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22 juin 2018

Fête de la musique à l’Elysée : l’électronique prend la République

par Maxime Jacob

Il l’a dit, il l’a fait. Pour la fête de la musique, Kiddy Smile, le DJ et producteur parisien icône de la scène voguing, est monté sur la scène de l’Élysée avec ses danseurs transgenres. Sur son t-shirt, les mots « fils d’immigrés noir et pédé », façon de protester contre la loi asile et immigration à laquelle l’artiste s’oppose. Derrière lui, les vieilles pierres, les drapeaux français et européen. Le symbole est fort.

On savait que la fête de la musique serait l’occasion de faire passer un message au Président de la République. Le couple Macron semble d’ailleurs l’avoir bien reçu, et avec le sourire si l’on se fie à la photo souvenir.

Mais Kiddy Smile n’a pas non plus perdu de vue l’objectif initial de la soirée, ce pour quoi Busy P a décidé de le programmer : transformer la cour du palais présidentiel en dancefloor. Et la playlist permettait de voguer sereinement : on retient un beau passage par Chicago représenté par le « Brighter Day » de Cajmere, plus l’hymne disco de la nation gay : « Born This Way » par Carl Bean. Le tout entrecoupé d’afrotrap avec « Faut qu’ça pète » de Sisi K qu’un type en costard qui passait par là croit reconnaître : « C’est pas du Booba ça non ? ». Non.

En fermant les yeux, l’Elysée ressemblait donc à un club. Sans alcool dans la bière, mais avec un système son qui permettait de s’amuser et des DJs de qualité – Outre Kiddy Smile on retient Cezaire et Chloé qui ont ouvert le bal avec de bons warm up, varié pour le premier, résolument techno et deep pour la seconde. Chloé qui a d’ailleurs démarré son set par des « Do not try to get rich, that’s impossible (…). Do not try to escape poverty, that’s impossible » scandés – ça pose le décor. En closing ? un DJ set du Président du soir – Pedro Winter – qui a pêle-mêle balancé du Stardust et du Frankie Knuckles, recevant même une accolade d’Emmanuel Macron sur « Your Love ». On regrettera peut-être que Kavinsky ait profité de cette entrée historique de l’électro à l’Elysée pour y glisser des grosses turbines dubstep.

L’ambiance, forcément, était un peu particulière. L’Elysée n’est pas un lieu dans lequel les danseurs se sentent tout à fait libres de leurs mouvements. Tout ici appelle au sérieux, y compris le beau panneau « interdiction de fumer » trônant dans la cour. « A un moment j’ai dû poser mon gobelet dans le pot d’un arbustre pour avoir les mains libres. C’est étrange mais j’avais l’impression de faire quelque chose d’illégal », explique Pierre, posé sur une marche avec ses potes, entre la cour et l’espace buvette. Pas vraiment le Berghain, l’Elysée, mais une forme de beauté et de poésie se dégagent quand même de l’événement, comme si deux dimensions parallèles finissaient par se croiser durant quelques heures. Les jeux de lumières sur la façade de l’édifice donnaient également une impression de surréalisme, renvoyant l’image d’une réception diplomatique sous acides. Pour l’apparition, en fin d’événement, d’Emmanuel et Brigitte Macron, la foule, dense en début de soirée, était bien clairsemée. Beaucoup étaient déjà rentrés mais ce soir-là, c’est vrai, il faisait un peu frais.

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