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8 septembre 2011

Interview : la légende Alan McGee

par rédaction Tsugi
Alan McGee est une légende vivante de la pop music. Ce qui ne l’intéresse pas plus que cela. Peu enclin à revisiter le passé et d’avantage tourné vers un avenir plus tranquille, loin des salles enfumées et des larsens, l’ancien patron du label Creation revient malgré tout sur ces 17 années qui ont (presque) tout changé.

 

Comment découvriez-vous les groupes à l’époque ? On vous envoyait des disques?

Alan McGee: La plupart du temps, je découvrais les groupes par le bouche à oreille. Il n’y avait pas Internet à l’époque. Je voyais des groupes en concert, je les appréciais, je les signais. Mais autant que je me souvienne, je ne voyais qu’un nouveau groupe par an. Et ça me paraissait suffisant. J’ai découvert House Of Love comme ça, Jesus And Mary Chain aussi. Ride, c’est un ami qui m’en avait parlé. Teenage Fanclub, c’est Bobby Gillespie de Primal Scream qui me les a conseillé.

 

Dans le documentaire sur Creation, on voit à un moment que Ride devait devenir the next big thing, mais que cela n’arriva jamais. Il leur manquait quoi ? De la chance ?

Alan McGee: Ride était un super groupe, mais appartenait à une niche. Oasis, eux, parlaient au plus grand nombre. La chance n’a rien à voir là-dedans. Oasis s’adressait aux masses. Ride, à une poignée.

 

En parlant d’Oasis, avez-vous souvenir d’un moment en particulier où vous avez réalisé à quel point ils allaient devenir importants ?

Alan McGee: J’ai le souvenir d’une émission de télé britannique. Je ne saurais pas te dire le nom, mais je sais qu’ils ont joué “Supersonic” et que ce fut un moment très spécial. On était encore en 1994, leur premier album venait de sortir, et j’ai senti ce soir-là que quelque chose de très grand allait se produire. Au début, j’étais le seul à y croire. Quand j’ai découvert Oasis, je venais de signer un deal avec Sony, et 49% de Creation leur appartenait. Je gardais le contrôle, mais ils avaient malgré tout leur mot à dire. Je suis allé voir les gens de la maison de disque, mais eux ne voulaient pas du groupe. Je les ai supplié de me laisser les signer, leur disant que s’ils ne voulaient pas s’en occuper, je le ferais seul. Ils m’ont finalement suivi, et je ne pense pas qu’ils le regrettent.

 

Avec le recul, y’a-t-il des choses que vous auriez fait différemment ?

Alan McGee: Je n’aurais rien changé, non. Pour la simple raison que je ne savais pas gérer un label, je ne savais pas comment faire, et donc je ne me posais pas la question de savoir si je devais procéder autrement. Je faisais les choses, c’est tout. Y a-t-il une autre façon d’être toi ? Je ne crois pas. Et bien c’était pareil. L’histoire me fascine, car les événements les plus anodins prennent énormément d’importance avec le temps. Je suis sûr qu’en 1991, ou 1992, personne ne réalisait l’importance que Creation allait avoir pour les gens des années plus tard. Je ne pensais pas que cela se produirait. Pour être honnête, nous ne nous rendions pas compte de ce que nous faisions, nous n’étions pas préparés, et c’est ce qui fait que le label compte pour tant de personnes aujourd’hui. Tout venait du coeur.

 

Un moment a été particulièrement commenté: quand vous êtes allés avec Noel Gallagher au 10 Downing Street, pour rencontrer le premier Ministre de l’époque, Tony Blair…

Alan McGee: Ce moment peut être vu comme la fin d’une ère, mais je ne ressens pas le besoin de m’excuser d’y être allé. Je sais comment cela peut être perçu, quand la pop est récupérée par la politique. Mais je me suis dit que ce serait marrant. J’étais surpris que Noel vienne, mais je pense que sa femme de l’époque, Meg, l’a convaincu. Pour le NME, j’étais grillé après ça, mais je m’en foutais.

 

Vous avez vraiment pris de la coke là-bas, dans les toilettes de Downing Street ?

Alan McGee: À cette époque, j’avais arrêté. Noel peut-être, mais j’en doute.

 

Y’a-t-il un son Creation ?

Alan McGee: Je ne pense pas. Je dirais qu’il y en a plusieurs. Il y a le Creation noisy, avec My Bloody Valentine et Jesus And Mary Chain, le Creation Shoegaze, avec Ride, le Creation Brit Pop avec Oasis. Je ne sais pas. Tu en penses quoi, toi ?

 

Je pense que Creation est un symbole de la pop anglaise en général.

Alan McGee: Tu as raison. Mais quand tu as un label pendant 17 ans, tu signes beaucoup de groupes, avec des sons différents.

 

Vous êtes nostalgique ?

Alan McGee: Aujourd’hui, en musique, la nostalgie a cinq ans. Tu peux être nostalgique de quelque chose qui s’est produit il y a moins d’une décennie. Avant, c’était vingt ans, minimum ! Les gens sont nostalgiques des Libertines par exemple. J’entends souvent des jeunes dire qu’ils aimeraient les voir de retour. Mais quand nous avons commencé Creation, certains voulaient le retour des années 60, tu vois ce que je veux dire ? Les informations vont tellement vite aujourd’hui. Je peux savoir plein de choses sur toi en moins d’une seconde, en tapant ton nom dans Google. Et combien de temps avant que l’être humain et la technologie ne fassent qu’un ?

 

Revenons à la musique. Primal Scream a sorti deux disques avant Screamadelica. Pas vraiment des réussites…

Alan McGee: Les deux premiers albums de Primal Scream n’étaient pas parfaits, mais nous avons laissé le groupe se développer. Puis ils ont découvert l’ecstasy, et cela a donné “Screamadelica”. Je ne sais pas si je leur aurais donné autant de temps si je n’avais pas été ami avec Bobby. J’étais tellement proche de lui à l’époque que je savais qu’il était capable de sortir un grand disque. Et j’ai eu raison.

 

Vous aviez des visions de ce qu’allaient devenir certains groupes ?

Alan McGee: On était incapable de prédire quoi que ce soit. Primal Scream, My Bloody Valentine, on n’imaginait pas une seule seconde qu’ils deviendraient aussi énormes. Aucun chance. Oasis, je savais qu’ils étaient bons, et qu’on ferait du bon boulot avec eux. Mais on a vendu 15 millions d’albums. JAMAIS on aurait cru cela possible.

 

Quand Oasis explose, vous vous dites quoi ? “Ça y est, je suis riche“ ?

Alan McGee: Creation était l’éditeur des albums d’Oasis, et l’est d’ailleurs encore. Je me souviens très bien de recevoir les relevés des royalties, qui ne contenaient pas plus de trois ou quatre pages la plupart du temps. Un jour, j’ai sous les yeux celui de Noel Gallagher, et il est épais comme un dictionnaire. Je pensais: “alors c’est à ça que ressemble une super star”.

 

Des regrets ?

Alan McGee: Je regrette de ne pas avoir signé les Stone Roses et les Happy Mondays. Mais je ne vis pas dans le passé, je deviendrais dingue. Tu dois aller de l’avant. J’aurais pu continuer Creation pendant encore dix ans et continuer à encaisser les chèques. Mais je voulais changer. J’ai appris beaucoup de la vie comme cela.

 

On imagine que certains groupes vous en ont voulu d’arrêter.

Alan McGee: Oui. Pas tous, mais un grand nombre. Ils me voyaient comme leur papa, et voulaient que je continue dans ce rôle. Liam était assez énervé. Je voulais qu’ils me lâchent, je n’avais que 40 ans quand j’ai arrêté Creation, et je n’avais jamais promis à qui que ce soit que je continuerais éternellement. Creation a existé de 1983 à 1999, et je trouve ça assez long si tu veux mon avis.

 

Un label vous plaît particulièrement aujourd’hui ?

Alan McGee: Je trouve que Domino s’en sort bien. C’est un bon label. Mais les temps ont changé, on ne peut pas comparer Domino et Creation.

 

Quand vous rencontrez les gens aujourd’hui, que vous disent-ils ?

Alan McGee: La plupart du temps, ils sont très gentils. Les chauffeurs de taxi surtout, ils te saluent comme un pote. Mais sur Facebook, tu reçois parfois des messages de jeunes que tu ne connais pas et qui te demandent de les soutenir. Si tu ne le fais pas, ils pensent que tu es contre toi. C’est étrange. J’aime être en contact avec les gens, mais parfois, ils pensent que je leur dois quelque chose.

 

Et si vous croisiez le Alan McGee de l’époque ?

Alan McGee: Je ne l’aimerais pas. Je lui dirais d’arrêter les drogues. Je pense que j’étais un con à l’époque, et que je suis devenu une meilleure personne en arrêtant de me shooter.

 

Peut-on réellement être ami avec les musiciens ?

Alan McGee: Je n’en suis pas certain, surtout en tant que patron de label. Quand Bobby et Primal Scream ont commencé à avoir du succès, les choses ont changé entre nous. Il est devenu une rock star, j’étais le mec du label, et cela a modifié les comportements. Nous ne nous sommes pas parlés pendant cinq ans.

 

Vous-même étiez une rock star, non

Alan McGee: Je ne crois pas. J’étais un personnage. C’était plus simple à l’époque, je ne crois pas qu’aujourd’hui le patron d’un label puisse être autant médiatisé.

 

Au final, vous reconnaissez faire partie de l’histoire ?

Alan McGee: Quand Oasis, en 1996, a joué deux soirs de suite à Knebworth, ils étaient les premiers à réaliser cet exploit. Je me souviens avoir dit à Liam: “this is history”. Et lui de me répondre: “no, it’s Knebworth” (rires).

 

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