Beyond The Wizards Sleeve (Erol Alkan & Richard Norris) : « Deux têtes valent mieux qu’une »
Erol Alkan et Richard Norris se sont retrouvés. Le premier est DJ, producteur et patron du label Phantasy Sound. Le second est la moitié de The Grid en compagnie de Dave Ball (ex-Soft Cell) et travaille sur son projet solo et disco The Time and Space Machine. Les deux sont londoniens et huit ans après Ark 1 et un side-project, Re-Animations Vol.1, ils dévoilent un second long format. The Soft Bounce sort le 1er juillet sur le label d’Alkan. C’est un disque pur, moderne et psychédélique qui leur tient vraiment à coeur. Nous avons rencontré les deux acolytes pour en savoir plus sur cette collaboration musicale, amicale et surtout passionnée.
Quel est le sens de Beyond The Wizards Sleeve ?
Erol Alkan : Il n’y en a jamais eu en fait (rires). C’était juste des mots qui allaient bien ensemble. Ca sonnait profond, avec une connotation magique. Quand on a trouvé le nom, ce n’était pas supposé devenir un projet tel qu’il est aujourd’hui. C’est comme quand on est à l’école et qu’on trouve un nom de groupe qui finit par rester.
Richard Norris : C’est long comme nom pour un groupe ! Mais c’est vrai qu’on aimait l’idée de magie qu’il dégage, ça fait penser à un voyage qui nous emmène très loin, une exploration… Ce n’est pas censé vouloir dire quelque chose en tout cas.
Parlez moi de votre première rencontre ?
R.N : C’est grâce à la nuit londonienne. On a mixé une ou deux fois au même endroit et puis j’avais une émission de radio sur internet pour laquelle Erol a joué. On était intéressé par le même genre de musique. Après s’être croisés plusieurs fois, on a fini par être invités au même show sur la BBC. Il m’a écouté jouer, je passais plutôt des disques psychédéliques, on a commencé à en parler et puis la suite s’est déroulée naturellement. On a fait des cassettes, chacun avec nos sélections, similaires et différentes à la fois. La connexion s’est faite, on a senti qu’on pouvait chacun apporter beaucoup de choses à l’autre, musicalement parlant.
E.A : C’est comme à l’école, quand tu découvrais une chanson ou un groupe et qu’un ami te proposait une sélection de choses que tu pouvais aimer par rapport à un morceau ou un concert. C’est grâce à des rencontres que tu découvres des musiques et c’était super à l’époque. Aujourd’hui, il y a des algorithmes qui le font tout seul, mais c’est moins humain.
R.N : Oui, rencontrer des gens qui écoutent d’autres choses est devenu encore plus important. Il y a tellement de musique, tout est si accessible, ça fait toujours du bien d’avoir l’opinion d’une personne au milieu de tout ça. Il y a plus de passion, ça crée une histoire, des souvenirs…
Qu’est ce que vous vous apportez mutuellement ?
R.N : Quand tu travailles un projet avec quelqu’un, ça t’apporte toujours énormément, souvent plus que tu ne le pensais au début. C’est très dur de travailler en solo, enfin c’est devenu facile techniquement avec les ordinateurs par exemple. Mais quand on est deux, il y a quelque chose qui se passe, une chose que tu n’aurais pas pu trouver ou penser par toi-même. Je ne saurais pas dire quoi mais c’est ça qui est beau. Si on pouvait mettre un mot dessus, on perdrait un peu de cette magie qu’une collaboration apporte. Deux têtes valent mieux qu’une.
Pourquoi attendre huit ans entre les deux albums ?
E.A : Le disque demandait à être fini. On ne s’est pas senti obligés de le faire mais notre instinct nous y a poussé. C’est une chance parce qu’il n’y a pas de pression. Un deuxième album est un exercice difficile parce qu’il y a beaucoup d’attentes, une ambition d’être mieux que le précédent, mais ça peut guider dans la mauvaise direction. Idéalement, on aimerait tous faire notre premier album à chaque album mais ce n’est pas facile.
R.N : Si on l’avait pensé en tant que carrière, avec la promo, la tournée, en peu de temps, ça n’aurait pas donné ce disque là. C’est une chance d’être dans cette position c’est sûr. C’est surtout parce qu’on fait plein de choses à côté que le disque a mis du temps à arriver. Et on ne vivait pas du tout au même endroit pendant un moment alors c’est forcément plus compliqué.
Qu’est ce qui a changé depuis ?
R.N : Ce qui n’a pas changé, c’est qu’on est toujours aussi enthousiastes ! Tant qu’on est emballés par une idée, peu de choses changent finalement. On a changé de studio, de maison (rires).
E.A : Nous ne sommes pas des producteurs à temps plein mais ça doit être très difficile. On fait des disques quand on veut et c’est bien. Le but c’est d’être créatif. Dans une vie, si tu as plusieurs moyens d’assouvir ta créativité, c’est génial et il faut y aller. Pour peut être laisser ta marque, dans un sens.
Quelles sont les différences entre les deux albums ?
E.A : Il s’agit toujours des morceaux inédits, même si on aime bien utiliser des samples mais toujours d’une manière originale. C’est drôle parce que « Black Crow » a une intro de batterie et un ami producteur l’a entendu et nous a dit : « Je connais ça, j’ai samplé cette ligne de batterie« . Il était très sûr de lui mais c’était bien nous qui l’avions enregistré et il a confondu, il a pensé que c’était un sample. C’est un son familier. Mais c’est très difficile de partir de rien. Il y a des morceaux qui sont très bien tels quels, alors si on les sample, il faut pouvoir en faire autre chose tout en conservant un peu l’esprit d’origine.
R.N : On nous a dit : « Comment vous allez cleaner ces samples ?« . Et on s’est demandé de quels samples ils parlaient (rires). On a essayé de faire mieux que l’original. Si tu prends, c’est pour donner quelque chose en retour.
Beaucoup disent que l’album a un son tiré des années 90. Qu’en pensez-vous ?
E.A : C’est l’un des attributs stylistiques du disque. Il y a des choses qui frôlent certaines périodes, certains genres mais ce n’est pas intentionnel. En revanche on a toujours voulu un son moderne.
R.N : Oui, par exemple « Diagram Girl », beaucoup de personnes le comparent à une certaine période. Mais aucun autre titre de l’album ne sonne comme lui.
E.A : Ils parlent des années 90 ? Je comprends, en y repensant, avec les sons électroniques, un peu shoegaze. Mais je ne connais pas de disques de ces années-là qui a des vocals comme sur notre titre. Il est vrai que ça se joue à rien du tout, ça peut être juste un son qui rappelle une période. C’est presque impossible d’être original du début à la fin, il y a toujours une référence cachée quelque part, qu’on le veuille ou non. Il n’y a aucune raison d’en avoir honte ou de penser que ça rend la musique moins innovante, au contraire. Ce sont nos influences, ça fait partie de nous. Ce qui compte, c’est surtout ce qu’un disque nous fait ressentir.
R.N : C’est vrai. L’atmosphère, le ressenti, ça doit être plus que juste un disque. Pour ma part, je suis ravi qu’on retrouve beaucoup d’influences et de périodes dans cet album, ça le rend encore plus riche. C’est ce qui en fait un disque moderne finalement.
Il y a toujours un lien entre vidéos et musique et vos clips sont travaillés, est-ce que c’est quelque chose qui vous tient à cœur ?
R.N : Oui, c’est toujours bien d’avoir d’autres choses autour de la musique, ça ouvre d’autres horizons. Nous avons demandé à Kieran Evans de s’en occuper et on lui a donné carte blanche. Il a vraiment apporté sa vision de ce qu’il entendait. Normalement, il y a seulement un ou deux clips mais on lui a donné cinq morceaux et il a dit qu’il voulait réalisé une vidéo pour chacun, on ne s’y attendait pas.
Qu’écoutez-vous en ce moment ?
E.A : Night Beats sur le label Heavenly, un album super moderne. Un remix d’un de nos titres signé BTU, ça dure seize minutes et ce n’est pas fini (rires).
R.N : J’ai découvert un remix de « Drumming » de Steve Reich et depuis j’essaie des trouver des choses qui lui ressemble. African 808, c’est super. Ca dépend vraiment de quel jour on est finalement (rires).
The Soft Bounce sort le 1er juillet sur le label Phantasy.