💿 Inter[re]view : avec cet album, Healing Noises défonce les portes de la cour des grands
C’est l’une des artistes Ă©lectroniques françaises les plus prometteuses de sa gĂ©nĂ©ration : Healing Noises alias Marianne Novomesky passe aujourd’hui le cap du premier album avec King of Wands, et c’est une franche rĂ©ussite qui ne prĂ©sage que de grandes choses pour la suite.
La pandĂ©mie aura eu raison de nombreux couples, mais pour l’art et la musique, ce n’est pas toujours une mauvaise chose. Après une sĂ©rie d’EPs produits entre Paris et Cannes oĂą elle est dĂ©sormais installĂ©e pour de bon, Healing Noises alias la Française Marianne Novomesky sort aujourd’hui son album King of Wands chez les Rennais de Human Disease Network. Ces dĂ©buts fracassants l’avaient propulser sur l’une des compilations du prestigieux label R&S, avec son track « Palm Tree« . Ce premier album continue dans les mĂŞmes sonoritĂ©s breakbeat, alors qu’elle a dĂ©cidĂ© de lâcher la techno qu’elle produit habituellement pour explorer plutĂ´t ses influences trip-hop. NĂ© de la douleur d’une sĂ©paration, cet album nous plonge dans un monde de pads ambient mĂ©lancoliques rythmĂ©s de breakbeats, entre dubstep, drum’n’bass et downtempo.
« Au tarot, le « king of wands » reprĂ©sente quelqu’un de tyrannique et de très phallique. Je vous laisse connecter les points… »
Pour ce disque de pandĂ©mie, Healing Noises aura pris un an pour concevoir les tracks de cet album. Ultra-productive, Marianne confesse nĂ©anmoins ĂŞtre « ce genre de personne avec 1 000 tracks commencĂ©s, mais pas terminĂ©s. Je fais mille choses diffĂ©rentes et j’ai du mal Ă me focaliser. » Ce sont les limites qu’elle se fixe qui lui ont permis de terminer cet album : « Je peux faire un track en une journĂ©e, je commence Ă 6h du mat et Ă 20h, j’arrĂŞte. » Ă€ l’inverse de ce qu’on pourrait croire, la disponibilitĂ© forcĂ©e des confinements n’a pas aidĂ©, bien au contraire : « J’ai arrĂŞtĂ© de produire pendant trois mois, par manque d’inspiration et aussi en totale remise en question Ă cause du contexte : les deux combinĂ©s, je me suis mĂŞme demandĂ© si je n’allais pas tout arrĂŞter. »
NĂ©anmoins, le processus crĂ©atif semble rodĂ© pour la Cannoise, qui est avant tout une bedroom producer qui fait des lives « pour mon chien et mes rats« , comme l’illustre ses jams postĂ©s sur Instagram. La composition de l’album s’en ressent, fondĂ© sur le Maschine de Native Instruments, qui reprend les fondamentaux de la cĂ©lèbre MPC d’Akai pour en faire un environnement de production numĂ©rique. En rĂ©sulte des tracks basĂ©s principalement sur un sampling inventif, qui provient aussi bien de films que de vidĂ©os YouTube, et globalement de tout ce qui passe sous la main de Marianne ; mention spĂ©ciale à « Compost Stella », un track torturĂ© de saturation qui utilise les chants de Pippin et d’Arwen dans Le Seigneur des anneaux.
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Marianne elle-mĂŞme ne sait pas comment ces Ă©chantillons piquĂ©s Ă droite et Ă gauche en sont venus Ă former des tracks aux sonoritĂ©s bass music ou dubstep, elle qui a surtout Ă©voluĂ© dans le monde de la techno : « Ces sons-lĂ sont un peu arrivĂ©s comme un cheveu sur la soupe. Je n’ai aucune culture drum’n’bass ou electronica. » Elle Ă©coute bien sĂ»r « de tout » Ă la maison, mais surtout du trip-hop comme Massive Attack ou Blockhead, ainsi que la techno qu’elle a frĂ©quentĂ© dans les clubs durant sa vie parisienne. C’est peut-ĂŞtre pour cela que ses tracks proposent une approche si rafraĂ®chissante et plaisante de la bass music : dĂ©nuĂ©e d’influences de cette scène, elle est parfaitement elle-mĂŞme dans la production et verse toute sa personnalitĂ© dans King Of Wands.
« Ces sons-lĂ sont un peu arrivĂ©s comme un cheveu sur la soupe. Je n’ai aucune culture drum’n’bass ou electronica.«Â
Ce nom d’album, c’est aussi la sĂ©paration qui l’a inspirĂ©, tout comme les nappes de synthĂ©s tristes qu’on retrouve Ă travers quasiment tout l’album. En anglais, le « king of wands » est le roi de carreau. VersĂ©e dans l’Ă©sotĂ©risme et les cartes de tarot, l’artiste nous apprend qu' »il reprĂ©sente quelqu’un de tyrannique et de très phallique. Je vous laisse connecter les points… » Si la rupture amoureuse est le seul fil conducteur du disque, c’est surtout parce qu’elle Ă©tait une toile de fond Ă©motionnelle durant la production des tracks, qui n’Ă©taient Ă l’origine pas destinĂ©s Ă former un album. Comme quoi, le hasard… Les titres des morceaux ont naturellement suivis, comme « She Shrugged Unapologetically » (« elle haussa les Ă©paules sans s’excuser »), encore lourd de sens… Encore une fois avec ce disque grandiose, de la douleur nĂ©e une grande beautĂ©, comme si la tristesse Ă©tait le meilleur des engrais.
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