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13 mars 2015

Interview dans le noir avec Jacques

par rédaction Tsugi

Battle de dégaines quand on arrive au Silencio. Jacques, ce nouveau trublion dont on n’a certainement pas fini d’entendre parler, sa coupe de cheveux (presque) au bol et sa flopée d’objets-instruments sur scène, et les gars de Salut C’est Cool dans la salle, attendant leur tour pour les balances. Mais nous si on a quitté notre îlot du XIXème arrondissement, c’est bien pour aller rencontrer Jacques, la dernière trouvaille de Pain Surprises. 

Les objets-instruments de Jacques

Parce qu’on a reçu son premier EP d’une part, et qu’il nous a mis une grosse claque : une techno dite « transversale » qui ose pourtant se lover dans des sonorités plus lointaines, perchée quelque part entre les ambiances tropicales d’un Bonobo et l’inventivité créative d’un groupe comme Gablé. Et puis on a reçu le communiqué de presse : «  Jacques c’est Jacques. Mais Jacque + Jacque = Jacques. Mais c’est le même. Perdu entre méditation réfléchie et spontanéité préméditée, Jacques compose de la musique électronique et voudrait écrire des musiques pour que les normaux et les bizarres dansent ensemble« . Voilà le topo. 

Fin des balances, il nous entraîne dans un petit salon obscur du Silencio, et on ne vous cache pas qu’on a un peu peur. Mais non en fait, on est rassuré : ce mec mange une pomme. Il est donc absolument normal. Rencontre métaphysique dans le noir avec Jacques, ce nouveau trublion dont on n’a certainement pas fini d’entendre parler, et pour qui tout est magnifique. 

C’est ton premier projet ? 

Jacques : Je vais manger ma pomme après en fait. J’ai eu plein de projets mais hier c’était la première fois que je sortais quelque chose. Avant je faisais ça sous des noms foireux sur Soundcloud. Mais j’ai toujours fait du son, mon père est aussi musicien. J’étais venu à Paris pour vivre de ma musique, j’ai eu des groupes foireux, j’ai été DJ. Je me suis cherché. Les sons que je fais aujourd’hui sont ceux que je faisais juste pour me marrer, en mode « trifouillage ». Il y a eu un renversement magnétique, ce que je pensais être « pour m’amuser » est devenu quelque chose de sérieux. Plus je creuse dans ce truc de techno transversale, plus c’est évident : j’ai envie d’entendre des sons de la vie de tous les jours. Et les sons synthétiques accentuent ces sons naturels, ça leur donne une couleur. Cela veut dire que le synthétique doit être au service du naturel, et c’est pareil pour tout : ton smartphone doit te servir pour te rapprocher des gens, mais tu ne dois pas rester bloqué dessus toute la journée. On peut le décliner pour tout. 

Jacque + Jacque = Jacques. On est nul en maths, on va éviter de se casser les dents sur cette équation et te demander de nous la résoudre. 

Jacques : C’est une façon de dire que je suis plusieurs. On a tous plusieurs avis sur la même chose. Je peux me retrouver avec un mec de gauche et lui dire des trucs de droite et vice-versa. C’est une façon de die qu’on est plusieurs, et qu’on n’a pas forcément besoin de trouver une seule personnalité, de s’enfermer. J’ai fait une vidéo pour une conférence Ted et c’est de là que vient « Jacque + Jacque = Jacques ». Dans cette vidéo je parle des différents niveaux de conscience, et donc des différents niveaux de rebellion : quand on nait, c’est le stade 0, celui de l’imitation. On imite les autres pour apprendre l’alphabet, on imite les gestes de ses parents, de ses amis. Tu as un deuxième état de révolte où tu te rends compte que le monde peut être différent, et un troisième qui ralie les deux, qui va te pousser à avoir un boulot, un hobby. Le week-end j’ai mon hobby, et je travaille toute la semaine pour financer mon hobby. C’est un compromis, un Triangle des Bermudes dans lequel on est quasiment tous bloqués à Paris : ton projet n’aboutit jamais, tu bosses pour des gens et tu ne sais pas où va le fric… C’est donc pour ça que j’ai inventé plusieurs « Jacques ». 

Tu as déjà essayé de l’expliquer dans d’autres langues au cours de tes voyages en Inde et au Mexique ? 

Jacques : En Inde j’ai eu une conversation géniale avec un sâdhu. On a parlé pendant trois heures. Il était dans la montagne qu’on voit dans le clip de « Tout est magnifique ». Ce mec est énorme. C’était encore un peu le bordel dans ma tête, et lui il arrive il te dit « ça c’est ça, ça c’est ça… et tu composes avec ». Et c’est la base du troisième oeil : tu regardes cette pomme, il y a la pomme, d’où elle vient, et tout l’esprit qu’il y a derrière. Et il y a un moment où tu n’as plus envie de savoir que c’est une pomme, il y a quelque chose que tu ne comprends pas. C’est ça le point de départ, admettre de ne pas comprendre, c’est pour cette raison que j’ai mis cette voix qui chante « il y a quelque chose que je ne comprends pas » en plein milieu du morceau « Tout est magnifique »

Tu penses vraiment que tout peut être magnifique ? Même une merde par exemple ? 

Jacques : Une merde peut être magnifique, ça dépend de la manière dont tu la regardes. C’est une question de point de vue. Le point de vue fait partie du sujet. C’est pour ça qu’avec ce titre je me dédouane d’avance en quelque sorte, si les gens trouvent ce clip moche, et bien ils ne comprennent pas. Et tant pis. 

Un peu comme ta coupe de cheveux d’ailleurs : dans le communiqué de presse il est écrit que c’est un « jeu pour défier la honte ». 

Jacques : Pareil. Mais il faut que tu regardes la vidéo de ma première conférence. J’avais un turban sur la tête, quand je l’ai enlevé les gens ont buggé. 

Tu ne bois plus et ne fumes plus depuis un an… 

Jacques : et trois mois. 

Pas trop dur ? 

Jacques : Tu sais avant de fumer et de boire je ne buvais pas et ne fumais pas… Pour arrêter il suffit de ne plus se comparer aux autres. A partir du moment où tu considères que tu es différent, tout est accordé. C’est une histoire de moyen et de but. Si ton but est d’arrêter de fumer tu vas essayer de trouver des moyens d’y arriver. Mais ces moyens ne sont pas ton but, tu vois ? Si arrêter de fumer devient ton moyen, là tu vas pouvoir le faire. Moi mon but était de développer mes capacités psychiques, c’est pourquoi j’ai arrêté les pétards et l’alcool. La musique est un travail d’esprit, c’est une construction. Comme un chateau de cartes, et il est impossible de faire la teuf dans une pièce où on fait un chateau de cartes… 

 

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