Chronique : M.I.A. – Matangi
Les doigts d’honneur au Super Bowl, les procès dans tous les sens, les prises de position politiques simplistes, les tacles appuyés dans les médias à son ancienne copine Santigold ou son ex Diplo, la ligne de vêtements franchement dégueu pour Versace, le design de bouteilles de bière, les menaces de leak à son label, le copinage avec le fondateur de WikiLeaks, les clips provocateurs, les visuels ultra-kitsch, l’autodocumentaire disparu… M.I.A. est depuis quelques années devenue une machine à “bad buzz”, un bulldozer médiatique irritant. Après la sortie de son dernier album, Maya, et ses pétarades abrutissantes, on pensait avoir perdu M.I.A. aux sirènes du paraître. En 2011, à la voir chanter sur le single de Madonna “Give Me All Your Luvin” où elle sert avec Nicki Minaj de sous-fifre et de caution jeune à une reine de la pop bien fatiguée, on était persuadé de devoir l’abandonner aux sirènes du rêve populaire. S’il n’y avait pas eu début 2012 l’immense tube “Bad Girls”, on était prêt à oublier totalement le potentiel musical de Mathangi “Maya” Arulpragasam.
Pourtant ce quatrième album est une énorme surprise, un soulagement total et la plus belle démonstration que M.I.A. reste avant tout une artiste formidable. On n’échappe pas à quelques gimmicks irritants?: le jeu un peu couillon sur l’acronyme jeuniste YOLO (le morceau “Y.A.L.A.”), l’attitude punk en carton, la spiritualité “trouvée sur Google” et le name dropping “politique” un peu vain. Mais M.I.A. réussit enfin à associer puissance de feu explosive et production séduisante. “Double Bubble Trouble”, mélange de couplets reggae et de refrains ghetto-tech, la replace dans l’univers cher à Diplo et fait figure de petite bombe, là où “Come Walk With Me” ou “Karmaggedon” apportent de chouettes respirations. Côté production, la disparition du boucher brostep Rusko et le retour massif de Switch sont une aubaine et l’apparition de Surkin sur l’incendiaire “Bring The Noize” une belle surprise. Ce Matangi, hommage à la déesse hindoue du même nom, est tout ce que l’on attendait d’un album de M.I.A.?: il est éreintant, bordélique mais surtout puissant et passionnant. Une véritable renaissance qui vient effacer des années de bruit pour rien et égaler le fabuleux Kala dans nos cœurs.
Matangi (Polydor/Universal)