Dave Ball, moitié du mythique duo Soft Cell, nous a quittés le jeudi 23 octobre 2025. Nous avons souhaité lui rendre hommage à travers une sélection de dix titres et disques que nous n’oublierons jamais.

L’Histoire retiendra que Dave Ball et le chanteur Marc Almond ont, avec leur génial duo Soft Cell, marqué d’une empreinte indélébile la pop électronique, ouvrant la voie dès 1979 à une génération entière de musiciens. Mais Dave Ball, disparu hier à l’âge de 66 ans, n’était pas seulement le discret architecte sonore du duo.

Avec son comparse Marc Almond, il a prouvé qu’une soul électronique interlope, qui sentait le stupre, le désir et la drogue, pouvait monter à l’assaut des charts mondiaux. C’était aussi un remarquable producteur, capable de toucher à l’ambient, à l’indus, à l’acid house ou à la house la plus catchy avec la même réussite. La preuve en dix titres, avant Danceteria, l’ultime album de Soft Cell prévu pour 2026 et annoncé comme un retour aux sources.

Soft Cell – « Tainted Love » (1981)

LE tube de Dave Ball et Marc Almond qui, 45 ans après sa sortie, continue de déclencher l’hystérie. Ces 2’39“ électriques, à la fausse simplicité et à la production absolument irréprochable, témoignent de l’amour absolu de Dave Ball pour la soul. Lui, l’enfant du Nord de l’Angleterre, élevé à la Northern Soul, obtiendra son premier succès international avec une reprise de la chanteuse soul Gloria Jones. Fun fact, la version la plus populaire du titre à sortie (et plus tard aussi) est le medley formé par « Tainted Love » et « Where Do Our Love Go », reprise des Supremes cette fois, avec une transition synthétique à couper le souffle où le temps semble suspendu.

Soft Cell – « Say Hello, Wave Goodbye » (1981)

D’un point de vue purement mélancolique, « Say Hello, Wave Goodbye » est sans conteste le plus beau et le plus pur titre du répertoire du duo. Véritable tire-larmes, cette ballade soul électronique est un contrepoint parfait à la folie du premier album Non-Stop Erotic Cabaret et de son ambiance générale inspirée par les sex-shops de Soho et ses néons. Bizarrerie ultime, dans le coffret de la réédition de l’album publié en 2023, qui débordait de remixes, le seul mix manquant était la version longue originale, neuf minutes de pure beauté synthétique. Étrange.

Soft Cell – « Memorabilia » (1981)

Titre d’ouverture de Non Stop Ecstatic Dancing, version remixée de Non-Stop Erotic Cabaret – et l’un des tous premiers albums de remixes de l’Histoire – « Memorabilia » est l’exact opposé de la sophistication des tubes le plus connus de Soft Cell. Rough, nerveux, hyper inventif, intense et hors du cadre, « Memorabilia » préfigure les vagues synthétiques bien plus sombres qui débouleront dans les années à venir.

Si Soft Cell, pionnier d’une époque où les groupes de synth-pop n’avaient pas toujours les moyens de posséder les machines sur lesquelles ils voulaient travailler et choisissaient leur producteur en fonction de ce qu’il possédait dans son studio, a pu inspirer des générations de musiciens, c’est en partie grâce à ce titre. Parlez-en à The Hacker, qui en a signé deux excellents remixes sur la récente réédition de Non Stop Ecstatic Dancing.

Dave Ball – In Strict Tempo (1983)

Unique album solo de Dave Ball, In Strict Tempo peut être vu comme un espace de récréation expérimentale où notre homme s’amuse à brouiller les pistes. Véritable bande-son d’un film expérimental, ce disque très riche convie quelques fous furieux de la scène indus de l’époque (Gavin Friday des Virgin PrunesGenesis P-Orridge, leader des mythiques groupes Psychic TV et Throbbing Gristle) et Dave Ball s’amuse à casser les rythmes, à zapper entre synth-pop et indus. Pour ceux qui aiment le Soft Cell baroque et tordu.

English Boy On The Loveranch – « The Man In Your Life » (1987)

Cocorico ! L’échappée française de Dave Ball, qui signe avec les futurs Earl Brutus un maxi hi-NRG chez les Français de New Rose (« The Man In your Life » sera même la centième référence de l’historique label parisien). Trois versions, dont une de Richard H. Kirk de Cabaret Voltaire pour une vision toute particulière de la hi-NRG. Ball prendra la poudre d’escampette après un deuxième maxi, « Sex Vigilante ». Une curiosité.

Love Street – « Galaxy » (1988)

Un one-shot assez improbable de house music naïve et assez commerciale, telle qu’on la pratiquait à l’apparition du genre en 1988. Ni pop, ni house, pas vraiment dance, mais un exercice de style signé de trois personnages au pedigree impressionnant : Dave Ball donc, Stephen Mallinder, cofondateur de Cabaret Voltaire, et Robert Gordon, membre des Forgemasters et cofondateur du label Warp. Sheffield dans la place.

M.E.S.H. – « Meet Every Situation Head On » (1988)

L’un des tout premiers tubes acid house anglais, basé sur la ligne de basse du « Acid Over » de Tyree et produit par Dave Ball et Richard Norris (son futur partenaire au sein de The Grid) pour un projet de Genesis P-Orridge. Alors que la house et la techno se cristallisent au Royaume-Uni, P-Orridge embarque Norris et Ball dans un projet de fausses compilations acid house, Tekno Acid Beat et Jack The Tab : Acid Tablets Volume One, où le trio balaye le genre planqué derrière une ribambelle de pseudos.

The Grid – « Floatation » (1990)

Nouvelle décennie, nouveau son. Alors qu’une bande de jeunes DJs a ramené dans ses bagages un nouveau son et un état d’esprit venus d’Ibiza, Richard Norris et Dave Ball se piquent de balearic et publient un premier album entre ambient, house lumineuse et pop sans paroles éthérée (sans oublier un improbable « Origins Of Dance » en compagnie du chantre du LSD Timothy Leary). En deux singles (« A Beat Called Love » et surtout « Floatation », classique baléarique absolu), Dave Ball se réinvente… jusqu’au prochain coup.

The Grid – « Swamp Thing » (1995)

À mille lieux des premiers travaux ambient balearic de The Grid ou même de ce que le duo fera plus tard, Richard Norris et Dave Ball signent un colossal tube house (à banjo), qui va finir dans le top 3 britannique. À deux doigts de la dance et de ses gimmicks, ce raz-de-marée (et celui de « Texas Cowboys ») accuse son âge, si bien que trente ans après, on ne sait toujours pas si « Swamp Thing » et sa bluegrass-techno, étaient une vaste blague ou un moyen de remplir les caisses (comme tout Evolver, troisième album de The Grid). Mais un tube quand même.

Dave Ball et Jon Savage – Photosynthesis (2016)

Entre deux disques de Soft Cell, Dave Ball s’associe au journaliste anglais Jon Savage, grande plume de la critique rock et fin connaisseur de musique électronique, pour une orgie de synthétiseurs (Min Moog, Prophet 5, Fantom X6…) et l’album Photosynthesis, rencontre crépusculaire et crépitante entre drone et ambient.