Avec la piétonnisation de Paris, la fête pourrait se faire dans la rue
Alors que les salles de spectacles ne rouvriront pas le 11 mai, et ce pour une durée encore indéterminée, la maire de Paris veut piétonniser plusieurs rues de la capitale, ce qui pourrait permettre d’y organiser certains événements festifs, dans le respect des règles sanitaires.
L’avenir de la musique se joue peut-être dans la rue. Alors que le déconfinement est toujours prévu pour le 11 mai, rien ne semble clair pour les salles de concert. Le 5 mai, Emmanuel Macron a annoncé un plan pour la culture mentionnant le gel des droits à l’intermittence jusqu’en 2021 et des commandes publiques auprès de jeunes artistes, mais la question des concerts reste floue. Une chose est certaine, cependant : la réouverture des salles de spectacle n’est pas pour tout de suite, comme l’a confirmé le 7 mai le Premier Ministre Édouard Philippe, et le retour des soirées telles qu’on les a connues semble repoussé à une date lointaine.
« Nous allons faire en sorte que [les cafés et les restaurants] puissent s’élargir sur l’espace public afin de pouvoir travailler dans des conditions sanitaires satisfaisantes. Et ce, jusqu’en septembre. Des rues entières pourraient leur être réservées à titre gratuit. » – Anne Hidalgo pour Le Parisien
Mais d’autres initiatives peuvent se mettre en place, notamment à Paris, et promettent d’être plus intéressantes qu’un club à moitié vide et plus écolo qu’une « drive-in rave ». Le 4 mai, la maire de la ville Anne Hidalgo dévoilait au Parisien son plan de déconfinement prévu dans la capitale. Elle y évoque son souhait de piétonnisation de plusieurs de ses rues, parfois sur de longues sections, comme la rue de Belleville ou la rue d’Avron, dans le XXe arrondissement, ou la rue du Faubourg Saint-Denis, dans le Xe. Ces nouveaux espaces de vie pourraient donc bénéficier aux cafés et restaurants de la ville qui jouiraient d’une extension de leur établissement sur la voie publique, pour permettre aux Parisiens de se réunir tout en respectant la distanciation physique (comme a pu l’expérimenter la ville de Vilnius, en Lituanie), et ce jusqu’en septembre.
Mais qu’en est-il des établissements nocturnes comme les bars, les salles de concerts et les clubs ? Contacté par Tsugi, Frédéric Hocquard, adjoint à la mairie de Paris chargé de la vie nocturne, nous confirme que ces espaces pourraient également accueillir des concerts. « On n’a pas non plus envie que les rues se transforment simplement avec une grande table, une tireuse à bière et un comptoir. On voudrait qu’il puisse aussi y avoir des activités festives, musicales », déclare-t-il. « Ces rues pourront servir à ce qu’il puisse y avoir des représentations artistiques. Pas forcément des concerts, ça peut être plein de choses, mais le concert n’est pas exclu. » Il évoque aussi les parcs et jardins, que la maire veut rouvrir dès que possible. « Ce qui ne va plus se passer en salle pendant un certain temps, on va le faire en extérieur. » Une potentielle bonne nouvelle à nuancer toutefois avec les dires du Premier adjoint de la maire, Emmanuel Grégoire, lors d’une conférence de presse sur le déconfinement ce mardi : « En août, il y aura une vie parisienne beaucoup plus dense que traditionnellement. Si nécessaire, on demandera au préfet de prendre des arrêtés pour interdire la vente d’alcool dans certaines zones et éviter une trop grande concentration, avec une attention sur les voies sur berge, le canal Saint-Martin et le bassin de la Villette. »
« Ce qui ne va plus se passer en salle pendant un certain temps, on va le faire en extérieur. » – Frédéric Hocquard pour Tsugi
Cette initiative peut également compenser l’annulation de la Fête de la Musique dans sa forme que nous connaissons depuis 1982. Déjà évoquée par Anne Hidalgo dans Le Parisien, Frédéric Hocquard le confirme : « La Fête de la musique est annulée dans sa forme actuelle parce qu’elle ne pourra pas respecter les règles sanitaires. Néanmoins, nous pourrons peut-être faire des petites choses, des petits concerts, mais nous restons prudents. Et prudent ne veut pas forcément dire « rester confiné ». Quoi qu’il en soit, nous resterons attentifs à ce qu’il se passera dans les prochains jours. » L’adjoint précise également que le développement de zones piétonnes et d’espaces verts dédiés au bien-être et à la culture s’inscrit dans la politique globale d’Anne Hidalgo, candidate à sa réélection aux municipales de 2020.
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Cette dernière annonce également, dans son plan de déconfinement, une aide de 15 millions d’euros pour le secteur culturel. « Le détail de cette aide sera décidé au conseil de Paris du 18 mai » précise Frédéric Hocquard, qui indique par ailleurs que ces aides devraient en partie soutenir le fonds d’urgence sur les musiques actuelles mené par le Centre National de la Musique. Cette enveloppe nourrira aussi les représentations dans l’espace public évoqués ci-dessus : « Il y a aussi les droits de terrasses, l’augmentation des subventions des établissements… Tout ça n’est pas détaillé, pour le moment », conclut Hocquard.
Ce dernier appelle par ailleurs à une discussion clarifiant enfin la situation des salles de spectacle. « Cela a été fait dans plein de domaines, il faut donc que cela se fasse dans le domaine des salles de spectacle, (…) sinon elles ne rouvriront que quand on aura trouvé un vaccin, ce qui n’arrivera pas avant au moins un an et demi. On ne remplacera pas la création et la diffusion de la culture par ce qu’on fait via Internet. Je trouve ça très bien, mais ce n’est pas suffisant. » Bien sûr, cela doit se faire en respectant les conditions sanitaires. « On a compris ce qui n’était pas possible, et il faut faire attention à respecter ces mesures. Mais qu’est-ce qu’on peut faire ? Il faut avoir une discussion globale. »
« On ne remplacera pas la création et la diffusion de la culture par ce qu’on fait via Internet. Je trouve ça très bien, mais ce n’est pas suffisant. » Frédéric Hocquard pour Tsugi
Il évoque notamment un rapport déposé le 1er mai au Président de la République par l’infectiologue François Brécaire. Il y recommande le respect de la distanciation sociale (1m50 entre les spectateurs, dans un premier temps), le port systématique du masque, ou le nettoyage fréquent des sièges et instruments. Réalisé en un temps très court, ce rapport n’a pu auditionner que sept représentants de l’industrie culturelle, dont un représentant de Fimalac (qui œuvre dans tout le domaine du divertissement, y compris la musique) et du Prodiss (syndicat du spectacle musical privé). D’après Hocquard, le rapport est « assez décrié, parce qu’il n’est visiblement pas adapté. » Et la discussion est urgente pour éviter la casse : au début du confinement, le Prodiss estimait la perte pour son secteur à 590 millions d’euros… pour une période allant jusqu’au 31 mai seulement. En mars, le président du Centre National de la Musique évoquait, pour sa part, un chiffre pouvant atteindre le milliard d’euros, tandis qu’une étude récente parle d’une fourchette allant de 2,3 à 5,8 milliards d’euros. Le retour à la normale ne semble pas être pour tout de suite pour la Culture.