Apocalyptique, ultramoderne, kitsch : mais d’où sort Ascendant Vierge ?
Et si l’incarnation du monde d’après était le duo ascendant vierge, formé par Mathilde Fernandez et Paul Seul, échappé du projet Casual Gabberz ? En dépoussiérant la trance, le gabber ou encore la hard tech, sur lesquels viennent se poser les intonations lyriques de la chanteuse/productrice, ascendant vierge invente la chanson à texte d’un futur apocalyptique, mélodique mais aux rythmes fracassés.
Article issu du Tsugi 146 : Ascendant Vierge, génération désenchantée, disponible maintenant en kiosque et à la commande en ligne.
Longtemps que l’on n’a pas ressenti une telle folie. Et pas seulement parce que ce soir de septembre, l’accalmie sur le front du Covid permet enfin de retrouver une salle de concert… les gens, la bière, la sueur, bref la vie. Petit bain est plein. Ce soir et trois autres dates à venir. Seule une jauge encore limitée à 75 % des capacités de la salle permet, entre deux vagues de pogos en surchauffe, de se glisser sans trop de difficulté jusqu’au-devant de la scène, où Paul Seul et Mathilde Fernandez, en combinaisons moulantes l’un et l’autre, genre cycliste de l’espace ou super héros psychédéliques échappés d’un dessin de Jim Steranko, rivalisent de vocalises. Dans la salle, il n’y a pas que le public qui est chaud. Plusieurs barons du monde de la musique sont aussi là pour juger sur pièce le phénomène aux refrains obsédants et aux beats hystérisants. En d’autres temps, Daft Punk, Justice, Fauve et d’autres ont connu ce genre de ballet. « Signera, signera pas », on connaît l’histoire. En attendant, en une poignée de sons mutants, « Faire et refaire », « Influenceur », « Discoteca » et l’ultra-percutant « Petit soldat », le duo s’est imposé comme un objet de fascination générationnel. En mélangeant les genres réputés les plus ringards de la galaxie électronique, la trance, le gabber, la hard tech avec des vocalises de valkyrie gothique, les deux ascendant vierge ont forgé un style fluorescent qui n’appartient qu’à eux. Mega kitsch certainement, mais surtout ultramoderne, profondément stimulant et totalement enivrant. Mais d’où sort un truc pareil ?
« Ce qui est marrant, c’est que nos morceaux étiquetés « apocalyptiques » ont été écrits bien avant le Covid. »
Comment décririez-vous ascendant vierge à quelqu’un qui ne vous connaît pas ?
Paul : C’est un groupe de chansons en français que je forme avec Mathilde. Nos influences sont techno, trance, hardcore, des sons assez années 90s avec le breakbeat et la drum’n’bass. Pour résumer, on se promène dans le grand spectre des sons techno. Mais longtemps, on n’a voulu voir en nous que l’association de nos deux univers. Je fais partie du collectif Casual Gabberz et la voix de Mathilde flirte avec le lyrique, alors on est devenu le duo de gabber avec une chanteuse d’opéra. Je pense que c’est plus que ça.
Mathilde : Le pire, c’est quand on nous présente comme du gabber lyrique ou du gabber chanté !
On décrit aussi souvent votre musique comme le chant de l’apocalypse, vous vous retrouvez dans cette définition ?
Paul : Ça, c’est beaucoup plus vrai. Déjà à cause de la temporalité : on s’est présenté au monde en période de pandémie avec toutes les questions existentielles que cela a posé. Nous aussi, jeune groupe, on a vu tout s’arrêter. Ce qui explique que l’on a écrit des chansons sur ce sujet. Mais cela vient d’encore plus loin : la fin du monde, l’apocalypse, ce sont des sujets qui m’ont toujours fasciné. Quand j’ai commencé à écouter du rap français, j’étais fan de NAP et de leur album La Fin du monde… Et puis je suis du genre à aimer me refaire pour la dixième fois la série X-Files.
Mathilde : Je n’ai pas attendu le Covid pour parler de ça. Depuis mon enfance, j’entends ce discours dans ma famille : c’est bientôt la fin du monde. Mon oncle est astrologue et mon grand-père était fasciné par les ovnis. Il disait en avoir vu et même avoir fait l’amour avec un extraterrestre. Selon lui, on allait tous crever et on était au bord de la troisième guerre mondiale. Il a écrit plusieurs livres dont un qui s’appelle Dieu le grand absent. Cela vous donne une idée du personnage. Voilà, c’est ma famille, c’est mon sang, je compose avec cela. Ce qui est marrant, c’est que nos morceaux étiquetés « apocalyptiques » comme « Impossible mais vrai » ou « Faire et refaire » ont été écrits bien avant le Covid.
À quel moment avez-vous senti que votre musique avait vraiment du succès ?
…