Exit Festival 19 : la démesure serbe
Quelques 200 000 festivaliers se sont massés dans la forteresse de Petrovaradin, sur le bord du Danube à Novi Sad, deuxième ville du pays. En cassant, de fait, le record absolu dans l’histoire du festival. Le petit événement créé en 2000 par une poignée d’étudiants en opposition au régime du dictateur Slobodan Milošević, alors toujours au pouvoir, est devenu en moins de vingt ans un monstre tentaculaire qui continue de s’étendre, pour nous offrir une 19e édition grandiose et bourrée d’amour.
Ici, oubliez la notion de sommeil, si vous comptez tenir de 19h à 8h du matin pendant quatre jours, et bossez votre cardio : le site de l’Exit est immense et compte pas moins de 19 scènes, pour des artistes aux styles bien différents, flirtant sans vergogne avec l’incohérence. Du rock très gras au reggae, des sonorités traditionnelles au latino en passant par le disco, du hip-hop à la musique électronique, évidemment grande maîtresse des lieux dans toute sa diversité.
Au tout début comme en clôture du festival, des pluies diluviennes ont semé l’inquiétude… Pas de quoi faire couler l’iconique maquillage smoky-eye de Robert Smith, pour le grand retour de la mythique bande de The Cure sur la main stage. Les guitares feulent, la voix est droite, toujours en place et les tubes sont repris en chœur par un public acquis à la cause pendant deux grosses heures, avant l’ouverture officielle sous un feu d’artifice et un sample de ‘’L’histoire de la vie’’ du Roi Lion –si si- retentissant. On aura assez souvent évité la scène principale et les concerts de Lost Frequencies, Dimitri Vegas & Like Mike, The Chainsmokers et DJ Snake qui a dû annuler. On s’y retrouvera quand même pour jeter une oreille à Van Gogh (déjà présent lors de la toute première édition), à Tom Walker et sa voix rauque, au rock serbe de Partibrejkers, à la nouvelle diva du trap-jazz IAMDDB, à Skepta qui déroule son album Ignorance is bliss fraîchement sorti et surtout pour Dub FX, histoire d’offrir un revival nostalgique à notre adolescence. Du coup, pour les plus énervés, il fallut faire quelques détours par la scène No Sleep qui a tenu son pari de tenir les festivaliers éveillés aux côtés, notamment, de Black Lotus, Blancah ou 999999999.
On sort une liasse de billets de la monnaie locale –sans s’enflammer bien sûr, puisque 1000 dinars serbes équivalent à 8€50- pour prendre une pinte à 2€50, un burger veggie (et vert fluo) pour se donner bonne conscience avant de rejoindre le camp de base privilégié : la scène de la Dance Arena. Malgré son nom, c’est la véritable scène principale de l’Exit pour les amoureux de musiques électroniques, avec ses immenses panneaux psychédéliques de 3000 m2, ses lumières grandiloquentes et sa programmation de feu. Dans la fosse ou en tribunes pour prendre de la hauteur, on ne rate pas une miette des performances d’Adriatique ou Peggy Gou. Satori s’étale en boucles orientales, en mélodies envoutantes à la flute et ou à la voix, notamment sur une reprise du ‘’Misirlou’’ de Dick Dale, issu de la BO de Pulp Fiction. Charlotte de Witte et la patronne Monika Kruse nous offrent des moments de violence nécessaire, on reprend des forces quand le soleil se lève sur les douceurs de Paul Kalkbrenner… Johannes Brecht s’installe confortablement au fond du temps, une foule monstre se presse devant le duo italien Tale Of Us, et Jeff Mills délivre un set inoubliable, tonitruant, sans fausse note ni moment de répit. Instant très ‘’kawaii’’ -ou plutôt ‘’сладак’’ si l’on veut coller à la langue locale- quand Carl Cox rejoint Maceo Plex pour un b2b canon sous le soleil levant… Orgasmique. Puis le Britannique prend seul possession de la scène, pour un set incendiaire dont voici une minute de bonheur :
Les derniers survivants du lundi matin auront eu droit à un moment magique : après le set final d’Amelie Lens, la prodige belge revient pour un rappel en jouant ‘’Firestarter’’ de The Prodigy. Certainement un clin d’œil au lien indéfectible qui lie le groupe au festival depuis 2009, et surtout un hommage à Keith Flint, disparu le 4 mars dernier.
Merci à l’Exit et aux Serbes, à l’organisation parfaitement gérée, aux glissades dans la boue qui font place au regret le lendemain au moment de jeter les chaussures, à la bienveillance générale des autochtones, à leur humour en toute circonstance, à leur passion inconsidérée pour le pop-corn et le karaoké. Laissez-nous un an pour reposer nos jambes ankylosées, faire disparaitre nos centaines de piqûres de moustiques, et on reviendra pour fêter en grande pompe le 20e anniversaire du festival qui, comme l’annonce l’aftermovie ci-dessous, marquera son entrée dans une nouvelle ère : celle de l’Exit 2.0.
Meilleur moment : entre Monika Kruse et Jeff Mills, nos cœurs balancent
Pire moment : le déluge et la boue, qui auraient bien pu gâcher la fin de la fête sans la réactivité de l’orga du festival.