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Crédit Photo : Andrea Mea Perez
17 août 2017

House, jazz et cinéma, l’interview de Folamour

par Antoine Tombini

Le 23 août prochain, à l’occasion de la soirée organisée par le label De la Groove, Folamour jouera pour la première fois au Garage, à Paris. Accompagné de son ami et collègue du label Moonrise Hill Material, Ethyène, du nouveau venu dans la sphère « house funky », Bellaire, et les résidents du label Le Hutin et B.K Mik, le jeune Lyonnais risque de faire vibrer le club de la Cité de la Mode et du Design, à coup de house saupoudrée de ses nombreuses influences, du jazz à la disco, de la soul au hip-hop. L’homme aux multiples casquettes a d’abord évolué dans l’organisation de soirées à Lyon avec Touche Française, pour ensuite commencer à produire sa propre musique. Aujourd’hui, Bruno dirige deux labels de référence à Lyon : Moonrise Hill Material et FHUO (For Heaven Use Only). Sans opter pour une communication massive, sorties après sorties, ses deux labels remuent le monde de la house nouvelle génération. Véritable bosseur dans l’âme, Bruno aka Folamour a sorti cet été l’album de Tochigi Canopy (FHUO), mais aussi un incroyable EP, The Power And The Blessing Of Unity, sur le label Glitterbox et prépare la sortie fin septembre de son album Umami. Outre la référence cinématographique évidente à Dr. Strangelove, Bruno sourit quand on évoque son nom de scène : « Je trouvais ça marrant de trouver un nom qui fasse très pop tout en produisant quelque chose de plutôt underground ». Entre deux dates, juste avant son train, on a eu l’occasion de rencontrer le mystérieux personnage et d’en savoir un peu plus sur ses influences et son parcours.

Comment étaient tes débuts musicalement?

Je faisais de la batterie quand j’étais gosse, puis de la guitare. J’ai eu des groupes de rock pendant l’adolescence dans lequels j’étais batteur ou chanteur. Ensuite, j’ai eu une grosse phase de break où je me concentrais sur d’autres trucs dont l’écriture. Et puis j’ai commencé à organiser des évènements avec quelques collègues parce qu’on s’ennuyait un peu à Lyon. Et au final ça a bien pris, on faisait des concert et des soirées, dans lesquels je mixais souvent pour les warm-up.

On retrouve dans tes productions du jazz, mais tu as aussi samplé la disco d’Enchantment, le hip-hop de Slick Rick, la soul des Supreme Jubilees, l’afro-beat d’Aleke Kanonu. Comment en es-tu arrivé à digger tout ça ?

Le hip-hop c’est vraiment mon adolescence et la majorité du reste vient du cinéma. Les Supreme Jubilees, par exemple, je les ai ré-entendu dans la série The Leftovers. La bande son principale d’un épisode est un morceau d’eux que j’ai samplé. Dans le cinéma, tu retrouves énormément de soul, et aussi pas mal de disco. Et le reste vient surtout des digressions sur internet et chez des disquaires. Tu finis par te dire que t’irais bien checker le bac de jazz, puis tu commences à tomber amoureux de certains artistes et tu trouves des trucs que t’as envie d’utiliser dans tes sons. Mais le jazz a bercé mon adolescence alors que la disco et la funk sont arrivées un peu plus tard. Puis la house vers 21, 22 ans. Quand j’ai commencé à vouloir créer ma propre musique, je n’avais pas du tout envie de produire sur ordinateur, ça ne me plaisait pas du tout. Par la suite, j’ai eu la chance et la malchance d’être cloué chez moi quelques temps, et puis je me suis dit quitte à m’ennuyer, autant apprendre à utiliser Ableton.

Tu as d’abord commencé à organiser des soirées sur Lyon avec Touche française, qu’est-ce que cela t’as apporté?

On s’ennuyait un peu, et il y avait un trou en terme de house à Lyon. La ville a été très techno pendant longtemps, ce qui est moins le cas maintenant. Il y avait tellement d’artistes qu’on voulait inviter et rencontrer. On s’est régalé avec ceux que l’on admire profondément : Moodymann, Kerri Chandler, Soundstream, Moomin… La liste est longue. C’est autant de rencontres qui m’ont influencé dans le fait de créer. En parlant à tous ces gens, ça te donne une dynamique assez particulière. Et puis j’ai ressenti le besoin de produire, ce qui a sonné la fin de l’organisation d’évènements pour moi.

Oui j’ai pu écouter tes premières productions, Chloé et Illéna sur un sample de « Summer Madness » de Kool & The Gang…

Je ne savais pas trop encore comment on faisait et ce qu’on pouvait faire à l’époque. J’avais ce morceau, qui est un de mes préférés depuis toujours, et je me suis dit que j’allais me faire un petit trip avec en le sortant comme ça. Et maintenant que je les ré-écoute, je vois le chemin parcouru, et je suis plutôt content de voir ce que j’arrive à produire aujourd’hui.

 

La fin de l’aventure Touche Française annonçait un peu les prémisses de la création d’un label ?

Ça m’a surtout lancé dans le fait de créer une communauté, de trouver des artistes que j’apprécie vraiment, de les prendre avec moi, de les booster et de les amener là où ils peuvent aller. C’est plus dans cette dimension-là que Touche Française a ouvert les portes qui ont mené à Moonrise Hill Material. Quand j’ai imaginer Moonrise, j’ai directement pensé aux personnes que j’avais autour de moi et c’est pour ça que je l’ai monté avec Éthyène, Kaffé Crème et Saint Paul/Okwa. C’est aussi ce qu’il se passe avec FHUO depuis.

Comment as-tu rencontré justement Éthyène, Kaffé Crème et Saint Paul ?

À l’époque où j’organisais des soirées. Kaffé Crème bossait avec Touche Française, il nous aidait sur des événement et je l’avais déjà fait jouer une ou deux fois. Je m’étais rendu compte très vite qu’il était très bon et que j’avais vraiment envie de bosser avec lui. Éthyène et Emeric gravitaient aussi dans cette sphère et je les avais invité quelques fois. On avait les mêmes références et on a lié un truc d’amitié vraiment cool. Et puis, de là a découlé notre label.

Alors que Moonrise Hill Material est un projet à plusieurs, tu as créé l’année dernière un label en solo, FHUO , pourquoi? 

Il y avait Moonrise qui était déjà bien en place, mais je sentais qu’il y avait une limite. Comme on est quatre, le processus est extrêmement long, ce qui fait qu’on se limite grosso modo à nous. Et si on bosse avec d’autres, on leur impose des choses qui ne sont pas faciles en tant qu’artiste donc on le fait peu. Et à côté, j’ai rencontré des artistes fantastiques, notamment Parviz avec qui j’ai fait le deuxième EP, Madcat qui est sur le troisième, Tochigi Canopy, sur le dernier, qui est un pote d’enfance. Je rencontrais ces gens, et je ne pouvais pas leur proposer de sortir un EP sur Moonrise, alors que j’avais vraiment envie de pouvoir travailler avec eux. Et FHUO est né naturellement de cette envie.

Cela reflète ton côté house un peu plus chill?

Oui il y a de ça. J’essaye toujours d’avoir un équilibre entre des choses assez clubs et dansantes et des choses très cinématographiques, qui t’inspirent des images. Il y avait déjà ça avec Moonrise, mais FHUO a cet atout d’être assez large. On a eu des trucs hip-hop, d’autres house disco, d’autres encore plus deep avec Mézigue sur la troisième sortie et dernièrement Tochigi Canopy avec un EP extrêmement ambient lo-fi. La prochaine sortie, ce sera Tour Maubourg avec un EP très deep garage des 90’s.

En 2017, j’ai pu voir que tu avais sorti 8 EPs, un album, en plus de tes dates, et de tes deux labels, comment tu t’organises?

En fait, je bosse tout le temps sans trop m’en rendre compte. Parfois, quand je suis en tournée, dans le train, ou les week-ends la réalité refait surface. Sinon, tous les jours, je mets en place les sorties, je suis en contact avec les artistes, et je suis moi-même en studio pour produire mes trucs. Ça doit faire deux ans que je bosse et que je fais du son quasiment tous les jours. Après mon album, j’ai déjà mes 3 ou 4 prochains EP qui sont prêts.

Dans une interview qui date de 2015, tu racontais que le Dimensions Festival serait l’un de tes endroits rêvés pour jouer. J’ai vu que tu étais à l’affiche de la prochaine édition. C’est un peu une sorte de consécration?

Il y a clairement ce sentiment-là. Le Dimensions, c’est un festival que j’ai fait en tant que public et qui m’avait bouleversé, et pourtant j’en ai fait des teufs et des festivals. Mais je suis vraiment sorti de là-bas, idiot, naïf. J’avais l’impression d’être un gamin à Noël !

Et peux-tu nous parler de la suite de tes projets?

Il y a mon album qui va sortir fin septembre, et ensuite j’attaque de nouveau sur des EPs. J’en ai un sur label australien, Kyoku, un sur Skylax qui verra enfin le jour à la fin de l’année. Ensuite je vais partir sur un nouveau truc en 2018. Je vais faire une trilogie d’EPs avec une histoire comme fil conducteur. Ensuite, j’ai mon live qui est prêt mais surtout, mon « vrai » nouveau projet pour l’année prochaine c’est de faire un album à trois, avec Éthyène et Marc Bianco (qui avait collaboré sur FHUO) qui excelle au piano. En fait ce sont mes deux colocataires ! On le sortira sur FHUO, sous le nom de Kimosabe, prévu normalement début 2018.

Et pour finir, dans la série « si tu pouvais » : produire un album avec une figure de la scène électronique mondiale?

Avec Floating Points, j’aimerais vraiment bosser avec lui. Il a une place à part pour moi, il a vraiment quelque chose de particulier.

Faire la prod d’un rappeur ?

Je choisirais… Booba. J’adorerais bosser avec lui. Comme il est très libre musicalement, il y aurait possibilité de l’emmener sur des choses intéressantes.

Ressusciter un artiste pour une collaboration ?

Marvin Gaye clairement. Pour moi, c’est un des artistes les plus talentueux de tous les temps. Marvin Gaye amené à notre époque avec un truc très house, aux influences néo-soul, il y aurait quelque chose de fantastique.

Et réaliser la B.O d’un réalisateur?

Je choisirais un Wes Anderson. Ça m’a tellement influencé. Je ne sais pas si les gens le ressentent, mais ma musique est clairement liée à ce genre de choses. Très sentimentale sans tomber dans le mélo.

Folamour sera le 23 août au Garage, à Paris, le 25 août à Londres pour l’Axe On Wax et le 30 août au Dimensions Festival en Croatie.  

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