« Arrêter d’être DJ » : quand Laurent Garnier pense à raccrocher
Qu’on se rassure, ce n’est pas encore le cas. Celui que l’on surnomme « tonton Garnier » ou encore « le pape de la techno française » n’a fait que l’évoquer, mais la perspective de prendre sa retraite du DJing « la nuit à 5 h du matin » semble se profiler dans son esprit, comme il le confie dans le Tsugi 143, à la fin de son interview aux côtés des Limiñanas (Lionel et Marie) au sujet de leur album commun De Pelicula. Voici l’extrait entier.
Tsugi 143 : Garnier/Limiñanas, dispo en kiosque et à la commande en ligne
[…] Alors bien sûr avec ces références d’un autre monde, et un disque qui est décrit dans le communiqué de presse comme « l’œuvre instinctive d’un groupe soudé, vivant dans une interzone où le temps semble s’être arrêté en 1970 », il est facile d’accuser le couple Garnier/Limiñanas d’être un addict du « c’était mieux avant » et de ne pas être à l’aise dans notre époque pourtant formidable (on plaisante). Grossière erreur, comme l’explique Lionel, à l’aise dans ses baskets : « Je n’ai jamais été aussi heureux que maintenant. Grâce à la musique, j’ai réglé des tas de trucs qui me frustraient depuis très longtemps et je me sens bien. » Ce que Laurent ne peut qu’approuver : « Moi aussi je suis très à l’aise. Depuis un an, c’est le troisième projet différent sur lequel je bosse : j’ai enregistré beaucoup de morceaux techno pour moi, j’ai imaginé la BO électronica d’un long-métrage, et ce disque bien sûr. C’est bien notre époque qui me permet de faire des choses aussi variées. Dans sa forme, cet album n’est pas si rétro que ça. Il n’est pas lié à une frustration passéiste : on s’est juste fait plaisir. » Ce qui ne leur interdit pas à ce stade de carrières déjà bien remplies et surtout réussies de s’interroger sur la légitimité d’un futur toujours nourri par la chaleur des salles de concert et la moiteur des clubs. À l’image de Marie : « Chaque année qui passe, je me demande si c’est encore possible de continuer. » Elle peut être rassurée par Lionel : « Quand nous étions jeunes, notre but n’était pas de vivre sur le mode rock’n’roll tel qu’on l’imagine souvent, rempli d’excès, mais d’avoir une vie différente et surtout pas emmerdante. Aujourd’hui, vieillir dans la musique me rassure grâce des artistes qui, en prenant de l’âge, sortent des disques de mieux en mieux comme Pascal Comelade ou Nick Cave. »« Cela n’a peut-être plus beaucoup de sens pour moi. »
Pourtant Laurent jette le trouble : « Quand je dis à 55 ans dans un dîner avec des gens qui ne me connaissent pas que j’ai hâte que les clubs rouvrent pour danser un bon coup, franchement ça fait des blancs… (rires) Alors que oui j’ai envie de lâcher les chevaux ! Mais je pense aussi qu’il y a une sorte d’élégance de se dire que je vais continuer dans la musique, mais que je vais peut-être arrêter d’être DJ, la nuit à 5 h du matin avec des gens déboîtés. Cela n’a peut-être plus beaucoup de sens pour moi. » Non Laurent, pas toi, pas après tout ce que tu as fait pour nous. Tu ne vas quand même pas nous planter maintenant comme Juliette a largué Saul à la fin de votre disque sur le bord d’une aire d’autoroute ? Non, l’histoire n’est sûrement pas terminée.
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Lire l’interview intégrale dans le Tsugi 143, en kiosque et à la commande en ligne