c/o pop : quand les festivals européens s’unissent pour proposer de meilleurs line-up
Le spectateur lambda ne s’en rend peut-être pas compte, mais à l’arrière de certains festivals s’active toute une petite ruche : bookers, managers et autres programmateurs de salles et festivals s’y retrouvent pour échanger bons plans, parler de ce nouveau groupe épatant ou mettre en place des partenariats. Certains événements vont plus loin en organisant carrément des conférences, workshops et rencontres en marge de leur programmation musicale plus classique. C’est le cas du MaMa ou du Midem en France, qui présentent des artistes émergents en showcases devant des parterres de mélomanes, professionnels ou non. Chaque pays a son ou ses rendez-vous : on peut citer l’ADE ou Eurosonic aux Pays-Bas (le premier étant exclusivement concentré sur les musiques électroniques) ou The Great Escape de l’autre côté de la Manche. Nos voisins allemands ne font évidemment pas exception, avec le Reeperbahn d’Hambourg… Et le c/o pop de Cologne, qui démarre ce jeudi 30 août et s’achèvera le 2 septembre, l’occasion de découvrir des dizaines de groupes émergents tout en assistant à des conférences sur l’industrie de la musique. Avec, à la clé, la quasi certitude de voir un concert d’un artiste qui explosera à l’affiche de plus gros festivals d’ici un ou deux ans – même si bien sûr quelques headliners se cachent déjà çà et là, comme Actress, The Notwist ou KiNK. Au-delà de la petite fierté type « je les ai découvert bien avant mes copains », assister au c/o pop est surtout un des meilleurs moyens de prendre le pouls de la musique made in Europe, d’observer comment les choses sont faites chez nos cousins germains, et de rencontrer du beau monde pour qui veut, peut-être, travailler dans ce milieu. En attendant le début des hostilités, entre lives de Coucou Chloé, Perel, Umfang ou Yellow Days, un anniversaire du label Kompakt Records ou une soirée hommage à Nico (qui est née il y a 80 ans de cela à Cologne), on a discuté avec Ralph Christoph, l’un des fondateurs du festival et directeur de sa partie convention. De quoi découvrir un maillage beaucoup plus dense qu’il n’y paraît entre tous nos festivals préférés. Et qui profite à la fin ? Les groupes, qui se font booker un peu partout grâce à ce bouche-à-oreilles professionnel – voire qui reçoivent des aides – et, infiné, les spectateurs !
Comment est né le c/o pop ?
En France, vous avez le MaMa, qui est le principal rendez-vous professionnel français, avec des showcases de groupes émergents, mais vous avez également Le Printemps de Bourges et ses Inouis, les Trans Musicales, le Midem et une scène électronique forte avec Nuits Sonores et autres – et ce depuis des dizaines d’années ! En Allemagne, nous avions un équivalent, le Popkomm, créé à Cologne mais qui a déménagé à Berlin en 2004, comme beaucoup de choses – après la chute du mur, l’industrie culturelle allemande s’est recentralisée à Berlin, et avec elle beaucoup d’autres industries. Le phénomène n’est pas aussi marqué en France, où vous avez des festivals à Marseille, Lyon, Cannes, en Bretagne… Chez nous, tout le monde voulait aller à Berlin. Alors, chose très rare, on a repris les dates du Popkomm pour créer dès 2004 le c/o pop, à Cologne donc. Depuis le temps, le festival a doublé de taille. L’idée était de s’inspirer du Sonar de Barcelone, dont nous sommes tous de grands fans, car il s’agissait du premier festival européen, voire mondial, à s’intégrer dans une ville, dans ses clubs, ses musées… Jusque là, on connaissait surtout les festivals en extérieur, comme Glastonbury ou Pukkelpop. Avec Sonar, à la fin des années 90, un nouveau genre d’événements était en train de naître. On a voulu, à notre échelle, proposer la même chose à Cologne, tout en s’attachant à un autre type de programmation.
Et justement, la programmation ?
Popkomm ratissait assez large, invitant des grosses têtes d’affiche qui venaient à Cologne et repartaient aussitôt leur concert terminé. On a essayé avec c/o pop de faire la part belle à la scène locale, toute la scène locale : les groupes, les DJs, les clubs, les managers, les labels, les bookeurs… Tout le monde s’y retrouve, autour d’un line-up d’artistes émergents. On essaye toujours d’anticiper ce qui va venir après, sans se concentrer sur les têtes d’affiche – même si parfois, les jeunes groupes que l’on défend deviennent très vite de grands noms ! Par exemple, à notre première édition, nous avions invité Phoenix qui sortait seulement son deuxième album à l’époque – ils n’étaient pas encore si connus que ça en Allemagne. La deuxième année, on a fait venir Arcade Fire pour leur premier concert allemand, tandis que les The Whitest Boy Alive montaient pour la toute première fois sur scène. On essaye de programmer des groupes qui, si on a un peu de chance, finiront sur les affiches de autres festivals européens dans deux ou trois ans.
Comment faites-vous pour les trouver ?
C’est assez facile pour la scène allemande, tout le monde dans l’équipe passe son temps à rencontrer des musiciens ou à monter des groupes eux-mêmes. Je suis dans ma quarantaine, je ne sais plus vraiment ce qu’il faut aller voir, alors je m’entoure de personnes jeunes qui connaissent les modes (rires). Pour les artistes internationaux, c’est à peu près la même chose : mon équipe voyage beaucoup, on se rend aux grands festivals de découvertes que sont Eurosonic ou les Trans Musicales. C’est un grand cercle de digging, de développement et d’échanges. Avec internet, c’est facile de trouver des infos sur tel ou tel artiste, et de découvrir de nouveaux noms. Mais pour faire des choix, savoir si le groupe est intéressant en live… Pour ça, on compte sur ce fameux réseau. Si tu es un festival qui n’est pas financé par Live Nation ou d’autres énormes compagnies comme ça, c’est essentiel d’être en relation avec d’autres programmateurs, d’autres festivals et des réseaux de professionnels, pour s’échanger des idées et des conseils.
En septembre, tu vas remettre un prix au festival Waves Vienna, qui va aider le groupe lauréat à s’internationaliser. C’est à ça aussi que sert ce réseau de professionnel ?
C’est un très bon exemple le Waves Vienna : on pourrait dire que c’est « le c/o Pop autrichien », même si ils sont un peu plus petits que nous. Nous faisons partie d’un réseau officiel appelé le INES – Innovation Network of European Showcases. Nous sommes douze festivals inscrits, nous échangeons des talents, mettons en place des prix comme celui du Waves où une certaine somme d’argent sera attribuée à un groupe en développement… C’est un bon exemple de réseau de professionnel. Il y a aussi le We Are Europe, qui est financé par l’Union Européenne et dont l’acteur principal est Arty Farty, l’entreprise derrière Nuits Sonores. On y trouve le c/o pop, Sonar, Nuits Sonores bien sûr, mais aussi des événements plus excentrés en Grèce (le Reworks) ou en Serbie (le Resonate). La musique est partout, il suffit juste de la trouver, et faire confiance à ces partenaires sur leurs scènes locales est un bon début. Heureusement, la plupart des pays européens ont maintenant leurs propres festivals de showcases et/ou convention. A chacun de bien faire les choses, en créant des espaces où les professionnels peuvent se rencontrer, se mélanger et échanger. Chez C/O Pop, on essaye de rester dans d’assez petits formats, avec un côté plus intimiste qu’Eurosonic ou Reeperbahn.
Mais au delà des professionnels qui viennent renforcer leur réseau ou assister à des conférences, comment faites-vous pour attirer du public à c/o Pop ?
Il y a tellement de festivals en Europe, tout l’été ! Mais les gens n’ont que deux ou trois semaines de vacances… Certains vont alors en Croatie, pour combiner les vacances d’été avec des festivals de musiques, souvent électroniques. On essaye de miser beaucoup là-dessus, aussi, mais version Cologne, avec une promesse de belles vacances en ville : le samedi, le festival se situe dans un quartier assez branché (le quartier dit « belge », car les rues tirent leurs noms de villes belges), avec beaucoup de boutiques de vêtements, de disquaires, de cafés ou de friperies. On propose alors plusieurs concerts gratuits dans ces boutiques pour que les gens puissent se balader, faire du shopping et écouter de la musique dans la même journée. On est au delà de l’idée « tu achètes un ticket et tu vas à des soirées » : le programme jour est riche, assister au festival c’est aussi découvrir la ville, avoir accès gratuitement aux musées sous présentation du billet c/o Pop, avoir des réductions pour certaines expositions… Sans compter ces concerts de groupes que l’on ne trouve même pas encore en ligne !
Toutes les infos sur le site du festival.