Album du mois : Burial
Chronique de Tunes 2011 To 2019 de Burial par Gérome Darmendrail, publiée dans le Tsugi 128 (décembre-janvier 2019-20).
Mais qu’a fait Burial pendant la dernière décennie ? On sait déjà ce qu’il n’a pas fait : poster des stories sur Instagram. Pour le reste, le mieux serait encore de lui demander, seulement, l’Anglais étant particulièrement avare en interviews, il faudra sans doute se contenter de cette compilation, réunissant à peu près tout ce qu’il a sorti en maxi entre 2011 et 2019. Ce ne sera pas pour lui déplaire, lui qui a par le passé justifié sa discrétion et la rareté de sa parole par sa préférence de s’exprimer à travers sa musique.
Outre les quelques remixes qu’il a pu réaliser durant cette période et ses maxis collaboratifs avec Four Tet, Massive Attack et Zomby, ne manquent en fin de compte que quatre morceaux : “Temple Sleeper”, “Pre Dawn”, “Indoors” et “Rodent” – les trois premiers ayant la particularité d’être sortis sur un autre label qu’Hyperdub, qui publie la compilation –, on en déduira donc que seul le dernier est passé à la trappe par choix éditorial. On pourra évidemment être déçu de ne pas trouver sous le sapin un successeur à Untrue, son vénéré second album sorti il y a déjà douze ans, mais cette anthologie constitue tout sauf un pis-aller. En premier lieu parce qu’en l’absence d’albums et de concerts, elle permet de remettre un coup de projecteur sur l’un des musiciens les plus intéressants de notre siècle, issu du dernier courant musical innovant à avoir émergé, le dubstep, qu’il a amené comme personne vers de nouveaux territoires.
Foisonnante – 17 titres et près de deux heures trente de musique –, elle nécessite un peu de temps pour s’apprivoiser, d’autant qu’au sein même de certains titres, affranchis de toute forme de structure classique, ce sont parfois deux ou trois morceaux qui coexistent. Ordonnée de façon quasiment chronologique, elle permet aussi de mesurer l’évolution de son auteur durant la décennie passée. Ainsi, le début sera plutôt familier pour qui a écouté ses deux premiers albums. On y retrouve sa patte, ces rythmiques 2 step éthérées soutenant des nappes vaporeuses, des textures qui crépitent et des boucles vocales hypnotiques, avant que le disque ne prenne des directions plus audacieuses, voire expérimentales, pas toujours comme on l’attendrait, laissant parfois jaillir d’une plage brumeuse et accidentée des sucreries pop/R&B, de l’autotune ou des arpèges trance, saillies étonnantes et pourtant parfaitement cohérentes à l’écoute. On y entend aussi les morceaux les plus dancefloor et énervés que Burial ait jamais produits, rappelant son ADN jungle/rave, et les plus contemplatifs et arides, réduits à quelques craquements et sons d’ambiance.
L’ensemble est remarquablement riche et captivant. S’il y a bien une chose que l’on sait sur le Burial des années 2010, c’est qu’il ne s’est pas reposé sur les lauriers, pourtant denses, qu’on lui avait tressés après son second album. Il a continué d’avancer.
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Artiste : Burial
Album : Tunes 2011 To 2019
Label : Hyperdub
Date de sortie : 06/12/19
Bandcamp
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