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4 juin 2020

Fermeture de Dehors Brut : retour sur 9 ans de règne de Surprize

par Arthus Vaillant

Une triste nouvelle est tombée hier, l’agence Surprize est en liquidation judiciaire. De surcroît, cela sonne la fermeture du club Dehors Brut et la fin du Weather Festival. Retour sur certains des grands moments de l’un des crew les plus influents de la vie nocturne parisienne.

La première Surprize Party et les soirées itinérantes Twisted, puis celles à Concrete, Dehors Brut, les ponctuelles Hors-Série ou le Weather Festival auront eu un impact énorme sur le milieu de la fête à Paris. Dans le même temps, leurs responsables (Brice Coudert, Aurélien Dubois, Adrien Betra, Pete Vincent, Renaud Gay, Tejjy Gauthier) ont permis de faire venir à Paris des artistes qu’on ne voyait à l’époque quasiment jamais, dont Motor City Drum Ensemble, Robert Hood, Nina Kraviz ou Rødhåd, et même fédérer autour du label Concrete Music une scène techno et house française solide avec Antigone, Ben Vedren, Sweely ou Leo Pol. En 2011, Concrete avait soufflé un vent d’espoir parmi le public électronique parisien, marquant le retour en grâce de la techno et permettant de remettre Paris sur la carte de la scène électronique mondiale, stoppant la jalousie du public français pour les fêtes berlinoises. Retour en cinq étapes sur l’un des crew les plus innovants, débrouillards et influents de la vie nocturne parisienne.

Le crew Concrete circa 2016. De gauche à droite : Jonathan Malaisé, Brice Coudert, Aurélien Dubois, Pete Vincent et Reno Gay. Crédit : Mathieu Zazzo pour Tsugi

2011 et les débuts de Surprize

« La première teuf qu’on a faite, c’était à la Machine du Moulin Rouge. On avait vu grand avec Aurélien », racontait Adrien Berta dans un précédent entretien pour Tsugi. Cette première Surprize Party s’est déroulée le 12 mars 2011. À la programmation : South Central, Detroit Grand Pubahs, D.S.L ou encore Only For The Kids. « SURPR!ZE prend d’assaut la machine du moulin rouge pour la première soirée d’une longue série », pouvait-on lire alors sur un post Facebook de l’agence.

« Quand on a commencé avec Aurélien, on n’avait même pas de quoi se payer un bureau. »

Dans Tsugi, Adrien Betra se remémore les débuts de l’agence : “Je me souviens du chemin de croix quand il a fallu monter Surprize. J’ai dû galérer trois semaines pour déposer les statuts. J’étais plutôt fier de mon résultat, mais quelque temps plus tard on a eu la chance d’avoir un vrai comptable qui a dû tout reprendre. Là j’ai compris de l’intérêt d’avoir un bon comptable. Quand on a commencé avec Aurélien, on n’avait même pas de quoi se payer un bureau. Un ami nous a prêté son appart à Abbesses. On arrivait le matin quand il partait travailler, on aménageait notre bureau dans le salon avec quatre tréteaux, deux planches. Le soir on rangeait tout avant qu’il rentre du taf. La première teuf qu’on a faite, c’était à la Machine du Moulin Rouge. On avait vu grand avec Aurélien (propulseur de cotillons, sculpteur de ballon, décors, 10 DJs…). On avait créé des t‑shirts pour des filles genre ‘les Surprizettes’ avec marqué dessus ‘Surprize’ devant et derrière. Ce n’était peut-être pas du meilleur goût, heureusement elles les ont enfilés tellement rapidement qu’elles n’ont pas dû lire la phrase inscrite au dos.”

Concrete, phare de la nuit parisienne

« Un jour que je sortais de la Sunday sur le quai de la Rapée dans le 12e, je suis tombé sur la barge de Concrete, flambant neuve », révélait Brice Coudert dans un entretien pour i-D. Après des négociations avec les propriétaires du lieu, la fête pouvait s’organiser. « La première sur le bateau c’était avec Matt John, San Proper, Dario Zenker, Grego G… Ça a été un énorme succès ». Et c’est ce succès qui les encouragea à continuer sur la péniche, mettant ainsi de côté les soirées Twsted (qui les précédaient) censées être itinérantes : en 2011 toujours, Concrete était né. Après quelques soirées au port de la Rapée, la péniche se transforma officiellement en club et Surprize décida d’y jeter l’ancre. Par sa direction artistique claire et sans concession, Concrete est rapidement devenu un phare de la nouvelle scène techno et house de l’époque, faisant de Paris un passage obligé pour tous les clubbeurs européens.

Le Weather Festival, monstre électronique

En 2013, l’agence Surprize était allée encore plus loin en créant son propre festival de musique électronique. Le Weather Festival se tenait chaque année dans la capitale française. Le premier avait eu lieu au Palais des Congrès à Montreuil où près de 16 000 personnes s’étaient retrouvées. Selon Brice Coudert, DA de Surprize, c’est la seule édition qui leur a permis de générer des bénéfices financiers. Voyant les choses plus grandes encore, la deuxième édition s’était tenue sur trois lieux, l’île Seguin, le Bourget et l’Institut du Monde Arabe. Une édition hivernale s’était même lancée dès la deuxième année. Après une troisième et monstrueuse édition au bois de Vincennes (sur l’actuel emplacement du We Love Green), le festival fait une pause de trois ans, surtout pour des raisons économiques mais pas que, avant de finalement revenir en 2019 avec une programmation moins costaud mais tout en finesse. Octo Octa b2b Eris Drew, Djrum, Daniel Avery ou l’impressionnant live de Lanark Artefax avaient renversé la Seine Musicale.

Concrete : touché-coulé

Après huit années d’allégresse sur le club flottant, le couperet tombe : Surprize se fait expulser le 22 juillet 2019 (après une fête historique de 50 heures avec 50 artistes) par la société propriétaire de la péniche, la compagnie des Bateaux de Paris et d’Ile-de-France. Pour l’équipe, c’est l’incompréhension, et malgré une pétition de plus de 21 500 signatures et une proposition de rachat du bateau par la Mairie de Paris, Concrete est prié de décamper (telles sont les lois du secteur privé). On parlera de « relations compliquées » entre Surprize et le propriétaire de l’embarcation. Le club aura vu défiler tous les plus grands noms de la musique électronique.

Le haut-le-cœur Dehors Brut

Heureusement, l’équipe de feu Concrete s’est vite relevée. Il y a presque un an, le 27 juillet dernier, Dehors Brut ouvrait ses portes. Le « Grand Opening » avait été orchestré par les DJs G’Boï & Jean Mi, Leo Pol, Park Hye Jin et Saoirse sur le grand terrain en plein air de 5000 m² dans le 12e arrondissement de Paris (pas très loin de l’ancienne péniche). Malgré le changement de décor, l’ambiance y était la même qu’à Concrete mais avec plus d’espace, le club s’étalant sur un terrain appartenant à SNCF Immobilier. À l’origine, Dehors Brut ne devait être qu’un lieu éphémère de trois mois, mais il aura finalement conquis le cœur des Parisiens même en hiver, en se parant d’une bâche et de chauffages, jusqu’aux premières mesures sanitaires liées au Covid-19 où le club fut contraint de fermer. Nous étions loin de nous douter que le club ne rouvrirait malheureusement jamais ses portes.

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