Fubiz Talks : le marathon de la créativité
Il aura été beaucoup question de musique tout au long des Fubiz Talks 2017, mercredi à la Salle Pleyel à Paris. La musique qui nourrit l’imaginaire de créateurs aussi différents que le couturier Jean-Charles de Castelbajac, l’illustratrice Geneviève Gauckler, qui débuta sa carrière avec le label F Communications, le réalisateur Edouard Salier qui travailla avec Justice et Doctor L ou Arnaud Rebotini, auréolé du succès de sa musique pour le film 120 Battements par minute. Né de l’association entre Fubiz, un média web dédié depuis 2005 au design, à la photographie ou à l’architecture, et l’agence Tetro, ce deuxième « rendez-vous de la créativité » proposait une riche journée de conférences, évoquant la création sous toute ses formes, du cinéma (avec Cédric Klapisch notamment), à l’architecture (avec Rudy Ricciotti, le créateur du Mucem a Marseille) ou l’illustration.
Le pari était ambitieux. Captiver, une après-midi entière, une salle Pleyel – pleine à craquer malgré un prix d’entrée plutôt salé – en faisant se succéder sur scène des créateurs de tout univers, venus présenter en trente minutes leurs réalisations et ce qui les a inspirées, en évitant si possible de trop se faire mousser.
En sortant de la salle Pleyel hier soir, le nez au vent après plusieurs heures d’écoute studieuse, force est de constater que les organisateurs ont gagné : ces deuxième Fubiz Talks (après une première édition en 2016 dans une des salles de l’opéra Bastille) donnaient sacrément envie de trouver son moyen d’expression et de se lancer soi-même dans le grand bain de la création.
Arnaud Rebotini fait évidemment partie de ceux dont l’intervention nous aura le plus marqués. Catapulté sur le devant de la scène avec sa bande-originale du carton 120 Battements par minute, Rebotini avait carte blanche pour parler de production électronique. L’occasion pour lui de revisiter sa carrière dans ce qu’il appelle avec humour la « musique de nuit » – comprendre évidemment la house et la techno. Des genres musicaux dont il reconnaît qu’il avait fini par se lasser un peu. Mais, replonger dans la house des années 90 pour composer la BO de 120BPM lui a rappelé que ce style, au même titre que le blues, est avant tout la musique des exclus, des laissés pour compte, pas forcément portée par des paroles politiques trop premier degré, mais par une énergie et un contexte historique militant. La house c’est le « blues des gays » comme l’a brillamment démontré Rebotini, avant de se lancer dans une belle petite démonstration aux machines. Le voir bidouiller des synthés pour faire évoluer le culte thème de « Planet Rock » d’Afrika Bambaataa vers des sonorités techno plus actuelles, devant un parterre d’auditeurs assis mais visiblement (sur)excité était aussi agréable qu’improbable ! De quoi donner un bon coup de peps avant l’arrivée du tout aussi enjoué Jean-Charles de Castelbajac. Le créateur avait décidé de surprendre son auditoire en évoquant non pas ses collaborations avec Lady Gaga, ou ses vêtements pour le pape Jean-Paul II, mais sa relation au sport… Auquel il s’est mis depuis à peine six mois, mais qui l’inspire depuis toujours. JC DC, comme ces enfants l’appellent, a retracé sa carrière avec humour en évoquant l’importance du sport depuis ses k-ways pour deux personnes (ou trois, pour les plus coquins), afin de « faciliter les rencontres », jusqu’à sa nouvelle collection pour le Coq Sportif, sans oublier ses pièces sportwears ornées de dessins de Mickey ou de Snoopy, adulées par la scène hip-hop américaine des 90’s et le mouvement grime anglais actuel.
La succession de ces conférences aurait tout de même eu quelque chose d’un peu intimidant si la dernière intervenante, l’ex-mannequin devenue illustratrice Charlotte Le Bon, n’avait pas donné une incroyable fraîcheur à son « talks ». La Canadienne, que l’on associe encore trop souvent à sa brève expérience de miss météo au Grand Journal de Canal Plus, dessine aujourd’hui à l’instinct, sans toujours se préoccuper de cadres classiques, inspirée plutôt par Keith Harring et ses « dessins de bites » ou par l’univers formidablement bancal (mais peu connu en France) de l’Ecossais David Shrigley. Sur la scène de Pleyel elle a donné une formidable démonstration de décontraction, prouvant que les complexes sont les pires ennemis du créateur. Vous ne dessinez pas comme Vermeer ? Qu’importe, ce qui compte c’est d’être audacieux et sincère. C’est un peu la leçon que l’on a retenue de ces Fubiz Talks : osez, et tant pis si ça foire ou si cela ne plaît pas à tout le monde. C’est sur cette belle note que l’on a terminé la soirée, accompagnés en musique par un concert mêlant orchestre classique et musique électronique, le tout porté par une impressionnante structure de néons arrangés comme une vague et s’éclairant en rythme. Hypnotisant. Rendez-vous en 2018 pour un nouveau shot d’inspirations : ces Fubiz Talks sont bien partis pour devenir une institution.
Clémence Meunier et Alexis Bernier.