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Credit Photo : Nicolas Bresson
23 avril 2018

Le Caprices Festival s’est renouvelé… doucement mais sûrement

par Nicolas Bresson

C’est désormais une tradition pour la fin de la saison de ski. Rendez-vous en Suisse, dans le Valais plus précisément à Crans-Montana, pour aller danser au Caprices Festival. Si l’on peut reprocher à l’événement – ainsi qu’à la MDRNTY Cruise organisée par les mêmes promoteurs lausannois – d’avoir une programmation un peu trop uniforme et pas vraiment renouvelée d’un événement à l’autre, on ne peut que reconnaître les efforts consentis sur cette édition 2018. Un peu moins de DJ’s et plus de live : huit cette année contre un seul l’année passée. Et des lieux festifs nouveaux, à l’autre bout de la station. Avec toujours le même principe : un dancefloor de jour au beau milieu du domaine skiable et un de nuit au pied des pistes.

Quasi-inexistant il y a à peine dix ans, les festivals électroniques à la montagne sont devenus aujourd’hui des étapes incontournables du circuit. On ne vous en fera pas la liste tellement elle est longue comme l’autoroute qui mène de Genève à Crans-Montana. Bon, la vue sur le Lac Léman et notre chauffeur adepte de free parties nous ont finalement fait trouver le temps moins long. Dédié intégralement depuis 2015 à la house et à la techno mais ayant accueilli ces genres dès sa première édition il y a 15 ans, le Caprices fait un peu figure de pionnier. Cette année toutefois, il a failli se dérouler dans ces circonstances un peu particulières. Celles d’une station fantôme, dépourvue de ses skieurs. En effet, une dizaine de jours avant la tenue de l’événement, une embrouille – des histoires de gros sous – entre les communes et la régie des remontées mécaniques a incité cette dernière à fermer purement et simplement les installations. Pas cool pour les touristes encore présents, en particulier les Belges dont c’était les vacances scolaires à ce moment-là. Un chèque a finalement été signé et la station a rouverte au bout de deux jours. Mais le mal était fait. Une très mauvaise pub pour Crans-Montana. Il fallait bien le Caprices Festival pour faire oublier tout ça.


Ben Klock en mode groovy sous la tente MDNRTY le samedi après-midi

 

On débarque frais comme des gardons le vendredi midi. La veille, la superstar Paul Kalkbrenner a paraît-il, de l’avis général, de notre chauffeur-teufeur à nos confrères journalistes en passant par l’attaché de presse – bon lui n’est pas objectif c’est clair – fait un live « pas si mal » voir « vraiment sympa, il n’a pas trop joué de morceaux de 7 » – son album à oublier. Sans rancune Paulo, on viendra t’écouter une prochaine fois. Après avoir déjeuné et surtout dégusté notre pêché-mignon local le Fendant, un vin blanc du Valais – l’abus d’alcool blablabla – on monte dans la télécabine pour retrouver un habitué des lieux, Ricardo Villalobos. Car oui, ce qu’on pourrait reprocher à Caprices et à MDRNTY – l’agence qui s’occupe de la prog et qui organise aussi la croisière du même nom – c’est de toujours booker un peu les mêmes. Mais soyons honnêtes cette année, il y avait beaucoup plus de lives et quelques belles surprises quand même. Ricardo est en forme, il est comme à la maison. D’ailleurs il porte un t-shirt Décathlon à 3 euros, le même que quand il chille – normal pour un Chilien, pardon pour cette blague minable – chez lui peinard dans son canap, perpétuant avec bravoure le style « normcore ». Plus sérieusement, le gars fait ce qu’il veut. Il fait des bisous à l’assistance, il passe du Depeche Mode, des classiques raves comme « Total Confusion », un petit Lil’ Louis « Blackout », un Soundstream dont il finit par offrir le vinyle à un spectateur. Ça passe ou ça casse. Certains trouvent sa prestation moyenne, » jemenfoutiste » Nous, on adhère, on trouve qu’il n’y a que lui pour passer avec une telle aisance entre différents styles et différentes époques.

Après un peu de repos bien mérité on débarque dans l’immense chapiteau qui fait office de lieu principal du festival. Sur un parking, au pied de la télécabine qu’on a emprunté tout à l’heure. Patrice Baumel joue de la techno mélodique et fait doucement décoller l’assistance. Une parfaite introduction à ceux qu’on ne voulait pas louper ce soir, un live cette fois, celui du trio Cobblestone Jazz autour de Mathew Jonson. Leur techno est douce, deep, subtile, toute en nuances. C’est juste beau en fait. Mais trop court. Une heure et les trois garçons rangent leur matériel. Derrière, Paul Ritch ne fait pas dans la dentelle. Ce sera de la techno frontale et point barre. On trouve un peu étrange de l’avoir calé entre Cobblestone Jazz et Henrik Schwarz qui forcément va redescendre avec sa house très organique et groovy. Mais dans le public, on kiffe. On surprend d’ailleurs un policier municipal en tenue – venu assurer notre sécurité, enfin c’est qu’on s’est dit – en train de dodeliner de la tête. Un peu, beaucoup, passionnément. Le mec est dedans en fait ! Voilà qu’il dégaine son smartphone et qu’on le surprend à balancer une photo sur Facebook. Bien sûr, on est curieux, on reste journaliste en toutes circonstances, on vous a retrouvé son post.

 

Les temps changent, il faut croire. On se rappelle toutes nos sorties de raves, à se faire retourner nos bagnoles par des flics condescendants à la recherche d’on ne sait trop quoi, comme si on était tous des dealers en puissance. Aujourd’hui les mecs s’enjaillent comme tout le monde sur de la techno. On précise quand même que contrairement à la France qui a eu une politique très répressive vis-à-vis de cette musique dans les années 90, la Suisse l’a toujours accueilli de manière bienveillante et que la radio de service public Couleur 3 en diffusait même à longueur de journée tandis qu’en France on se faisait taper dessus. Cette petite digression mise à part, on termine notre première nuit au Caprices sur le live d’Henrik Schwarz, très classe comme d’habitude. Jouant, entre autres, son remix de « The Melody » de Carl Craig qui sort ces jours-ci. Une tuerie. On part avant le DJ set de Ame, car on a un « projet » : skier à Crans-Montana ! Surtout que l’hiver a été généreux et que les remontées ont finalement rouvertes. Pourquoi ne pas en profiter ? Après avoir tracé des courbes une bonne partie de la journée dans une neige bien mollassonne – on est mi-avril, c’est normal en même temps – on a notre premier moment de solitude. Nous, transpirant dans notre tenue de ski un peu dégueu, croisant une horde de clubbeurs sortant d’un bus, bien apprêtés et exhalant de fortes odeurs d’eaux de toilettes bon marché. On allait bientôt les rejoindre non sans avoir pris une bonne douche mais sans mettre de parfum. Ca ne passait pas au contrôle de l’aéroport. Nous revoilà sur le dancefloor MDNRTY avec un Ben Klock en mode happy et groovy, assez éloigné de l’ambiance aussi austère que sexy – mais qu’on adore – du Berghain. L’allemand profite de l’instant et sa bonne humeur est communicative. Un des meilleurs moments – et finalement assez inattendu– de cette 15ème édition du Caprices.


Live très mélodique, très éloigné de la minimale, de Matator

Retour au Moon pour notre dernière nuit au Caprices. On zappe un peu Monika Kruse. Aux dires des personnes qu’on a interrogées, on n’a pas loupé de prestation exceptionnelle. Par contre, on nous a bien vendu le live de Matador. Ancien héros de la minimale, passé par Minus le label de Richie Hawtin, il aurait depuis viré sa cuti et jouerait une techno très deep, mélodique voire limite trancey. C’est le cas et on est obligé de s’incliner : le mec déchire. Le public exulte lorsque l’irlandais joue son remix du classique « Domino » d’Oxia. Comme avec Cobblestone Jazz la veille, sa prestation d’une heure nous laisse sur notre faim. Derrière, l’américain Dubfire remonte en intensité, jouant une techno somme toute classique. Le Caprices 2018 s’achève là pour nous. Le lendemain, Sven Väth a conclu l’événement – comme chaque année – avec le local de l’étape Luciano. Et les équipes du Caprices avaient déjà en tête leur prochain projet, la deuxième édition de la MDRNTY Cruise qui cette année aura lieu au mois de juin, c’est-à-dire très bientôt. Et on se disait que malgré les imperfections d’une programmation prévisible, malgré une partie du public un peu trop fashion/Ibiza à notre goût, malgré cette neige de printemps difficile à skier, on l’aime quand même beaucoup ce festival. A taille humaine, dans un lieu magnifique et avec une ambiance familiale de plus en plus rare. On reviendra, comme Ricardo et Sven !

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