đź’ż Boe Strummer sort l’EP « Brigade Anti-France » : « Faire de la techno, c’est politique »
Membre du collectif parisien Casual Gabberz, Boe Strummer a sorti le 20 avril son nouvel EP Brigades Anti-France, de la techno hardcore pleine de sensibilité, avec un message à faire passer.
« On peut faire de la techno hardcore en ayant un message, et ce message peut lui aussi être hardcore. »
La techno est-elle politique ? Alors que les uns la considèrent depuis toujours comme une musique dĂ©cĂ©rĂ©brĂ©e, d’autres assument de la vider de son sens pour l’axer uniquement sur la danse. Pour le producteur parisien Boe Strummer, cela ne fait aucun doute : “Faire de la techno, c’est politique. C’est une musique qui est politisĂ©e Ă la base, qui vient d’un milieu noir prolĂ©taire amĂ©ricain, rĂ©cupĂ©rĂ©e par des Blancs europĂ©ens. Tout ça a un sens et il ne faut surtout pas oublier d’oĂą viennent les rave parties.”
L’affaire de la fĂŞte improvisĂ©e aux Buttes-Chaumont le 25 avril a d’ailleurs montrĂ© que, plus d’un an après le dĂ©but de la crise sanitaire, la teuf Ă©tait un sujet politique toujours aussi clivant. “Je pensais que les gens comprendraient mieux ce besoin de se rassembler pour de la musique au bout d’un an. Et non, ça a crĂ©Ă© une polarisation encore plus intense, avec un retour de l’esprit des lois Mariani et la diabolisation de la rave.”
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Alors que la techno ne résonne plus dans les clubs, le temps serait-il venu pour les artistes de s’interroger sur les réflexions qu’elle peut instiguer dans le salon ? Boe Strummer fait ça et bien plus avec ce titre pieds dans le plat “Brigade Anti-France”. Le terme fait référence à une rhétorique inventée par l’extrême droite à la fin du XIXe siècle pour dénigrer ses adversaires politiques, le fameux “parti de l’étranger”. Pour le producteur, ce titre choc est une manière d’affirmer son antiracisme dans une scène gabber qui a souvent été assimilée à l’extrême droite.
« Cet EP est une façon de rappeler que chez Casual Gabberz, nous sommes antiracistes et antifascistes. Ceux qui ne sont pas contents peuvent aller voir ailleurs. »
Pas sans raison, selon lui : “Il y a un fond de vĂ©ritĂ©, parce que c’est une musique qui vient d’un milieu prolĂ©taire blanc, peu Ă©duquĂ© et donc plus en proie Ă des cĂ´tĂ©s racistes. On le voit parmi nos fans : il y a des gens qui ont mal pris le titre « Brigade Anti-France » et qui ne voient pas le problème avec le fait d’être nationaliste et anti-immigrĂ©s. Cet EP est une façon de rappeler que chez Casual Gabberz, nous sommes antiracistes et antifascistes. Ceux qui ne sont pas contents peuvent aller voir ailleurs. Après, pour avoir frĂ©quentĂ© les events aux Pays-Bas, tu vois des types qui sont clairement nĂ©onazis, mais 99 % des gens sont lĂ juste pour kiffer le son.”
Politiser l’art
Au-delĂ de cette mise au point, Boe Strummer avait envie de “politiser son art” : “Pour dire qu’on peut faire de la techno hardcore en ayant un message, et que ce message peut lui aussi ĂŞtre hardcore. Je n’ai pas envie d’être dans une simple relation consumĂ©riste avec mes auditeurs. Mes disques sont mon espace d’expression. Cette expression est sentimentale, mais aussi politique.” Citoyen “engagé”, Boe suit de près l’actualitĂ© politique française, qu’il dĂ©crypte depuis deux ans dans des stories sur son compte Instagram. Dans le texte signĂ© Ed Isar qui accompagne le maxi, il fait d’ailleurs part de sa “lassitude face Ă la rĂ©alitĂ© sociale actuelle”. Un sentiment qu’il retranscrit parfaitement sur la seconde partie du morceau “Brigade Anti-France”, quand le kick se dilue dans un sample de la guitare de “Sun Is Shining” des Wailers pour une sĂ©quence finale d’oĂą suinte son spleen face “à un système de plus en plus rĂ©pressif”. Les policiers sont d’ailleurs assimilĂ©s Ă des “connards” dans le second morceau de l’EP, “FTC”, un track rentre-dedans qui dĂ©marre dans un pur jumpstyle (le genre qui a fait plonger le garçon dans la techno hardcore), avant de dĂ©river sur un synthĂ© Ă©thĂ©rĂ© et mĂ©lancolique, rĂ©sumant la formule Boe Strummer : du hardcore mais sensible.
« Il est temps de trouver un nouveau moyen de s’investir et de lutter. »
La relation avec les flics, c’est une vieille histoire pour lui qui a passĂ© une partie de sa scolaritĂ© au Val FourrĂ©, Ă Mantes-la-Jolie. “Je m’habille en jogging, avec une casquette, une capuche, je fume du shit, donc forcĂ©ment, je suis amenĂ© Ă ĂŞtre contrĂ´lĂ© assez rĂ©gulièrement.” Mais c’est surtout dans les manifs qu’il a assistĂ© Ă l’escalade de la violence policière. “Je peux comprendre qu’aller en manif aujourd’hui, pour le peu de rĂ©sultats que ça engendre, ce soit dĂ©motivant pour tout un tas de gens. Mais le piège, ce serait de tomber dans cette lassitude profonde et que tout le monde n’en ait plus rien Ă foutre. Il est temps de trouver un nouveau moyen de s’investir et de lutter”, estime-t-il.
Pour le moment, il est encore partagĂ© sur la marche Ă suivre, guerre civile ou vie en communautĂ© Ă la campagne. Mais il ne perd pas espoir de voir ses concitoyens se rĂ©veiller et ce disque participe de cette volontĂ© de s’engager, Ă son niveau. “Enlever cette dimension politique reviendrait Ă dĂ©naturer mon propos. J’ai envie que ma musique soit le reflet de mes idĂ©es, et d’utiliser la petite influence que je peux avoir sur le petit public que j’ai. Si chacun s’y met, c’est un moyen de faire changer les choses.”