Inter[re]view : Cet album du mystérieux 22 donne envie de se tirer en caisse en pleine nuit
Chronique de l’album Motions Of Violence de 22, déjà disponible.
La nuit est un monde parallèle, à la fois calme et dur. Le producteur au nom mystérieux 22 semble s’y être plongé à fond pour son premier album, Motions Of Violence. Le garçon cultive le mystère, préférant travailler dans l’ombre avec d’autres artistes. À travers son label Red Expanse, il a notamment travaillé avec Ichon, Bonnie Banane, Oko Ebombo, Ava Moore, et développé une profonde collaboration avec le New-Yorkais Salomon Faye, tant au niveau musical que visuel. En parallèle, il sort son premier titre solo en 2018, “The Lobby”, que l’on retrouve sur ce premier album. Entre ce premier titre et son album, 22 a travaillé dans son studio, seul, en puisant au fond de lui.
“Je n’ai pas essayé de transmettre quelque chose en particulier, j’avais juste besoin de faire ce disque. J’avais besoin de me confesser.” Contacté par la rédaction, 22 nous dit avoir simplement voulu s’exprimer sans filtre, “dire la même chose que lorsque je suis dans un strip club ou quand je crois parler avec Dieu.” Tout au long des sept pistes du disque, les influences se télescopent, entre trap, r’n’b, post-punk, techno ou même quelques traces d’indie rock voire de post-rock. Tout se fond dans une ambiance vaporeuse au tempo lent, comme une déambulation nocturne à l’arrière d’une voiture, à regarder les lumières défiler. “Je n’ai pas cherché à faire un projet avec différent genres. J’ai toujours été inspiré par différentes choses. À 4h du matin, Nick Cave et PartyNextDoor font le même effet.”
« J’avais juste besoin de faire ce disque. J’avais besoin de me confesser. »
Le disque trouve une cohérence dans son ambiance sombre. La voix du producteur est traînante, presque anesthésiée, les basses profondes font presque comme un cocon sonore. Mais cela masque en réalité une violence toujours latente à chaque instant. Celle-ci vient de la vie nocturne de New York et Los Angeles, villes entre lesquelles navigue 22 durant la composition du disque. “Tout le monde vit de manière auto-destructrice, mais il y a en même temps quelque chose de beau dans ces moments. Une force brutale qui avance sans réfléchir.” C’est cette force qui traverse le disque, comme si elle était vécue dans la torpeur, cet état où la réalité perd sa substance. C’est sans doute dans la solitude du studio que 22 a pu atteindre cet état de lâcher-prise sans pour autant perdre le contrôle de la production de l’album.
« Tout le monde vit de manière auto-destructrice, mais il y a en même temps quelque chose de beau dans ces moments. »
Cette ambiance quasi cinématographique se poursuit à travers le travail visuel de l’artiste. Le monde nocturne est celui où les frontières se brouillent, y compris entre son et image. “Je vois le son et le visuel comme une tout. Un seul bloc, qui transcende la simple musique.” C’est le but de tous les clips que l’artiste réalise lui-même sur sa chaîne YouTube depuis son premier single : former un tout cohérent. Une œuvre unique montrant la douceur et la brutalité de la nuit.
C’est dans cette démarche d’abolition des frontières que l’artiste trace sa route. Il travaille ainsi à la production du dernier EP de son ami Salomon Faye, ainsi qu’à son identité visuelle, et prépare aussi la sortie d’un livre de photographies signé par la Française camneh. 22 semble toujours plus à l’aise dans la pénombre.
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