Festival Check In Party : turbulences au septième ciel
On sentirait presque encore l’odeur du fuel ! Le Check In Party, nouveau festival consacré aux musiques indépendantes, a débarqué pour sa première édition du 22 au 24 août sur la piste d’atterrissage de l’aérodrome Guéret-Saint Laurent, au fond de la Creuse. Pari gagnant : près de 14 000 festivaliers ont réglé leur GPS sur cette région pour fouler du pied le bitume des pistes, connaître l’ambiance du tarmac, des garages d’avions, de l’herbe jaunie par un soleil de plomb, des pogos poussiéreux et des rides dans le parking en Peugeot 106 à faire jalouser le Paris-Dakar. La cause ? Voir quelques légendes à prix vraiment cassés par rapport aux mastodontes parisiens, comme Patti Smith, Foals, ou encore Etienne de Crécy. Mais qui dit garage suintant la gazoline dit quoi ? Rock. Rock. Rock. Et un peu techno, aussi. En fait : tout ce qui est un peu industriel. Plus encore que ces headliners de la pop, le Check In a marqué indubitablement pour sa musique plus industrielle, qui sied si bien à l’atmosphère de l’aérodrome.
Décollage en première classe
Décollage sans trop d’encombre jeudi, avec une journée plus pop que les autres. Attention, beau symbole : pour sa première édition, le Check In Party commence son tout premier jour par un line-up composé exclusivement de femmes. Clara Luciani a même réussi à embarquer sa fameuse grenade, tandis que Jeanne Added nous propulse directement dans les étoiles avec son live taillé sur mesure tant sonore que visuel. Il faut dire que les réacteurs étaient déjà chauds : juste avant elle, la légendaire Patti Smith. Avec un talent dont seule une rockeuse qui a traversé les âges peut avoir le secret, et alors que la forêt Amazonienne est en train de brûler lorsqu’elle joue ses protest songs, la marraine du punk nous enjoint à nous reconnecter avec la Mère Nature, grâce à ses sublimes reprises de Jimi Hendrix, des Stones, de Neil Young… avant de finir en beauté avec ses deux meilleurs morceaux : le poétique « Because The Night » et le jubilatoire « Gloria« . Nous voilà désormais assurés – et conscients – avant de pousser l’accélérateur pour prendre notre vol.
Turbulences
Mettez tout de suite les masques à oxygène. Ce soir, vous risquez d’en manquer sous les coups du garage de Yak, du punk de Slaves, et pendant le noise de Psychotic Monks. Et encore plus avec la soirée math-rock qui s’annonce. Premier trou d’air : Lysistrata. Un silence de mort règne devant la scène, tant le trio math-rock originaire de Saintes est à la fois magnétique et fascinant, dans sa façon de mêler fulgurances et émotivité. Second trou d’air, et pas n’importe lequel : La Colonie de Vacances. Le concept est simple : quatre scènes sur lesquelles jouent quatre des meilleurs groupes de math-rock français (à savoir Pneu, Electric Electric, Marvin et Papier Tigre), et le public au centre, de manière à ce que le son soit spatialisé tout autour de lui. On vous le donne en mille : jamais le chaos n’aura été autant mathématique. Entre Pneu et Electric Electric, on se croirait dans un vieux garage sous hallucinogènes, à entendre le noise fuser de toutes parts, et à subir l’effet gyroscopique des projecteurs. Et ce soir, le trip indus est loin de s’arrêter, puisque qu’on enchaîne ensuite avec la techno de Paula Temple qui se lance dans un mix corrosif d’abord très psychédélique, avant de finir en trombe sur du hardcore. L’Allemande est suivie de près par d’autres « noisicians » : les excellentes françaises d’Oktober Lieber, dont on ne cesse (à raison) d’entendre parler.
Atterrissage en douceur ?
Réveil en douceur en cabine le dernier jour. Pour le petit dej’, les stewards nous amènent sur un plateau plus pop l’excellent post-punk de Bodega et de Crack Cloud, le très bon rock psyché chanté en turc par les Néerlandais d’Altin Gün, l’indie pop de Deerhunter, ou encore de l’excellente electro pop française de Flavien Berger. De quoi reprendre un dernier souffle avant l’atterrissage. Car, comme un hélicoptère qui se poserait, des nuages de poussières s’élèvent devant chacune des scènes : le résultat de pogos hallucinés devant les fous furieux du garage rock de Thee Oh Sees, puis devant les génialissimes improvisateurs de black midi ; ou bien serait-ce peut-être encore celui des pas de danse devant le loufoque Ouai Stéphane, en train de mixer sa techno faite « pour les Stéphanes », « ouai, ouai ». Eclats de rires tout le restant de la nuit sur l’aérodrome.
Et ainsi se termine le Check In Party et sa première édition, déroulée sans accroc, belle et turbulente (pour notre plus grand plaisir). Et on nous annonce que celui-ci a déjà prévu son prochain vol en 2020 : atterrissage réussi avec succès.
Meilleur moment : Lysistrata. Pour le bruit et les émotions.
Pire moment : Les scènes un peu trop proches pour la Colonie de Vacances. Pas vraiment l’occasion de se reposer hors des pogos.