Ambiance bunker et techno minimale à la sauce bruxelloise au Listen! Festival
Du 30 mars au 3 avril, le Listen! Festival gagnait toute la ville de Bruxelles. Dans les clubs, les salles de spectacles, les gares, en sous-sol bref partout où pouvait régner le son la nuit, les artistes ont posé leurs platines, proposant des DJ-sets aussi dansants que transcendants dans des lieux -vraiment- hors du commun. On vous raconte ce festival résolument tourné vers la techno, la minimale et pas que…
« Une ville bâtie sur la diversité« , l’adage pendait à la bouche des bruxellois pendant ce premier week-end d’avril. Il faut dire que les chiffres leurs donnent raison. La Belgique accueille sur son territoire quelques 140 nationalités : le pays de Brel et Stromae est deuxième dans ce domaine, juste derrière le Qatar « mais sans les esclaves », se permettent d’ajouter certains plein de lucidité. « Ici on se sent plus européen et bruxellois que belge », explique Lorenzo Serra, « on ne ressent pas de fierté nationale« . Le fondateur du Listen! Festival a posé les bases. Son évènement fait la promesse de retranscrire cette diversité. « United in Music & Diversity » peut-on lire sur les affiches de l’évènement. Du 30 mars au 3 avril, Bruxelles a investi ses clubs, ses lieux culturels et même ses gares (oui oui !) dans le cadre de ce festival ode à la techno music et à la minimale ainsi qu’aux scènes insolites comme à Gare du Nord ou dans la gare ferroviaire de Bruxelles-Congrès.
Samedi aux alentours de 23 heures, une queue inhabituelle s’est formée au pied d’un des immenses bâtiments de la Gare de de Bruxelles-Nord. La gare est ouverte « all night long« , l’accès se fait par les couloirs au rez-de-chaussée d’habitude réservés aux taxis et voyageurs la journée. Derrière les portes vitrées, on emprunte les escalators en file indienne en tentant de se frayer un chemin jusqu’au hall et sa longue piste de danse. Après deux ans d’absence forcée, la gare s’est transformée pour accueillir les teufeurs en grand manque de fête « made in Listen! ». De suite, l’impression d’occuper un lieu inédit nous gagne. Des dizaines de kilos de son ont été méticuleusement attachées aux deux pylônes à l’avant de la scène. Parfaits pour les mixes de Kappen, Job Jobsen et Lola Haro qui feront résonner le hall toute la nuit à base de quelques morceaux house et surtout beaucoup de techno. Le même soir, le Fuse vit aux rythmes effrénés de la minimale et de la hard techno. Pousser les portes de ce haut lieu de la nuit bruxelloise, c’est de suite profiter de ses deux scènes, se perdre dans le mélimélo d’escaliers qui font la spécificité de ce club, avant de tomber par hasard (ou pas…) sur le sésame de tout accro à la « clope » en soirée : le fumoir. De 23 heures à 8 heures du matin les quelques artisans de la techno que sont l’expérimenté Hector Oaks, les deux éternels minimalistes Spekki Webu en b2b avec Woody92, Stef Mendesidis, Sonhan, Phara, Konduku, le producteur français basé à Bruxelles Julian Muller, Emily Jeanne enflamment les deux étages du club. Les stroboscopes et les spots camouflent les visages qui se tendent, se détendent, se déforment, se fatiguent et s’émerveillent au fil de la nuit.
Aux prémices de cet intense week-end musical, la neige a eu raison de la chaleur et du ciel bleu de la semaine précédente. Retour en hiver, quand la chaleur enivrante du dancefloor contraste avec la froideur des queues devant les portes des clubs. Ce vendredi soir, le C12 n’y échappe pas. Au milieu des beaux quartiers bruxellois, s’établissent les deux salles de ce club situé au rez-de-chaussée de la Galerie Horta, avec laquelle il partage le couloir d’entrée le temps de ses soirées. « Le matin il faut vite qu’on cleane tout l’espace pour la galerie », explique en riant l’un des gérants, Mathieu Serra. Si le challenge est de taille, le jeu en vaut la chandelle. L’excitation de pénétrer dans un lieu hybride gagne instantanément tout clubbeur qui pénètre au C12. Cerise sur le gâteau, un escalator (encore un, peut-être sont-ils le fil rouge de ce festival ?) mène à un espace détente au premier étage de la galerie où on se repose et discute. À deux (grands) pas de là, c’est en sous-terrain que la fête se poursuit. La station ferroviaire de Bruxelles-Congrès accueille sous ses voûtes de béton une scène 100% techno (ambiance bunker oblige) du vendredi au dimanche. Aux platines pour le Listen!, Jakob, les DJs des belles soirées bruxelloises H E 4 R T B R O K E N, John T.Gast, Kim Kenis, Lunar Convoy, Marco Shuttle, le label Slagwerk, SSAliva et X/O assurent le show. « Il fait un peu froid mais la musique est bonne ! », glisse un festivalier dans le vrombissement exaltant des basses. Le froid a pénétré les entrailles de la station. Aucune porte ne garde au chaud les âmes qui habitent le lieu le temps des trois nuits, alors il faut danser ! Il est difficile d’y résister de toute manière, le BPM s’accélère à mesure que la soirée avance et bientôt on pourrait presque croire qu’il fait trop chaud dans la station. La fièvre des soirées souterraines, sans doute.
« Trou à rats » de la Belgique selon Trump en 2016, commune multiculturelle et pleine de vie selon nous, Molenbeek accueillait des DJ sets un pas à côté des autres musicalement. Parce qu’il n’y a pas que la techno lancée à vive allure, le lieu culturel de LaVallée mettait les pleins phares sur ces genres ultra-dansants que sont le dancehall, l’amapiano, le baile ou encore le pereo… Des styles enracinés dans les cultures cubaines, sud-africaines, nigérianes, brésiliennes qu’on entend encore (trop ?) peu dans nos clubs parisiens. Dans la salle chauffée à blanc, les corps se libèrent à coups de déhanchés et de twerks, savamment effectués en rythme avec les « percus » sèches des morceaux de Blck Mamba, Bona Léa et du duo productrice/rappeur Mina & Bryte dès le jeudi soir. Le samedi suivant Ahadadream, DJ Insecure, M I M I, O’Simmie, Scrathclart et Yooth étaient à leur tour à voir en live. Une belle bouffée d’air pendant ce festival qui, ne l’oublions pas, se veut le reflet de Bruxelles où musiques et « diversité » culturelle sont les maîtres-mots.