« Vous pouvez foutre gentiment le bordel ici ». VoilĂ  ce qu’on pouvait lire sur un panneau jaune non loin de la scĂšne 2 du festival Baleapop, fiĂšrement plantĂ© dans l’herbe du parc Decontenia de Saint-Jean-de-Luz. Un slogan pour les rĂ©sumer tous. On dĂ©cortique.

« Ici »

Ici, c’est le pays Basque. Ça se sent dans les taloas au lomo que l’on chope « au bar », grande tente oĂč l’on trouve boissons et petits plats prĂ©parĂ©s par des bĂ©nĂ©voles. Ce quasi « espace de vie » accueille Ă©galement des DJ sets, par les ultra-dansants Sheitan Brothers et leurs chemises hawaĂŻennes ou les Ă©quipes du Hors Bord festival bordelais. PremiĂšre remarque en ce septiĂšme Baleapop : on y mange bien, la biĂšre est bonne (et locale), on n’attend ni pour se restaurer, ni pour s’hydrater, ni pour les toilettes – vous remarquerez le parcours typique du festivalier. Tout est limpide Ă  Baleapop, toujours qualifiĂ© de mini-festival par sa taille (12000 personnes ont Ă©tĂ© reçues sur les trois jours, sans compter toutefois le parcours dans les bars de la ville du jeudi soir), mais Ă  l’organisation aussi rodĂ©e que les plus gros.

Plus prĂ©cisĂ©ment, « ici », c’est Saint-Jean-de-Luz et sa plage de Cenitz, dont l’espace oĂč sont d’habitude entreposĂ©es les algues sert de cuvette-dancefloor pendant les aprĂšs-midi Baleabeach. « Ici », ce sont aussi les accents des copains, les musiciens du coin – de Lumi Ă  Panda Valium -, les coups de soleil pour les touristes parisiens (on est grillĂ©), et les aprĂšs-midi Ă  danser Ă  la plage, plutĂŽt house vendredi et marquĂ©es par un set plein de pains de Traxxle samedi. Heureusement, le DJ amĂ©ricain, qui surjoue toujours tout ce qu’il fait derriĂšre ses platines, offrira une fin de set moins expĂ©rimentale et plus pĂȘchue, bien plus adaptĂ©e Ă  une fin d’aprem’ accompagnĂ©e d’un esquimau au mojito (oui oui).

Le Parc Ducontenia, c’est aussi « ici », dĂšs que le soleil commence Ă  se faire moins mordant. Une aire de jeu (petite dĂ©dicace Ă  la balançoire particuliĂšrement prisĂ©e), des espaces verts, un mini amphithéùtre et des installations artistiques. Car Baleapop se veut ĂȘtre un festival de musique certes, mais aussi d’art contemporain. Malheureusement, les Ɠuvres prĂ©sentĂ©es cette annĂ©e Ă©taient un peu perdues dans le parc, pas vraiment mises en valeur. Tant pis, il y en aura tout de mĂȘme une qui aura Ă©tĂ© largement remarquĂ©e : How Many BPM est une performance pendant laquelle un skater fait des allers et retours sur une rampe en parfait demi-cercle, au rythme d’un mĂ©tronome et d’un ou plusieurs musiciens. Impressionnant, hypnotisant (littĂ©ralement), poĂ©tique et accompagnĂ© par Petit FantĂŽme le dernier soir : on adhĂšre. « Ici », on se sent bien.

« Vous pouvez foutre le bordel »

Il ne faut pas nous le dire deux fois. Car entre deux assiettes de chipirons en centre-ville (miam) et deux aprem sous le soleil de la Baleabeach, on a fait la fĂȘte au Parc Ducontenia. Mais pas d’ambiance pleine de sueur Ă  la festival de techno : cette annĂ©e, le psychĂ© Ă©tait Ă  l’honneur, pour des concerts Ă©coutĂ©s majoritairement assis. Buvette a joliment ouvert le bal avec sa voix Ă  la Damon Albarn, son live band et son excellent « Room Without A View » – une petite perle dĂ©jĂ  pas mal remarquĂ©e par les auditeurs de Nova, extraite de son prochain album Elasticity (livraison prĂ©vue le 23 septembre sur Pan European Recording). Autre belle dĂ©couverte de la soirĂ©e, Radiator, pour un rock garage hallucinĂ© qui sent pas mal le cambouis – les sexy dissonances dont le duo basque use mais n’abuse pas rajoutent encore un peu de saletĂ© Ă  l’ensemble. Mimi cracra.

Mais la tĂȘte d’affiche se dĂ©couvre un peu plus tard, dans l’amphithéùtre. Et Suuns n’a pas déçu, notamment grĂące Ă  son charismatique chanteur. Voix Ă  la Brian Molko, corps de crevette mal nourrie et allure rappelant celle du personnage jouĂ© par James Jagger dans Vinyl… Ça transpire le rock’n’roll et le souffre, pour une minuscule heure d’expĂ©rimentations Ăąpres, psychĂ©dĂ©liques et parfois trip-hop.

Le lendemain, sur la mĂȘme scĂšne, on assistera Ă  un drĂŽle de spectacle : J.C SatĂ n assis. Oui, le rock des Italo-Bordelais s’est pour la premiĂšre fois exportĂ© en format « love sessions », comprendre plus de balade et tout le monde bien installĂ©. Mais Arthur, le chanteur-guitariste-chauffeur de salle Ă  l’ironie sans Ă©gal, ne semble pas trĂšs Ă  l’aise avec ce format bisounours : il tentera pendant une bonne partie du concert de se relever, semblant se souvenir par moment que ce n’est pas tout Ă  fait le concept. Un bon point pour les abdos, mais un drĂŽle d’effet tout de mĂȘme : peut-ĂȘtre qu’il faut vous autoriser Ă  vous lĂącher en toutes circonstances les J.C SatĂ n, mĂȘme si ce petit format aura permis d’inviter une violoniste et un cuivre sur scĂšne.

On dansera ensuite sur Shackleton et DĂ©bruit, ce dernier offrant pour certains le meilleur concert du week-end (pour nous, ce sera Suuns, pas de suspens). Quant Ă  Jan Schulte, il jouera son set disco (voire italo-disco) depuis la petite butte surplombant la scĂšne 2… Si bien que pas mal de monde ne savait mĂȘme pas d’oĂč venait le son ! Peu importe, ça danse n’importe oĂč dans l’herbe, la chanteuse du beau duo Lumi joue Ă  1, 2, 3 soleil avec des festivaliers, un chien court aprĂšs un bĂąton et au-dessus de tout ce petit monde une rĂ©sistante, toute derniĂšre fleur blanche d’un magnolia cramĂ© par le soleil. Oui, « ici vous pouvez foutre le bordel ». Mais c’est si paisible qu’on n’a pas envie de tout casser non plus.

« Gentiment »

Vous avez dĂ©jĂ  vu un festival qui fait jouer gosses et fĂȘtards en gueule de bois aux chaises musicales ? Nous oui. Cette annĂ©e particuliĂšrement, le jeu Ă©tait au centre du festival, pour un week-end bon enfant et plein de gentillesse. On se prĂ©pare en Ă©coutant la rigolote Radiobalea, on joue au blindtest en dĂ©but d’aprem, les enfants s’amusent avec des percussions pendant l’atelier « les Taons Bourrins », des couples viennent prĂ©senter leurs progĂ©nitures aux copains venus de loin, deux quinqua avaient ramenĂ© les coussins du salon pour s’asseoir dans l’herbe… Et le chef de la cuisine et sa femme ont mĂȘme accueilli le premier BaleabĂ©bĂ© de l’histoire du festival, en plein rush samedi soir ! Un week-end mucho love qui s’est terminĂ© de la plus jolie des maniĂšres : plutĂŽt que d’envoyer gros bras et sĂ©curitĂ© pour vider le parc Ă  la fermeture du festival, les organisateurs du collectif MoĂŻ MoĂŻ ont formĂ© une chorale. Cinq titres, chantĂ©s tout au long de la sortie du parc, histoire de raccompagner les Baleapopeurs avec le sourire. Malin, bon enfant et musical : c’est tout Baleapop ça. Muxu muxu.

Meilleur moment : se rendre compte une fois rentrĂ© Ă  Paris qu’on a dĂ» rĂ©pĂ©ter une centaine de fois dans le week-end « on est bien lĂ , non ? ».

Pire moment : devoir dire Ă  l’homme en slip kangourou qu’il ne pourra rentrer dans la navette bondĂ©e qui va vers Baleabeach, un crĂšve-coeur.