Ces collectifs de DJs féminins entendent bien établir la parité dans les clubs
S’il y a bien une chose à espérer pour le monde d’après, c’est d’avoir enfin une visibilité pour les DJs et artistes féminines dans la musique électronique. Alors que les lignes bougent, lentement, de nombreux collectifs émergent ces dernières années, avec comme objectif d’accélérer le processus.
La progression est visible, mais encore timide. C’est ce que relèvent les membres de Female Pressure, base de données mondiale de DJ et artistes féminines, trans, non binaires ou intersexes, fondée en 1998 par l’Autrichienne Electric Indigo. Dans la dernière version de son étude FACTS, parue ce 8 mars, se basant sur les programmations de 159 festivals tenus en 2020 et 2021, il est établi que seules 26,9 % des performances étaient réalisées par des femmes. Une nette évolution, puisque ce chiffre n’était que de 9,2 % en 2012. Mais qui reste encore en deçà de nombreuses attentes. Et c’est bien parce qu’elles sont fatiguées d’attendre que de nombreuses DJ ont décidé de se rassembler dans des collectifs non mixtes, afin de se tailler une place dans les programmations. En voilà une sélection qui font bouger la France.
– Bande de Filles
Si les collectifs ont souvent des allures de nébuleuse, celui-ci prend très clairement la forme d’un trio. Depuis 2019 les DJs Ara, LeLeon et Naajet Spaciale mettent leurs forces en commun, afin de proposer une large palettes de styles et tenir de longs sets. Mais surtout, « le collectif a pour but de normaliser le fait de voir des femmes mixer pendant les soirées et ainsi déconstruire les préjugés autour des femmes DJs qui sont là parce qu’elles sont jolies ». Vaste programme, mais qui n’empêche nullement de faire la fête.
– Vénus Club
Devenir DJ demande de l’espace pour s’épanouir. C’est ce que cherche à être ce club virtuel fondé en octobre 2020, où la dimension d’apprentissage et d’échange est primordiale. Le programme est clair : « La place des femmes, c’est derrière les platines ! » On y retrouve pas moins de 25 résidentes, qui se produisent dans de nombreuses soirées parisiennes. Le collectif s’est même récemment exporté au Soudan, pour accompagner les artistes locales. Les membres de Vénus Club sont également conscientes qu’elles reprennent un flambeau entretenu depuis de nombreuses années, comme l’expliquait l’une de ses cofondatrices, Cécilia, à France Culture : « Les collectifs se mobilisent de manière concrète pour insuffler le changement sur le terrain. On commence à sentir les effets de ces actions, portées depuis longtemps par celles qui nous ont précédées. »
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– Mal.e.s
Formé à Strasbourg en 2018, ce trio – désormais duo – a démarré avec les soirées « Même pas MAL.E.S ! » du Kulture. Depuis, les DJs Makar et Saint Misère amènent leur énergie et leur diversité musicale dans tout le grand Est mais aussi à Paris. On les retrouvait même sur la Tsugi Radio en février dernier, pour un set house endiablé.
– Zone Rouge
« Le rouge ça exprime le combat, la force, le sang des menstruations, la passion – pour la musique, notamment. » C’est ainsi qu’Anaëlle, cofondatrice du collectif, expliquait à Trax l’origine de ce nom. Fondé à Nantes en octobre 2019, Zone Rouge met en avant son engagement contre toutes les formes de discriminations, dans une démarche intersectionnelle. Ses sept DJs bénéficient de l’intense vie électronique nantaise, que ce soit au Blockhaus DY10 et sa radio, au disquaire-bar 44 Tours, au club du Macadam, et même au Lieu Unique. Le collectif fait également des émules, puisqu’on retrouve deux de ses membres dans un autre crew 100 % féminin, Fast et Furieuses.
– Les Mixeuses Solidaires
C’est le troisième anniversaire de ce collectif montpelliérain, qui comporte 17 résidentes. Imaginé durant la journée internationale du droit des femmes de 2019 par deux DJs de la ville, Sin’Dee et Miss Airie, il s’ancre autour de l’organisation de soirées caritatives. Chaque fois, l’objectif est de rassembler des fonds pour une association, qu’elle soit engagé pour la justice sociale, contre le racisme, la LGBTQ+phobie ou l’exclusion des personnes handicapées.
– Elemento Records
On connaît la vitalité de la scène électronique bretonne, de Brest à Rennes. C’est cette dernière qui sert de point de ralliement à ce collectif monté à la toute fin de l’année 2020, « à 99,9% féminin ». Un pourcentage justifié par la volonté du collectif de mettre en avant des artistes trans ou non binaires. Constitué de huit femmes, il diversifie ses activités bien au-delà du mix et de la production musicale, avec une activité de booking et d’accompagnement d’artistes, ainsi qu’au sein d’un label.
Si d’autres collectifs pourraient rejoindre cette liste (La Taquinerie, VeSTes, Toutes & Chaos, Tout Feu Tout Femme…), il faut également rendre hommage aux organisations permettant à ces artistes d’évoluer. Que ce soit à travers l’organisation de soirées et le booking, avec Écoute Meuf, The Future Is Female, Sœurs Malsaines ou le collectif Girls Don’t Cry à Toulouse (qui a son propre crew mixte de DJs) ; mais aussi l’accompagnement et la formation, avec la section française de Future Female Sounds, Move UR Gambettes, ou Wom-X à Strasbourg. Et toutes celles qu’on oublie encore dans cet article, et contribuent à rendre la fête plus égalitaire.