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Cera Khin © Marion Sammarcelli
20 juillet 2023

Cera Khin : « I play whatever the f*ck I want ! Je suis l’inverse d’une puriste » đŸŽ™ïž

par Marion Sammarcelli

Les 8 et 9 juillet 2023, on est allĂ© fĂȘter les dix ans de Peacock Society au Parc de Choisy. Entre deux pas de danse, une tournĂ©e au bar et une discussion lunaire avec des festivaliers on y a fait une rencontre intĂ©ressante : Cera Khin. La tornade tunisienne, figure de proue d’une nouvelle scĂšne techno nerveuse et mouvementĂ©e, nous a accordĂ© une interview juste avant d’aller retourner la scĂšne MIRROR du festival. 

Il n’y en n’a pas deux comme Cera Khin. Lunettes de soleil vissĂ©es, coiffure millimĂ©trĂ©e et outfit ‘on fleek’ la DJ est prĂȘte Ă  en dĂ©coudre. Et ça, le public l’avait bien anticipĂ©. Pendant une heure et demie, elle a enchaĂźnĂ© les drops entre techno, hard music, rythmiques core, psytrance et tracks groovy sans jamais s’arrĂȘter de danser. Aucun rĂ©pit. « I play whatever the f*ck I want » nous confiait-elle un peu plus tĂŽt. Cera Khin fait partie de ces DJs qui s’écoutent. Ceux qui ne s’assoient pas face Ă  une industrie musicale unifiĂ©e, incolore, qui repoussent les barriĂšres des genres et qui n’hĂ©sitent pas Ă  ĂȘtre eux-mĂȘmes. Et encore plus face aux critiques. C’est donc sans langue de bois que Cera Khin nous a parlĂ© de ses dĂ©buts, de son label LazyTapes, de son style musical sans concession, ou encore de son engagement pour la santĂ© mentale dans le milieu de la techno. Rencontre.

 

À lire Ă©galement sur Tsugi.fr : Live report : Peacock Society 2023, vaincre le feu par le feu

 

Aujourd’hui tu es DJ, productrice, boss du label LazyTapes
 Peux-tu nous raconter ta rencontre avec la musique Ă©lectronique ? 

La premiĂšre fois que j’ai Ă©coutĂ© de la musique Ă©lectronique je devais avoir quinze, seize ans. Quand je vivais en Tunisie, j’avais un groupe d’ami(e)s qui Ă©taient Ă  fond dans les musiques Ă©lectroniques. Alors, ils m’ont emmenĂ©e en club quand j’étais mineure -oui, je suis rentrĂ©e avec une fausse carte d’identitĂ© (rires). C’était le Calypso Ă  Hammamet et la tĂȘte d’affiche Ă©tait Carl Cox. À cette pĂ©riode, je ne connaissais rien de la musique Ă©lectronique, c’était la premiĂšre fois que je voyais un DJ-set. J’ai aussi beaucoup Ă©coutĂ© Radiohead. Je me souviens qu’ils avaient quand mĂȘme des sonoritĂ©s Ă©lectroniques dans leurs inspirations. AprĂšs j’ai diggĂ© de plus en plus et j’ai fini par rencontrer la techno ! Bien sĂ»r, ça a Ă©tĂ© un coup de foudre (rires). 

 

Cera Khin © Marion Sammarcelli

 

Au fait, ça vient d’oĂč Cera Khin ? Est-elle diffĂ©rente de ta vĂ©ritable identitĂ© ? Est-ce un personnage que tu as crĂ©Ă© ?

En fait c’est mon vrai nom ! J’ai juste changĂ© les lettres et raccourci les mots. Quand je l’ai crĂ©Ă©, jamais je n’aurais pensĂ© que ça deviendrait mon nom d’artiste. À l’époque j’avais simplement une page SoundCloud se nommant ‘Cera Khin’ sur laquelle je re-postais les tracks que j’aimais. Quand j’ai commencĂ© Ă  mixer et Ă  produire je l’ai trouvĂ© cool, alors je l’ai gardĂ© (rires). Mais ce nom c’est littĂ©ralement moi. Tout le monde m’appelle Cera maintenant, plus personne ne m’appelle Cerine.  

 

Tu te souviens de ton premier gig ?

Je me rappelle mĂȘme de la date exacte. C’était le 23 mars 2016. C’est prĂ©cis (rires). C’était au Paloma Bar Ă  Berlin, quand j’y vivais. C’est un tout petit bar, intimiste, avec une ambiance Ă  la cool. J’y ai jouĂ© un DJ-set avec des vinyles dans un style assez diffĂ©rent de ce que je mixe aujourd’hui. 

Cera Khin à Peacock Society © Marion Sammarcelli

 

Quand on Ă©coute tes sets, on perçoit une influence techno pure et dure mais on sent que tu ne te cantonnes pas Ă  un style. Par exemple, j’ai pu t’entendre passer des tracks ghetto tech’, ou des rythmiques plus groovy
 Est-ce que ça a toujours Ă©tĂ© le cas ? 

Exactement. DĂšs le dĂ©but de ma carriĂšre je me suis dit « I play whatever the f*ck I want ! » Je suis l’inverse d’une puriste. J’aime explorer et dĂ©couvrir diffĂ©rentes sonoritĂ©s puis crĂ©er une histoire entre elles.

D’accord, je joue beaucoup de techno, mais il y a plusieurs techno. Mes sets dĂ©pendent aussi de mon humeur, de la foule, de l’ambiance
 Parfois, les gens veulent de la hard music alors je m’adapte. Ou bien, je ressens qu’ils veulent des tracks un peu plus bouncy, groovy
 Et j’y ajoute ma touche. J’aime aussi les morceaux trippy : psytechno, psytrance
 J’adore passer d’un genre Ă  l’autre mais bien sĂ»r, Ă  la fin du set, la foule doit avoir entendu une histoire. Cela doit rester cohĂ©rent.

 

D’ailleurs, est-ce qu’il y a un morceau que tu adorerais jouer mais que tu n’arrives jamais à mixer ?

C’est difficile
 En gĂ©nĂ©ral je n’ai jamais de problĂšme pour jouer un track. Si j’ai un morceau en tĂȘte, je le passe. Je fais mon maximum. Si je suis vraiment excitĂ©e Ă  l’idĂ©e de le mixer et mĂȘme s’il ne va pas avec le reste de mon set, je trouve un moyen de le faire matcher avec l’ambiance, la foule, la fĂȘte
 Et puis, qui a inventĂ© la rĂšgle qui dit qu’un track ne va pas avec un autre ? On s’en fout (rires). 

 

À lire Ă©galement sur Tsugi.fr : Deux DJs sur trois ne joueraient pas leurs tracks prĂ©fĂ©rĂ©s pendant leurs sets

 

Au-delĂ  de la musique, tu tiens une page Instagram nommĂ©e Techno Mental Health : tu y crĂ©es du contenu de coaching pour prĂ©server la santĂ© mentale des artistes dans l’industrie de la techno. Comment l’idĂ©e est-elle venue ? 

C’était pendant le confinement. Dans la scĂšne musicale, tout le monde Ă©tait stressĂ© Ă  cette pĂ©riode. On pensait que personne n’allait pouvoir rejouer
 À ce moment-lĂ , j’avais pas mal de temps pour moi et pour ma rĂ©flexion personnelle. J’ai donc commencĂ© Ă  Ă©tudier, lire et suivre des cours en ligne sur la psychologie et la psychothĂ©rapie. Et un jour je me suis levĂ©e avec l’envie de crĂ©er une page ayant pour but de partager tout ce que j’ai appris.

RĂ©guliĂšrement, j’y postais du contenu et c’était un peu ma propre psychothĂ©rapie (rires). Je m’analysais moi mĂȘme pour essayer de me comprendre et de comprendre les gens. J’ai eu beaucoup de retour positifs Ă  propos de cette page. J’étais trĂšs contente. À ce moment lĂ  quand je ne pouvais pas mixer j’avais un peu perdu ma raison d’ĂȘtre. CrĂ©er cette page m’a permise de repartager quelque chose avec les gens. Puis, sans musique pendant de longs mois, ça m’a aidĂ©e Ă  prĂ©parer mon retour sur scĂšne. Être DJ, ce n’est pas aussi facile que ce que l’on voit sur Instagram (rires). Il y a des hauts et des bas. Je voulais ĂȘtre prĂȘte mentalement. 

 

 

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Quand tu es derriĂšre un booth, on te voit beaucoup danser. Peut-on dire qu’ĂȘtre derriĂšre les platines est une safe place pour toi ?

Oui ! Je crois que je deviens agoraphobe et je suis un peu claustrophobe. J’ai besoin d’espace, et c’est ce que je retrouve dans un booth. Des fois j’adore quand les gens sont prĂšs de moi, mais ça dĂ©pend de l’ambiance. Parfois c’est un peu trop intense (rires). Quand je mixe, je sens que ces sentiments d’agoraphobie et de claustrophobie partent. Dans un festival c’est difficile d’aller dans la foule, mais quand je suis devant elle je me sens Ă  l’aise. Le DJ-booth est ma safe place. Et j’adore y danser. J’ai besoin de bouger mon corps quand je mixe pour ressentir la musique
 Et puis ça permet de transmettre une bonne Ă©nergie au public. 

 

 

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Qu’aimerais-tu rĂ©pondre Ă  ceux qui disent que tu danses plus que tu ne mixes ? 

Je m’en fous. Je ne rĂ©ponds rien parce que je sais ce que je fais, j’aime ce que je fais, je me sens bien… Dans tout les cas, il y aura toujours des critiques. Si je ne danse pas on va dire : « Pourquoi elle ne danse pas ? » Si je danse, on va dire : « Oh regardez, elle danse ! » Les gens font toujours des commentaires nĂ©gatifs simplement pour attirer mon attention. Alors je ne rĂ©ponds tout simplement pas. Ciao (rires) !

 

Qu’elle est la suite pour toi ? 

En ce moment, je travaille sur mon label LazyTapes ! On va sortir de nouveaux disques prochainement dont mes propres productions -mais je ne peux pas dire quand exactement (rires). Il y aura plein de mĂ©langes de styles : j’incorpore la techno avec des tracks groovy, ghetto, psytrance
 Tout ce qui est Ă©picĂ© quoi ! 

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