I Hate Models signe un premier album magnifique et sanglant
Les plus geeks de notre lectorat connaissent probablement les Sacrieurs. Issue du jeu vidéo en ligne Dofus, cette classe de personnages a la particularité d’accumuler autant de puissance, violence et superbe qu’elle encaisse de coups. Les écorchures, les plaies béantes et les hari-kiri sont alors la clé de voute de leur pouvoirs, laissant couler leur propre hémoglobine pour pouvoir frapper plus fort. La musique de I Hate Models illustre parfaitement cette paradoxale beauté esthétique, aux confins de la douleur et du sacrifice ; son nouveau disque L’Âge des Métamorphoses évoque du sang frais, abreuvant une éraflure contre un bloc de béton.
Après son entrée fracassante avec « Daydream » en 2016 et son débarquement en fin d’année dernière sur le label londonnien Perc Trax, l’emblématique producteur français signe son tout premier album, celui d’une techno synthétique serpentant entre les nappes mélodiques et les couches de saturation. Une oeuvre fleuve : 93 minutes, 12 titres où les éléments sonores et les idées s’entrechoquent constamment pour accoucher d’un périple épique et progressif. C’est cette dialectique complexe que parvient à annoncer très justement le morceau d’ouverture, « The Beginning Of The End », où les arpégiateurs boiteux, les nappes oniriques et les textures fourmillantes forment un énigmatique tunnel vers un passage digne d’un titre de métal progressif, appuyé par guitares et double-pédale de grosse caisse. Ce sens de l’orchestration pointilleuse résonne dans tout le disque, avec des tracks groovy et entraînants comme « You Are Not Alone », « Those Shiny Razor Blades » ou « Forgiveness », solides appels à la rave ponctués par de très beaux moments mélodiques. Mais toute stabilité est éphémère dans L’Âge des Métamorphoses : une savante violence ponctue et déconstruit les instants de grâce à coups d’EBM sauvage et de kicks granuleux. En découle une sensation de violence crue mais magnifique, celui d’une offrande sur l’autel d’un somptueux temple techno. Avec son album, I Hate Models en est devenu un des grands prêtres. Et le prince des sacrifices.
L’Âge des Métamorphoses est disponible en format vinyle et en écoute sur Bandcamp :