FEŸ FESTIVAL : Le plus arty des festivals français, en plein château
C’est en pleine Bourgogne, dans le confort du Château du Feÿ et son domaine qui surplombe la colline de Villecien, que se tenait du 20 au 22 septembre la deuxième édition du Feÿ Festival, le plus arty et multidisciplinaire des petits festivals français, avec des performances musicales.
Samedi 21 septembre, il faisait un temps radieux pour l’avant-dernier jour de l’été, on a donc pris notre vélo, notre tente, et direction Feÿ Festival en Bourgogne qui battait déjà son plein. 1h30 de Paris en train jusqu’à la gare de Joigny, puis 30 minutes de vélo – en fait bien plus car ça grimpe ! – on avait été alléchés par un programme riche, proposant une vraie rencontre transversale des arts en plein monument historique. Et de nos jours, c’est peut-être les ingrédients clés pour un festival alternatif de petite taille réussi : arriver à mêler plusieurs types de performances, installations, entre musique, danse, art contemporain, architecture, talks, gastronomie, le tout dans un cadre franchement feÿrique, tout près d’une grande ville et qui donne envie d’y passer un week-end entier ! Une véritable expérience donc, bien plus qu’un festival.
Alors oui, c’est un autre type d’événement, pensé dans sa globalité, un monde à part qui nous inclut. On est accueilli par une charmante petite fontaine accompagnée par une sculpture de l’artiste hongroise Zsófia Keresztes et on remarque bien vite que le lieu (château et domaine) a été entièrement pris en compte et a participé à l’élaboration de performances ou lives musicaux. Comme celui d’Arne Vinzon, chanteur décalé et ses textes poétiques voire cafardeux, sur une scène improbable et magnifique qui donne en contre-bas sur la vallée. On prend l’apéro sur l’herbe, il fait trente degrés à 16h. Antoine Kogut, ex-moitié de feu Syracuse, a quant à lui délaissé la scène pour s’installer en plein milieu des arbres. Autour de lui s’est formé un cercle, on a pris place sur les feuilles mortes, les bouts de bois couverts de mousse. Le saxophone, les synthés se mêlent au paysage, rêveusement, alors que certains ferment les yeux. Tout est à sa place. À la nuit tombée, toujours sous les arbres, le cercle se reforme autour de la danseuse Oona Doherty qui présente Magma Solo, une performance hallucinée. Plus tard, les festivaliers sont invités à rejoindre la tente, où se sont succédés DJs pointus entre house et techno : Huerco S., DJ Fart in the Club le vendredi, puis Tarrou (le programmateur musical), PLO Man qui nous régale, ou Hadj Sameer, Stella Zekri. Dimanche, pour cause de pluie sans espoir d’éclaircie, et parce qu’il y a moins de monde que la veille, on finit par se resserrer sous le Pressoir, pour les derniers sets de Nathan Melja qui vient de signer son dernier EP sur Antinote, et du poulain de Dekmantel, Central. Ambiance pittoresque !
Quand on n’est pas sur le dancefloor, on peut se rendre à l’intérieur du château, où plusieurs œuvres d’art ont été créées spécialement pour le festival, comme celles du collectif des Pays-Bas MORPH, à mi-chemin entre la sculpture et l’installation et qui mélangent les matières (plastique, tissu, céramique, écrans…). On a même été étonnés de voir la dimension évolutive des œuvres, quand d’un jour sur l’autre leur disposition avait changé et d’autres éléments avaient été ajoutés. Dimanche, tous les festivaliers se sont entassés contre les murs entre ces mêmes œuvres, pour accueillir Vinson Fraley et sa performance de danse-chant mémorable. On nous glisse que la veille, il avait investi le terrain de tennis pour sa performance. Ce même terrain de tennis qui s’était aussi transformé en dancefloor : on a dansé entre le filet et la chaise d’arbitre avec le duo italo-pop inspiration 80s : Itaca… Improbable. On a adoré.
Improbable aussi le travail de Julie Villard et Simon Brossard qui ont quant à eux envahi la grange avec des sculptures qu’on pourrait prendre soit pour des aliens soit pour des fleurs fanées métalliques, et –surprise- un des « aliens » est en fait un bar, rempli de Mezcal fumé ou autres alcools mystérieux mais forts et qu’on peut goûter dans des petits verres. Ajoutez cela au vin nature qu’on peut boire à tous les bars, et vous comprendrez mieux l’atmosphère qui règne.
Non loin de la grange, on a pu assister au live de Buvette, dans une sorte de bassin peint qui était en fait un « salon de conversation », une œuvre installée l’année précédente. Le tableau est parfait : le musicien est assis au milieu du bassin, une coupe de fruit au premier plan, ses claviers autour de lui, un joint posé sur le côté. La performance a été créée en une semaine sur le festival, lors d’une résidence où Buvette a réuni des enregistrements, des sons, et composé « Hypnagogie dominicale », une expérience musicale qui a pour but avéré de nous faire plonger en plein rêve. « Go to sleep, go to sleep… », les auditeurs allongés ci et là se laissent hypnotiser.
On n’en finit pas de découvrir d’autres espaces ou détails au fur et à mesure -c’est aussi ça le point appréciable du Feÿ, comme la toute petite « salle expérimentale » par Potemkine, tapissée de coussins et où des collages de films plus ou moins abstraits en tout cas fortement psychédéliques nous absorbent. Ou la gentillesse de Minou Sabahi autour d’un thé et de pâtisseries iraniennes dans la pièce au four. Le petit atelier de la potière. Radioplot, qui diffuse dans une petite pièce près de l’allée centrale. Le petit marché avec les produits frais des producteurs du coin. On a même rencontré le maire de Villecien qui passait faire un tour dans ce festival qu’il a soutenu et qui permet selon lui d’apporter un peu de vie dans l’Yonne, même si les locaux, bien qu’inclus au maximum, ne sont pas forcément arrivés en nombre, dommage.
Ce qui aurait pu paraître trop contemporain, peut-être élitiste, était en fait le terrain d’expérimentation réussi de nombreuses disciplines. L’équipe, une quinzaine de personnes organisées en pôles qu’on remercie pour leur travail impliqué, a pris soin de ne pas seulement envahir un lieu de patrimoine, mais de le faire vivre, vivre par l’art, par les performances in situ et par l’énergie des festivaliers avides de découverte. Et de prouver que rien n’est inaccessible, pour le peu qu’on soit curieux. Rendez-vous au Feÿ Festival 2020 !