Chronique : Black Dice – Mr. Impossible
Comment faire du rock sans guitares ? Comment sortir la musique expérimentale de l’ornière intello ? Depuis quinze ans, et singulièrement son deuxième album Broken Ear Record (2005), Black Dice défriche, ces deux questions chevillées au corps, une voie singulière au confluent de la noise bubonique et de l’industriel primitif, du minimalisme techno et du field recording déviant. On n’entre pas facilement dans cette musique hors norme : le trio aime (dis)tordre et dissoudre les genres dans une pâte sonore aussi cradingue que ludique, qui fuit l’aseptisation électronique (ses jolis synthés, ses beats aussi ronds qu’ennuyeux) comme les clichés noise (l’expérience du bruit comme unique réflexion).
On avait laissé les Américains il y a trois ans sur un Repo guerrier qui inventait le dancefloor pour cadres du GRM, les revoilà Impossible et toujours insoumis, avec neuf morceaux comme autant de propositions borderline – et drôles. Percussions martyrisées, synthés éviscérés, bégaiements et bleeps épileptiques : sur ce sixième album, Black Dice hoquette un minimalisme mutant, enfilant la blouse d’un chirurgien dément qui opérerait un alien encore vivant pour habiller son cerveau de ses entrailles gluantes et s’amuser du résultat… Pour oreilles averties. (Matthieu Recarte)
Mr. Impossible (Ribbon Music/Domino/Pias)