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7 mars 2014

Concrete, vu de l’intérieur

par rédaction Tsugi

En installant ses fêtes de jour en bord de Seine, Concrete a reboosté le clubbing parisien. L’ouverture de nuit et la perspective d’une ambitieuse seconde édition du festival Weather confirment le phénomène.

Un rez-de-chaussée modeste dans un coin du XIXe arrondissement de Paris, dernière frontière ayant échappé à la boboïsation. La philosophie de Surpr!ze, l’organisation qui a enfanté Concrete, “le” phénomène clubbing de ces dernières années peut se résumer à cette localisation de leurs bureaux, entre un foyer africain et un immeuble en ruine. Face au succès rencontré par leurs événements “all day long”, d’aucuns auraient sûrement déplacé leurs fauteuils dans des locaux clinquants du Triangle d’or, Aurélien, Adrien, Pete et Brice – le quatuor à l’origine du projet – ont eux préféré tout réinvestir dans l’artistique pour améliorer, sur la barge posée sur la Seine qui accueille les Concrete, l’accueil du public (merci pour les ventilos) et le son. Et continuer bien sûr à proposer des line-ups pointus où une légende du DJing est toujours associée à un poids moyen et à de jeunes pousses parisiennes.

 

Transe loisirs

La grande nouveauté de 2014 est que cette philosophie qui s’appliquait jusque-là uniquement à la journée vaudra également pour la nuit : “Quand on a découvert le lieu en 2011, on voulait faire un événement de nuit mais le proprio du bateau nous a dit que cela n’était pas possible et qu’il fallait fermer à 2 heures. Du coup, on a pris le truc à contre-courant : on va démarrer à 7 heures et finir à 2 heures. Nous ne voulions pas d’un public d’after, d’ailleurs on s’est battus pour ne pas utiliser ce mot, on préfère parler de ‘journée’ ou de ‘loisirs’”, explique Brice Coudert, directeur artistique. L’autorisation de nuit qui vient de leur être accordée leur permet d’ouvrir maintenant une semaine sur deux le vendredi et le samedi de 20 heures à 7 heures avec toujours la même volonté de bousculer l’ordre établi : “On va essayer de faire venir le public le plus tôt possible : ceux-là ne paieront pas l’entrée. Ils pourront venir boire un coup après le boulot par exemple et vivre une vraie fête avec un DJ renommé dès le début. Si on arrive à ce que les gens arrêtent de venir à partir de 2 heures dans un club à Paris, ce sera une révolution”, raconte Adrien Betra, un des quatre fondateurs.

Les prix doux qui sont pratiqués (8 euros l’alcool avec un soft) pourraient grandement aider à mettre en route ce qui serait un changement inédit dans la nuit parisienne et à pérenniser l’esprit de la fête techno. Car depuis l’époque héroïque du Palace, on n’avait jamais vu un tel brassage entre jeunes, vieux (il n’est pas rare de croiser sur le dancefloor un sexagénaire en extase le verre à la main), Blancs, Blacks, beurs, chômeurs et cadres supérieurs. Si le bateau du quai de la Rapée a largement contribué à l’essor d’une nouvelle scène techno parisienne, ses hôtes ne sont pas pour autant tous des trainspotters à l’affût de la moindre sortie de chez D3mented ou L.I.E.S. : “Une fête ce n’est pas juste des gens qui viennent parce qu’ils connaissent l’artiste, précise Brice. Ce sont aussi des gens qui vont juste boire un coup ou draguer. C’est ce qui lui donne un côté bordélique, c’est ce qui est marrant.” Adrien renchérit : “Si c’est pour se retrouver avec les 300 pèlerins qui disent entre eux qu’ils font Paris depuis quarante ans et qui font la gueule dans les backstages, on n’en a pas besoin. On veut faire plaisir au vrai public, qui a envie de s’éclater.”

 

Aucune tolérance

Si ce public ne s’éclate pas toujours à l’eau claire, les deux complices n’éludent pas l’éternelle question des drogues : “à partir du moment où c’est la nuit et que tu mets de la musique, une partie de la population va prendre de la drogue, c’est comme ça. Il y a plus de fêtes qu’il y a cinq ans donc automatiquement la proportion de consommateurs augmente aussi. Mais nous n’avons aucune tolérance par rapport à ça. Dès le début, on a fait attention à tout ce qui était dealers et drogues. On a l’ambition d’être clean. Les autorités le savent.”

C’est peut-être pour cela qu’ils ont pu obtenir cette autorisation de nuit qui ne semble pas inquiéter les concurrents des clubs réguliers, comme l’explique Brice : “Au début, on a foutu la merde et on a mis un coup de pied dans la fourmilière. On devait se battre pour les bookings parce que les artistes étaient souvent en exclu avec les clubs. Mais aujourd’hui c’est plus relax, il y a de la place pour tout le monde. La scène est devenue tellement grosse que tout le monde sait que les fêtes vont être remplies. Ça apaise les tensions. Il y a deux ans on se battait pour deux personnes, ce n’est plus le cas.” La preuve est que le prochain festival Weather (organisé par Surpr!ze) qui se tiendra du 6 au 9 juin prochain va fédérer toute une série de soirées dans les gros clubs parisiens, un peu comme ce qui se fait avec Sónar à Barcelone. Même si le point d’orgue du week-end sera la grosse fête qui se déroulera au Bourget du samedi midi au dimanche 10 heures où près de 25 000 personnes, dont un grand nombre d’étrangers, sont attendues. En 2014, Paris is définitivement the new Berlin.

www.concreteparis.fr

Cet article a été initialement publié dans le numéro 69 de Tsugi (février 2014)

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