Beau Festival 2019 : promenade vintage et pop expérimentale
C’est désormais un rendez-vous incontournable pour tout amateur parisien de pop alternative. Le Beau Festival, l’un des plus gros événements indépendants de la capitale, est revenu pour la troisième année consécutive nous partager son amour des mélodies séduisantes … et aussi un peu bruyantes.
Rapidement, on constate que le festival porte très bien son nom. Dans les magnifiques couloirs rougeoyants du Trabendo se pavane une foule de gens tous très élégants, en tenues souvent excentriques (dignes des plus grands dandys pour certains !) venus écouter une programmation éclectique à dominance pop, elle aussi très belle. Sur la scène extérieure, dédiée aux artistes électroniques émergents, nous avons pu écouter les deux jours, de 18h à 6h, les lives de Discovery Zone, de Tonnerre, de Luis Ake, et de Domotic, puis des DJ-sets orchestrés par la Veillée Pop et par Pantin Plage, qui, dans une veine majoritairement new wave, ont baigné tout le festival dans une ambiance paillettes et boule à facettes 80’s des plus appréciables. Tandis qu’à l’intérieur, la scène s’est transformée en véritable laboratoire d’expérimentation pop…
Le premier soir, après l’excellente Eerie Wanda et sa dream pop au croisement du rockabilly, Chris Cohen délivre une jolie pop suave et brumeuse, dont le chant mélodieux, souvent en retrait, s’évanouit dans des nappes de synthés et d’effets sonores et tout genre… de quoi nous rappeler que le Californien est un ex-furieux du groupe de noise rock Deerhoof.
Mais le point d’orgue du festival sera atteint avec le live suivant, celui de Jacco Gardner. Car le Néerlandais, icône de la pop de la décennie, se lance dans un live audiovisuel atypique, dit en “disposition quadriphonique centrale”. Avec sa partenaire, ils s’installent… dans la fosse ! Et le public s’assoit autour d’eux. “On se croirait dans un planétarium !” lance alors une personne. C’est vrai qu’installés devant leurs machines, on les croirait presque aux commandes d’un vaisseau spatial… Le premier accord est lancé, quand les lumières réparties tout autour se mettent littéralement à résonner avec la musique. Nous nous laissons alors immerger dans de magnifiques flots de lumières, qui varient d’intensité en fonction de celle des synthétiseurs. Au travers des morceaux de l’album Somnium et de ses ravissantes mélodies (et néanmoins vacillantes, en véritable flirt avec la dissonance), les musiciens nous font voyager avec leur bedroom pop à travers divers paysages sonores, qui évoquent tantôt des églises gothiques et médiévales, tantôt des figures de sciences fiction.
Et ce n’était que le premier jour ! Le lendemain, après le funk psychédélique et progressif de L’Eclair, l’orchestre pop (?!) des Londoniens du HAHA Sounds Collective, composé d’une vingtaine de musiciens et de nombreux invités (dont Halo Maud), joue le mélange ultime : jazz, rock 60’s et électro… le tout bercé par les grésillements d’un enregistreur à bande qui procure une teinte vintage à leur concert, par ailleurs admirablement exécuté, comme calibré au millimètre près. Le festival se termine enfin avec un musicien de marque : l’immense Thurston Moore, ex-Sonic Youth, qui s’avance sur la scène à leur suite. Alors, sans mot dire, il se contente de déposer une gerbe de rose devant la scène et d’en lancer une dans le public. La grande classe. Seulement armé de sa guitare électrique, il se lance dans un live muet, sans micro, pour déclamer de longs drones obscurs et noisy. On ferme les yeux, et on se laisse bercer par ce son unique à cet artiste.
Et c’est ainsi, dans le déchirement sonore le plus total, que se termine le Beau Festival, qui aura su décliner les diverses nuances de pop possibles : de la plus mélodique, jusqu’à son extrême limite la plus expérimentale.
Meilleur moment : Le bassiste du HAHA Sounds Collective, qui, tout en virtuosité, a su animer la scène comme jamais.
Pire moment : Le set un peu trop court de Thurston Moore.