Dix titres (et trois bonus) pour s’initier au jazz selon Laurent Garnier
Laurent Garnier ne fait rien comme tout le monde. C’est notre DJ français préféré, mais c’est aussi un fan de jazz (nul n’est parfait). Et quand nous lui avons demandé de nous proposer une playlist de dix titres initiatiques, il en a livré treize. Sympa Laurent, mais ce n’est pas ce que l’on t’avait demandé. Allez, c’est vraiment parce que c’est toi.
- Miles Davis – « So What » (Columbia, 1959)
Le classique du classique. Gil Evans au piano, Miles Davis et John Coltrane qui se tirent la bourre. Du beau linge. C’est le saxophoniste Philippe Nadeau qui me l’a offert en me disant « quand tu arriveras à fredonner les deux solos on fera peut-être quelque chose avec toi ». Il faut écouter ce titre pour commencer toute initiation au jazz.
- Bill Evans – « My Foolish Heart » (Milestone, 1961)
L’élégance à l’état pur. Un enregistrement live extrêmement minimal, le moment suspendu de grâce absolu. La pureté totale, rien à dire d’autre.
- Kip Hanrahan – « You Can Tell A Guy By His Anger » (American Clavé, 1992)
C’est Jean-François Bizot, le fondateur du magazine Actuel, qui m’a fait découvrir ce titre d’un avant-gardiste du jazz moderne. Kip Hanrahn est sans doute l’un des plus grands mélangeurs de sons et d’artistes. Toute son oeuvre est intéressante, mais si j’ai choisi ce titre, c’est à cause de l’utilisation de la voix, du slam avant l’heure.
- Art Ensemble Of Chicago – « Theme De Yoyo » (Nessa, 1970)
Un de mes morceaux favoris, sans doute plus compliqué à appréhender pour les gens qui sont hermétiques au jazz. Un titre extrait d’une musique de film français, Les Stances à Sophie, enregistrée à Paris au début des années 70. L’Art Ensemble était une tribu d’activistes et de barjots en même temps.
- John Coltrane – « A Love Supreme » (Impulse!, 1964)
Que dire ? Le saxophoniste le plus révolutionnaire de l’histoire du jazz. Il existe un bootleg house de ce titre sublime, que je joue régulièrement. Tous ceux qui détestent le saxophone devraient écoute « A Love Supreme » pour changer d’avis.
- George Gruntz – « Hal-Lucy-n’-o’-One Step » (MPS, 1975)
Un compositeur suisse que j’ai découvert dans une compilation plus psychédélique que jazz, un roi des expériences sonores. Le jazz a fait énormément d’expériences et Gruntz en est un symbole. Un titre lent et un peu décadent.
- War – « Flying Machine » (United Artists, 1978)
Aux confins du jazz et du funk, un morceau fait pour un film, la version originale est toujours dans ma caisse de DJ, je la joue depuis des années. La meilleure preuve que le jazz peut faire danser.
- Lalo Schifrin – « Dirty Harry’s Creed » (Warner Bros., 1983)
Un des thèmes de la série de films avec Clint Eastwood en flic désabusé. Un morceau très ciné donc, mais très funk en même temps. On ressent l’influence de son Amérique latine natale. Un morceau qui me semble emblématique de son travail.
- Nina Simone – « Funkier Than A Mosquito’s Tweeter » (Jazzman, 2002)
Peut-être le morceau de jazz le plus funky du monde. Ceux qui ne ressentent pas le groove et n’arrivent pas à danser sur ce titre ont un sérieux problème. Monstrueux.
- Bohren & Der Club Of Gore – « Maximum Black » (Wonder, 2002)
Noir, sombre et lent, en un mot : atmosphérique. Ce sont des Allemands que Miss Kittin m’a fait découvrir en me racontant que les mecs jouaient dans des cercueils. Ils viennent de groupes de métal un peu intello et ont fondé ce groupe pour explorer de nouveaux territoires.
- Chick Corea – « Light As A Feather » (Polydor, 1973)
Pas un morceau super facile, il peut gratter les oreilles avec ses grandes envolées, touffues et lyriques. Je suis certain que quelqu’un comme Gilles Peterson adore, mais je ne conseillerais pas de commencer le jazz avec ça. C’est un morceau que j’ai beaucoup écouté peu après l’enregistrement de mon album Unreasonable Behaviour.
- Brad Mehldau – « Song Song » (Warner Bros. 1998)
Pour se poser un peu, un jazzman contemporain majeur. On sent l’influence de la musique classique et contemporaine, c’est un des jazzmen d’aujourd’hui qui me touche plus. Élégant et subtil à souhait.
- Reverend Jay – « Gonna Be Funky » (Pure, 1993)
Un titre pas connu du tout, mais que je joue souvent, un classique des soirées warehouse londoniennes du début des années 90, quand on pouvait tout jouer, pas seulement de la house et de la techno. Je crois que c’est Gilles Peterson qui me l’a fait découvrir.