Happy birthday Laurent Garnier, part 4
Laurent Garnier fête ce vendredi ses 25 ans de carrière au Rex Club à Paris. Il revient avec nous sur 25 moments importants de son immense parcours. Quatrième épisode.
2000 Unreasonable Behaviour
C’est l’album de “The Man with The Red Face”. Après “Crispy Bacon” c’est mon premier tube planétaire (rires). Unreasonable Behaviour c’est l’album de la maturité. Je me sentais mieux, j’assumais plus mes choix. Je continuais à explorer. Après 30 je me suis rendu compte que j’étais un très mauvais ingénieur du son et qu’il fallait quelqu’un pour m’épauler. J’ai travaillé avec Laurent Collat (alias Elegia). Je trouve que pour l’époque le son de l’album est bien foutu, il sonne bien. C’est un disque qui a beaucoup de personnalité, il me plait beaucoup. Il est plus expérimental. Au début je faisais de la musique en m’inspirant des autres producteurs, avec cet album j’ai commencé à être vraiment moi-même. Ce qui m’a conduit à des choses encore plus personnelles comme l’album The Cloud Making Machine ou les musiques de ballets que j’ai réalisé pour Angelin Preljocaj ou Marie-Claude Pietragalla. Là, je ne fais pas danser les gens. Aujourd’hui, si je réécoute tout ça, ce que je suis aussi en train de composer pour le prochain spectacle de Pietra, je me dis que j’ai trouvé mon truc : une musique granuleuse, pas forcément portée sur la technologie et avec des mélodies assez sombres.
2003 Are you Rexperienced ?
Ce sont les quinze ans du Rex Club avec qui j’ai quand même eu une longue histoire. Christian m’a demandé de faire la programmation. Il voulait faire un gros truc et je lui ai dit qu’on allait faire dix soirs de suite où on allait présenter tous les styles de la musique qu’on aimait mais où les Dj’s ne jouerait pas forcément dans leur style habituel. Donc il y a eu un soir “rock” avec Miss Kittin et Andy Weatherall, une soirée Hacienda avec le duo Mike Pickering et Dave Haslam, une soirée avec DJ Hell, et Les Rythmes Digitales, une nuit Underground Resistance. Il y a eu aussi le dimanche après midi une boum pour les enfants avec Carl Cox comme DJ, c’était incroyable. J’ai fait la clôture avec un set de douze heures. Ce fut un moment extrêmement intense et là encore très symbolique. Le fait de se rassembler pour fêter des moments importants, d’essayer de pas juste organiser une soirée de plus, j’ai toujours aimé ça. C’est ce qui fait avancer la scène. Il y avait un côté : le Rex vous donne parce que vous nous avez donné beaucoup, c’était un vrai moment de partage, très émouvant.
2005 The Cloud Making Machine
C’est un manifeste. J’avais envie de faire mon truc comme je l’entendais, de sortir du dancefloor. Je me souviens, j’avais composé six morceaux et j’ai dis à Eric Morand (le fondateur du label FCOM avec Laurent Garnier NDR) de venir à la maison pour les écouter. Eric c’est le couperet, il est horrible quand il écoute de la musique parce qu’il est froid comme de la glace. A la fin de l’écoute, il met toujours cinq minutes avant de parler. Donc, ce jour là il finit par me dire : “tu espères faire quoi avec ça ?”. A la Eric Morand quoi, avec son style toujours sympathique (rires). Je lui ai répondu : “Si tu parles de ventes, si on vend 10% de ce que j’ai vendu de mon dernier album, je serais super content.” Il a fait : “Tant que tu es au courant qu’on ne va pas en vendre beaucoup. Autrement je trouve ça très bien.” Donc je lui dis : “Banco, on y va.” Ce que j’aime chez Eric c’est qu’il prend des risques. Je lui ai expliqué que c’était un disque important, même si je savais que j’allais perdre des fans. Musicalement j’avais envie de ça. C’était une période un peu bizarre, la techno allait assez mal, il se disait même qu’elle allait mourir. C’est mon disque le plus personnel. Dans quinze ans, quand les gens écouteront ma discographie, ce sera un album qui prendra plus d’importance. C’est la bande originale de mon film imaginaire et je l’assume. C’était une période où j’habitai dans une ville qui était belle, mais dure. C’est un disque qui ressemble bien à l’environnement dans lequel je vivais, à la période que je vivais. Une période de trouble.
2008 Arrêt de FCOM
Eric Morand en avait marre, il commençait depuis longtemps à s’intéresser à d’autres choses. Je comprenais. J’avais la chance d’avoir le côté génial du label : voyager, le représenter à droite à gauche, rencontrer des gens, écouter leur musique. Eric se tapait lui tous les trucs emmerdants, et surtout les relations avec les artistes qui peuvent être très pénibles, ils se comportent parfois comme des enfants. C’est vrai qu’on avait quelques cas sociaux quand même chez FCOM (rires). Le climat de l’industrie du disque était également difficile, ça faisait deux ans qu’on perdait un fric monstre. On a mis beaucoup d’argent sur la table pour des disques qu’on n’a pas vendus. Ça se cassait vraiment la gueule. Donc on s’est dit qu’on allait mettre FCOM sur pause parce qu’on ne voulait pas le faire mourir. Un jour, on sortira peut-être un disque ou un bouquin parce que c’est FCOM et pas FRecords mais ça sera plus pour le symbole qu’autre chose. On s’était donc laissé une porte ouverte, mais ce n’était peut être pas très pertinent. Pour moi FCOM est bel et bien fini. Il ne faut pas laisser traîner les choses.
2009 Tales of a Kleptomaniac.
Il y a beaucoup de choses dans cet album qui auraient du avoir plus d’impact. “Last Dance At Yellow” est un très beau morceau, dans un style dubstep un peu hybride. J’adore “Dealing With The Man”, c’est un blues. Même si il y a des choses très personnelles, on revient plus sur le dancefloor quand même. C’est un moment où je m’entends super bien sur scène avec mes musiciens à qui j’ai laissé beaucoup de place dans ma musique. The Cloud Making Machine c’était : “laissez moi, je vais tout faire tout seul”. Tales Of A Kleptomaniac c’est “je touche à tout, je laisse de la place pour tout le monde et on va se marrer sur scène”. C’est drôle parce que sur ce disque, je m’ouvre aussi à nouveau sur mes racines, les choses faites pour danser, la musique black. Aujourd’hui j’ai la chance de pouvoir exister musicalement sur plusieurs niveaux. Je peux faire du dancefloor ou de m’exprimer d’une manière très personnelle comme la musique du documentaire Play ou le projet avec Pietragalla. J’ai réellement trouvé mon truc, c’est cool et puis c’est désormais accepté par mon public.
Patrice Bardot assisté de Quentin Monville