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7 novembre 2018

Interview : on a parlé cul et réédition d’album avec Therapie Taxi

par Corentin Fraisse

Say cheese. Il y a tout juste un mois, le trio pop parisien Therapie Taxi dévoilait le clip survolté de « Avec Ta Zouz ». C’était le premier extrait de Hit Sale Xtra Cheese, l’édition deluxe de Hit Sale, qui sortira le 16 novembre. Dix nouveaux titres dans la digne lignée de leur premier album, dont deux remixes et surtout huit compositions inédites toujours plus barrées et électroniques…. Avec quelques gentilles ballades, en français dans le texte. Avant de les retrouver en concert au Bataclan le 29 novembre et/ou à l’Olympia le 30 mars 2019, on a profité d’une interview dans un café parisien avec Adélaïde, Renaud et Raphaël pour détailler cette réédition.

Pourquoi avoir voulu faire une réédition et pas un album?

Adélaïde : Parce que c’est ce qui se fait beaucoup en ce moment. Et puis ça permet de refaire une actu sans que ce soit aussi lourd en termes de promo.

Renaud : Et c’était aussi pour compléter ce qu’on voulait faire à l’époque de l’album et qu’on n’avait pas eu le temps de faire. Cette réédition, c’est un peu l’album qu’on aurait voulu faire à l’époque.

Raphaël : Tu peux aussi voir l’exercice comme une version plus complète de l’album, ce n’est pas seulement trois morceaux acoustiques en plus.

Sans parler des deux remixes, vous aviez déjà vos huit nouveaux morceaux sous le coude quand vous avez sorti Hit Sale ?

Adélaïde : Pour la plupart, non. C’est surtout dans la couleur : on avait envie de faire des trucs plus électro et on n’avait pas eu le temps, on ne savait pas trop faire. Et comme là on a deux nouveaux membres en live -Illan et Vincent- qui sont beaucoup plus musiciens que nous, c’était assez pratique pour faire des groupes de travail et amener de nouvelles idées électroniques.

Raphaël : C’est quelque chose qu’on voulait faire depuis longtemps, et puis pour le reste on voulait utiliser de nouveaux skills en studio… A vrai dire, je crois qu’aucun morceau n’existait au moment de la sortie de l’album. Bon sauf un, « Parallèle », qui n’avait pas du tout la même forme qu’aujourd’hui.

Adélaïde : Ça fait vraiment quatre ans que le morceau existe et au départ c’était une chanson juste à la guitare et là on a réussi, avec le temps, à en faire un vrai morceau électro.

Pour préparer cette sortie, vous avez partagé le clip de « Avec Ta Zouz ». Et au vu des paroles, on se demandait comment vous alliez pouvoir cliper cette chanson. Comment est venue l’idée?

Raphaël : L’idée est venue d’Original Kids, qui avait déjà réalisé le clip de « Hit Sale », mais aussi « Cri des loups » et « Anti Hit Sale ». Et à l’époque pour « Hit Sale » on voulait déjà une séquence où j’étais en prêtre, avec Roméo Elvis en démon… Ils ont dû mettre ça dans un coin de leur tête et donc quand ils ont proposé ça pour « Avec Ta Zouz » on s’est dit que l’idée était très cool. Tout le monde, nous les premiers, voyait le clip dans une soirée pour coller au texte mais ils ont voulu prendre un parti pris original. L’esthétique catholique est quand même vachement sympa : c’est grandiloquent, avec de belles lumières. Et puis un prêche, c’est un peu comme un concert.

Adélaïde : Je ne sais pas si on le comprend mais il y avait cette histoire qui nous suit en concert, quand on donne du rhum aux gens, on fait un parallèle entre les fidèles et le public. C’est très emprunté à ce qu’on voit dans les films avec les gospels ou les mecs qui partent en transe, genre dans The Get Down

Raphaël : Et puis surtout Kingsman avec cette scène de baston incroyable dans l’église !

Vous parlez très souvent de sexe, de façon volontairement crue dans cette réédition. C’est une volonté d’être subversifs? Quel est le message derrière? 

Renaud : Il faut être décomplexé par rapport au sexe.

Raphaël : Il y a plusieurs choses : ce que tu vis et ce que tu es capable de transmettre en musique. Evidemment qu’on n’est pas obsédés du cul et qu’il n’y a pas que ça. Dans l’exercice de l’écriture jusqu’à présent, on a plus de facilité à parler de sexe, d’amour et un peu des deux, parce qu’amour et sexe sont toujours un peu mélangés. Jusqu’à présent on arrivait à écrire de bonnes chansons là-dessus. En posant cette question tu as certainement « Bébé la nuit » en tête?

Entre autres…

Raphaël : L’exercice pour cette chanson, un peu comme sur « Salop(e)« , c’était de faire un texte très cru. Pas vulgaire, simplement cru. « Vas-y suce moi la queue« , c’est pas tellement vulgaire ! C’est juste du sexe, tout le monde prend son plaisir dans le cul enfin, beaucoup de gens. Et en fait dans « Bébé la nuit » il y a toujours ce parallèle où la meuf dit « lèche moi un peu aussi, fais moi du bien, moi je vais te défoncer comme un chien » ou un truc comme ça… C’est marrant ce jeu. Et puis t’as le refrain qui lie ça au fait d’être en manque, en manque de cul et en manque de quelqu’un qui, pour moi, sont des notions extrêmement liées. Le cul est difficilement dissociable des sentiments.

Sur cette réédition il y a deux remixes : Contrefaçon sur « Pigalle » et Yuksek pour « Coma Idyllique ». Comment en sont-ils venus à remixer vos titres?

Raphaël : On n’a jamais rencontré Yuksek mais je tiens à dire que je kiffe son remix de Kostrok sur « Right Now », c’est un pur chef-d’oeuvre ! Globalement, on adore son travail.

Adélaïde : Pour Contrefaçon, c’était quasiment évident, car ce sont des potes. En plus on a le même label et le même tourneur : on a partagé des dates avec eux et ça fait longtemps qu’on parlait de ce remix de « Pigalle ». Sur une chanson comme celle-là, très électronique et ultra-sale, on s’est dit que ça pourrait bien matcher. On l’avait -très mal- jouée aux Eurockéennes, ils jouaient trois heures avant nous et on leur a demandé de nous rejoindre, c’était trop improvisé, on ne l’avait jamais répétée donc c’était un peu le bordel.

Raphaël : C’est sûr qu’une partie de notre public ne va pas comprendre, mais tant pis. Le deal de Therapie Taxi c’est des extrêmes : sur le même album t’auras « Transatlantique » en guitare-voix et aussi un gros truc techno pour « Pigalle ». Et heureusement qu’on a ce terrain de jeu pour s’amuser !

Et vous trouvez une cohérence entre ces extrêmes?

Raphaël : Y’a nos voix, les textes, y’a plein de choses ! C’est surtout que ce grand écart est cohérent avec notre époque, notamment avec notre consommation de musique en playlists. Plus personne n’est vraiment religieux sur un style, tout le monde écoute de tout et peut-être autant touché par une ballade que par un son de techno qui tape. On a besoin de ça pour toutes nos humeurs.

Adélaïde : C’est peut-être moins indigeste aussi. Ecouter un album d’un coup, du même artiste, c’est long. Là au moins j’ai l’impression que t’es plus surpris, ça te fait plus voyager.

Raphaël : Il ne faut pas se mentir, les gens n’écoutent plus beaucoup les albums en entier.

Adélaïde : Ouais mais comme ça on se donne une chance !

Parmi les nouveaux morceaux on retrouve « Bisous tendres », qu’on a pu voir en live notamment à Solidays. Vous aviez fait monter une femme sur scène et vous vous êtes embrassés avec Raphaël…

Raphaël : …Elle m’a embrassé plutôt ! Et ce n’était pas prévu.

Renaud : Et du coup maintenant on ne la joue plus en concert, parce que tout le monde nous est tombé dessus et ça nous a frustrés. Ce jour-là ça a été mal interprété. De base c’est un tricks de live, très mignon et limite hippie, on se fait tous des bisous et c’est cool. A un moment on a voulu faire monter quelqu’un sur scène, on trouvait ça marrant. Ce jour-là il a fait monter une meuf, et moi je voyais ça de derrière :  pendant tout le morceau ils se tournent autour et on ne sait pas ce qui va se passer. Et à un moment, ils s’embrassent. Sauf qu’après, plein de gens l’ont interprété comme « le chanteur ramène des meufs sur scène pour les embrasser, ils font ça à chaque fois » ou « ils profitent de leur statut« …

Raphaël : Du coup on a arrêté. Bien sûr il n’y pas que ça, ce n’est pas non plus une chanson ultra-importante du set. Maintenant on commence à jouer « Parallèle » et elles ont à peu près la même place puisque les deux chansons sont un peu énervées et électro… Mais j’avoue que dans cette décision, y’avait un peu de ce truc qui n’a pas été compris. Dans nos concerts on a juste envie que tout le monde s’embrasse, comme une grosse partouze d’amour.

Donc vous ne la rejouerez plus en concert? 

Renaud : Quand les gens seront survoltés, on la jouera.

Adélaïde : Franchement ça dépendra des dates. Généralement Raph’ descendait faire des bisous dans le public et si il voyait des gens vraiment chauds, il leur demandait de le suivre. Parfois il ne se passait rien sur ce morceau. Une fois y’a une meuf qui est venue m’embrasser alors que je n’avais rien demandé !

Raphaël : Parfois je prends un mec, je pense qu’il est open et en fait pas du tout…

Adélaïde : Voilà, c’est marrant de créer des situations comme ça mais on n’est pas fermés pour la rejouer.

Renaud : C’est surtout une chanson de festival. Dans les salles les gens sont un peu plus introvertis. Il ne faut pas non plus qu’on se cache derrière des tricks en se disant « Tiens, à ce moment il faut faire monter quelqu’un » parce que souvent les gens ne sont pas dedans… C’est comme pour les slams.

(S’en suit une blague sur Shy’m qu’on ne vous contera pas, par respect pour la personne, ndlr)

Dans le morceau « Priki », Adélaïde chante en anglais, ce qui ne vous arrive jamais : pourquoi cette partie en anglais?

Adélaïde : En fait c’est une vieille vieille vieille chanson, au départ elle était entièrement en anglais et ne parlait pas de la même chose. Dès que je la jouais à ma soeur, que je surnomme « Priki », ça la faisait chialer automatiquement. C’était devenu marrant en famille, on me disait « tiens, fais pleurer ta soeur! ». A chaque fois ils me disaient « mais elle est quand même trop bien« , Raph l’aimait bien et on a décidé de la faire. Je l’ai enregistrée en anglais et ça m’a un peu soulée, ce n’était pas spécialement bien écrit, en plus je ne suis pas très à l’aise avec l’anglais… Alors j’ai testé en français mais en laissant la fin en anglais, pour que ça reste fidèle à l’originale. En fait « Priki » est hyper personnelle, c’est un clin d’oeil pour ma soeur. C’était plus pour elle que pour les autres.

Pourquoi ce surnom « Priki »?

Adélaïde : Oulah ! Et ben ça vient de « paprika » mais dans ma famille on a un délire de surnoms très développé. Je voulais qu’elle chante avec moi, au moins pour les choeurs… Elle aurait été toute timide, ça aurait été trop mignon ! Mais on avait décidé d’enregistrer la chanson en une prise, où je jouais et chantais en même temps. Ma soeur n’était pas là, la prise était bien et après on s’est demandés si on la faisait revenir pour qu’elle chante par-dessus… Mais ça se serait entendu si on avait rajouté sa voix, ça n’aurait pas été naturel.

Raphaël : Par contre elle chante sur « Anti Hit Sale« , à la fin !

Dans « Blasphème », on entend les refrains de « Hit Sale », le mot « blasphème » était le dernier du pont de « Hit Sale »… Est-ce une suite?

Adélaïde : Non justement c’est un prequel, c’est la version 1. Ou plutôt la version 12, parce qu’on l’a modifiée genre quatre-vingt fois !

Raphaël : C’est une des versions qu’il y a eu avant la version définitive. Quand on la jouait en live au début, elle était comme ça.

Renaud : Donc les gens la connaissent, pour ceux qui venaient nous voir dès les débuts. C’était il y a un an et demi. Ceux qui sont venus au Bikini à l’époque !

Vos prochains projets, c’est quoi? 

Adélaïde : Tu crois qu’on va te le dire? (rires)

Raphaël : On prépare un deuxième album. J’avais un regret sur cette réédition, c’est qu’on tourne un peu en rond sur les mêmes sujets. Je pense qu’il nous fallait le temps de maturer, et pour un deuxième album je sais qu’on sera enfin prêts à écrire sur d’autres sujets et à sortir de ces sentiers-là qui, en même temps, nous ont bien éclatés. Ça reste assez logique parce que cette réédition c’est le prolongement de Hit Sale, et pas non plus complètement autre chose. Je suis un peu frustré de mon écriture et je pense qu’on a besoin, assez vite, de faire entendre une autre facette de nous-même, qui peut-être se vendra moins ! En tout cas ce sera un travail d’écriture un peu plus intéressant.

 

En attendant la deuxième salve, découvrez Hit Sale Xtra Cheese à partir du 16 novembre. 

© Romain RIGAL

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