire. HonnĂȘtement, je ne sais pas. J’ai tendance Ă  plutĂŽt me tenir loin des choses que je n’aime pas. Ne croyez jamais la tendance ! 

Celle qui a disparu ou est devenue obsolĂšte et qui n’aurait pas du ? 

Les synthĂ©s d’EMS et le Yamaha CS80. MĂȘme si ce dernier Ă©tait la plupart du temps beaucoup trop lourd pour ĂȘtre utile. C’est pour ça que j’adore ce que Korg font : ressortir le MS-20 et bientĂŽt le ARP Odyssey. Belles machines. Les synthĂ©tiseurs modulaires analogiques sont une niche, mais il n’y a rien de tel qu’une mer de prises et de cĂąbles qui connectent ensemble tous ces fascinants circuits. 

Celle que vous avez trop utilisĂ© ? 

Pendant un temps, c’Ă©tait le Roland D50. C’Ă©tait trop facile d’avoir un super bruit avec. 

Le bruit du 20Ăšme siĂšcle ? 

Si tu parles de sons Ă©lectroniques, le TARDIS (la machine Ă  voyager dans le temps et l’espace de la sĂ©rie Doctor Who, ndlr) est le plus Ă©vocateur. Ou, plus tĂŽt, et en terme de « found sounds », le son d’un train Ă  vapeur. 

Celui du 21Ăšme siĂšcle ? 

Je ne crois pas qu’on l’ait encore créé !

Quels bruits préserveriez vous dans un musée des sons

Le TARDIS. Celui des trains Ă  vapeur. Et tout ces sons naturels et fait par l’homme qui sont en train de disparaĂźtre Ă  cause de la marche de ce qu’on appelle « le progrĂšs ». Mais parfois, allez simplement vous asseoir sur la plage, dans un bois ou mĂȘme Ă  cĂŽtĂ© d’une autoroute. Vous entendrez ces sons, et ces sĂ©quences de sons, que personnes n’a jamais entendu avant et personne n’entendra jamais Ă  nouveau. Tu ne veux pas conserver ces sons. Tu veux juste ĂȘtre lĂ  quand ils se passent. Et ils se passent tout le temps. 

Le conseil que vous donneriez Ă  quelqu’un qui veut suivre vos traces ? 

Aime ce que tu fais. Garde les oreilles ouvertes.