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5 août 2013

Interview : Disclosure, les héros de 2013

par rédaction Tsugi

Leur premier album Settle sorti début juin a conclu deux années de buzz exponentiel. Rencontre.

On a le sentiment que vous êtes au dernier acte d’un voyage assez hallucinant, non ?

Guy : J’ai plutôt l’impression que ce n’est que le début.

Howard : On est dans un tourbillon d’excitation depuis deux ans. Aujourd’hui c’est vrai que c’est un peu le climax. On est vraiment crevés donc heureusement que cette excitation nous met dans une bulle. On a fini l’album alors qu’on était déjà en tournée intensive et l’intensité ne va aller qu’en gonflant. On va faire 39 festivals cet été ! C’est sans compter nos DJ-sets et nos concerts en tête d’affiche. C’est un peu flippant

Vous faites quoi quand vous avez quelques jours pour rentrer chez vos parents ?
Guy :
Ça n’arrive plus. Il n’y a plus de jours de repos pour nous ! Les quelques rares jours où on a du temps on essaye de voir les amis qui ne nous en veulent pas trop d’avoir déserté leur vie.

 

Les études sont définitivement oubliées ?

Howard : Je me suis fait virer du lycée pour avoir manqué trop de cours. Pourtant j’avais pour projet d’aller étudier la musique à l’université, un jour.

Guy : J’ai 21 ans donc j’ai eu juste le temps de finir et d’avoir mon bac à l’époque. C’est déjà pas mal.

 

Quels genres d’étudiants étiez-vous ? Vous rêviez de musique ?

Howard : On a toujours été concentrés sur la musique donc les études avaient plutôt l’air d’un à-côté pour nous, même si nous n’avions aucune idée de ce que ça pouvait être de faire carrière dans la musique. Producteurs pour d’autres, musiciens, performeurs, on n’avait aucune idée de la route à emprunter.

Guy : Moi j’avais pour seule obsession d’être batteur. C’est tout ce que j’avais en tête. J’avais un groupe au lycée avec d’autres amis, on jouait dans des fêtes dans des apparts autour de Londres essentiellement. On s’appelait Auction. On était à fond, on avait grand espoir que ça décolle. Mais je crois qu’on n’était tout simplement pas très bons, on n’avait pas les morceaux nécessaires pour percer.

Qu’est-ce qui vous a fait passer du statut d’aspirants musiciens à celui de mecs qui vivent de ça ?

Guy : C’était une combinaison de choses, l’EP Face, le remix de “Running” pour Jessie Ware, le soutien massif d’Annie Mac pour la radio…

Howard : Au début tout le monde nous demandait de venir faire des DJ-sets, c’était leur réflexe logique face à de jeunes producteurs, “ils doivent savoir manier les platines”. À ce genre de demandes, on répondait : “on est vraiment désolés, on ne sait pas faire”.

Guy : D’ailleurs, jusqu’à récemment, je n’avais pas compris qu’il existait des live shows pour la dance music.

Howard : On a donc appris à devenir DJs. On adore ça maintenant et on est devenus bien meilleurs. On passe de la vieille house de Chicago et Détroit, un petit peu de techno, du garage des années 90 et quelques producteurs récents genre Dusky, Eats Everything, Justin Martin, Joy Orbison… Mais parallèlement on savait qu’on voulait faire un vrai live, parce qu’on est musiciens, qu’on aime jouer de vrais instruments.

L’attention du public provoque quoi chez vous ?

Howard : C’est juste agréable de se dire que des gens ont hâte d’écouter ce qu’on prépare. Je lis certaines chroniques. Mais ce qui compte le plus c’est la réponse du public aux shows et quand tu vois les gens devant toi crier les paroles c’est assez chouette.

Guy : Quand tu joues en festival, y a un mix de gens qui aiment ta musique et d’autres qui passent juste par là. Parfois certains mecs se tiennent debout complètement hébétés, c’est assez bizarre.

Howard : Aux DJ-sets c’est parfois un peu compliqué aussi, des mecs qui ne savent pas vraiment ce qu’ils font là et qui finissent par te requester du Robbie Williams. On n’a pas ce genre de choses en stock, même si aujourd’hui on mixe sur CDJ avec clef  USB. Mes beaux vinyles, je préfère les garder en sécurité chez moi.

Howard : Et puis les platines sont souvent pourries dans les clubs. Je préfère jouer sans risques plutôt que de voir un coup de vent faire foirer mon truc.

 

Faire un album ne faisait pas partie de vos préoccupations finalement ?

Howard : On avait écrit la moitié de l’album avant de savoir que ça allait finir en album. On n’a fait que continuer à composer, comme on l’a toujours fait. Et comme on obéit finalement à un format assez pop, que nos morceaux ont maintenant des tournures de chansons, le format de l’album a fini par s’imposer comme logique. Et j’imagine que le label était content d’avoir un disque de ce format à sortir.

 

Parmi les premières réactions, certains vous accusent justement d’avoir viré trop “pop”.

Guy : Je ne suis pas d’accord ! Écoute n’importe laquelle des chansons du Top 10 des charts de n’importe quel pays et dis-moi si tu trouves que ça ressemble à ce qu’on fait. Tu trouves, toi ?

 

“Plus pop” n’est pas un défaut à mon sens.

Guy : C’est aussi vrai. J’aime AlunaGeorge ou Jessie Ware, pour moi c’est de la pop.

Howard : C’est notre fan base un peu reloue qui ne veut que l’aspect le plus club de notre musique.

Guy : Au moindre pas de côté on nous criera dessus “Vendus ! Vous êtes des vendus !”.

Howard : C’est impossible qu’un producteur de musique électronique ait du succès sans être taxé de vendu. Parce qu’un producteur électronique qui a du succès c’est un mec qui n’est plus dans l’underground et le public de ces cercles-là a mauvais caractère, il veut pouvoir faire partie d’une petite élite de connaisseurs. Ou alors il finira par dire “moi je les connais depuis beaucoup plus longtemps que toi, c’était mieux avant”.

 

Vous avez en tout cas bourré l’album de guests, pourquoi tant ?

Howard : Ce sont des gens qu’on a rencontré au fil de nos premières années de carrière, ou simplement des gens à qui on a envoyé des messages sur Soundcloud pour voir si ils voulaient bosser avec nous. AlunaGeorge avait fait nos premières parties quelques fois. Jessie Ware était venu à un de nos premiers concerts vers Brixton. Elle était venue nous parler backstage mais on n’avait aucune idée de qui elle était parce qu’on ne connaissait pas son visage : elle n’avait fait qu’apparaître sur des morceaux de Sampha et SBTRKT. En rentrant chez nous on a compris et peu après on remixait son morceau “Running”. On s’est beaucoup retrouvés sur scène ensemble depuis.

Quel serait le vocaliste idéal ?

Howard : Je dirais Michael Jackson.

Guy : C’est un sacré défi.

Howard : Je crois que notre chanteur préféré de tous les temps c’est D’Angelo. Mais on l’admire tant qu’on n’aimerait probablement pas travailler avec lui. Ou alors on bosserait dix ans sur le morceau avant.

Guy : Ne jamais rencontrer ses héros. On a quand même croisé quelques mecs qu’on admire énormément genre Todd Edwards, Skream, Roy Davis Jr…

 

On taxe souvent votre musique de “sexuelle”, c’est bizarre non ?

Guy : Ça amuse les gens parce que dans notre morceau “What’s In Your Head” il y a beaucoup de sons extraits de pornos. J’avais downloadé un porno du net, en avais extrait la BO et je l’avais découpée en mille morceaux.

 

Ton porno préféré ?

Guy : (rires) Non j’avais pris le premier que je trouvais. Y avait pas vraiment d’histoire, une nana et un mec dans une chambre d’hôtel. Ça s’appelait Great Body Great Sex je crois.

 

Avant vous rêviez de pouvoir choper en faisant de la musique ?

Guy : Pas du tout ! Pour être honnête d’ailleurs, quand j’ai commencé à sortir en club très régulièrement c’était des soirées dubstep avec que des mecs partout, qui secouent la tête et qui kiffent la musique sous leur capuche. Donc pas vraiment de quoi choper. Je suis très heureux qu’il y ait plein de filles à nos shows, ce n’est pas une petite fierté.

 

Mais ça a marché finalement, la musique ?

Guy : Il y a un public féminin un peu libéré à nos concerts oui. On ne reçoit pas de culottes sur scènes mais on se fait beaucoup flasher (soulever le t-shirt rapidement pour montrer ses seins, ndlr). Je me souviens d’un concert à Washington où la loge donnait sur la foule. Et on nous passait beaucoup de petits mots sous la porte, des numéros de chambres d’hôtel, des numéros de téléphone, des dessins… Mais bon, il aurait fallu des photos en même temps.

Howard : On aurait du faire des annonces sur scène.

Guy : “Le numéro 06… pourrait-il lever la main ?”

 

Revenons à la famille, vous vous souvenez de la première fois où vous avez découvert que l’autre faisait sa musique ?

Guy : La première fois, c’était un truc qu’Howard avait écrit sur son ordi portable. Je lui ai pris son ordi pour finir le morceau, le mixer et le produire parce que je suivais un cours de musique et je voulais m’entraîner. C’est la première fois qu’on a fait de la musique ensemble, hormis les bœufs en famille.

Howard : On n’a jamais été timides sur le fait qu’on faisait de la musique, dans la famille. Notre famille a toujours vécu par et pour la musique. On était toujours heureux de montrer tout ce qu’on faisait à nos parents.

Guy : Notre mère joue du piano, notre père de la guitare, ils chantent tous les deux. Ils ont joué dans des groupes, ont fait ça professionnellement même si ils n’ont jamais été célèbres. Il y a eu des groupes de reprises, notre mère faisait des jingles radio…

 

Ils comprennent votre musique et la musique électronique en général ?

Howard : Quand on a commencé, ils étaient un peu perdus. Maintenant qu’on a fait des morceaux avec du songwriting plus classique ils sont contents de pouvoir s’identifier davantage. “Latch”, si tu enlèves la production, c’est une chanson toute simple. Les trucs du début ils étaient plutôt à dire “c’est quoi ce bruit?”.

En grandissant, quels sont les goûts de l’autre que vous moquiez ?

Guy : Le premier CD que j’ai acheté c’était “Ignition (Remix)” de R. Kelly. Je n’étais que semi-fier de celui-là.

Howard : Je me souviens surtout d’une période ignoble de six mois pendant laquelle Guy n’a écouté que du Linkin Park.

Guy : Pas vraiment mec, tu racontes n’importe quoi.

Howard : Mais si, j’ai même retrouvé tes CDs dans la chambre de notre père y a pas longtemps.

Guy : C’était quoi leur chanson déjà…

Howard : “Numb”.

Guy : Oh oui, bien sûr (il se met à la chanter). Mais non, tu dis n’importe quoi, j’aimais pas Linkin Park, j’aimais Fort Minor, le side project !

Howard : Mec, t’avais tous leurs albums !

Guy : Non j’en avais qu’un. Je te dis que j’en avais qu’un !

Howard : (il chuchote) Il aimait Linkin Park.

(Guy lui fout un coup de poing sur l’épaule)

Howard : Moi j’écoutais Rush, un groupe de prog-rock canadien.

Guy : Howard a eu sa phase grunge, cheveux longs et compagnie.

Vous étiez d’accord sur quelques groupes quand même ?

Howard: Absolument rien, jusqu’à il y a trois ans quand on a commencé à faire de la musique ensemble. Des mecs comme Joy O ont été les premiers à nous unir musicalement.

Guy : “Air & Lack Thereof”, la toute première sortie de James Blake a joué aussi. C’était je crois la toute première chanson qu’on trouvait tous les deux absolument mortelle. Je me souviens de son profil MySpace, sa photo de profil c’était une photo de club, y avait un mur de pierres bizarre derrière lui (et Mount Kimbie à côté, ndlr).

 

Qu’est-ce qui vous irrite chez l’autre ?

Guy : Pas grand-chose mec, à part quand Howard raconte des grosses conneries comme cette histoire de Linkin Park.

Howard : En fait on est assez compatibles. La seule chose qui soit vraiment différente c’est que Guy passe sa vie à sortir et à boire alors que moi non. Heureusement on est toujours dans deux chambres séparées.

Guy : Howard ne boit pas. (regard désespéré)

 

Qu’est-ce que vous enviez chez l’autre ?

Guy : J’adorerais aimer autant les fruits et légumes que lui. Je suis sûr qu’il pense : “J’aimerais tellement être moins chiant et m’amuser autant que Guy”.

Howard : J’aimerais savoir mixer comme toi… Mais c’est vraiment parce qu’il fallait que je trouve une réponse pour être poli, c’est pourri.

Guy : Envier tes habitudes alimentaires c’était pas génial non plus.+

 

Comment l’autre a-t-il changé en trois ans ?

Guy : Howard peut se laisser pousser la barbe. Voilà un truc que je jalouse vraiment.

Howard : Guy boit beaucoup plus, je crois qu’il a un vrai problème avec l’alcool, il est toujours ivre mort.

Guy : Howard aimait boire avant… Howard aimait même se défoncer et se planter des aiguilles dans le bras. (rires)

Howard : Je suis devenu plus sain. Je suis le sage du duo.

 

Qui est le plus diva ?

(les deux en même temps)

Guy : Howard !

Howard : Guy ! Guy demande des bouteilles d’eau avec des tranches de concombre flottant dedans !

Guy : Mais c’est délicieux ! Toi tu es très exigeant avec les genres de fruits.

Howard : C’est vrai que je demande de la vitaminwater parfum fruit du dragon.

 

Et donc au final, qui est le plus chaud lapin ?

Howard: J’ai une copine.

Guy : Et moi aussi. On a profité pendant un moment de la célébrité naissante… Mais bon, ça ne pouvait pas durer. Howard va l’épouser, sa copine.

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