Agoria en couv’ de Tsugi 118, en kiosque vendredi 7 décembre
C’est une chance de notre métier. Celle de pouvoir rencontrer des artistes très tôt, avant leur éclosion. Et de suivre ainsi au fil de leur évolution les hauts et les bas de trajectoires souvent plus en diagonale que rectilignes. Alors évidemment, des liens affectifs se créent, mais appelons ça de la déontologie, même si ça peut apparaître pompeux, en essayant toujours de ne pas être aveuglé par le phare de l’amitié. Sébastien Devaud, alias Agoria, peut en témoigner. Depuis notre première rencontre un soir de 2002 au Nouveau Casino à Paris alors que son maxi La 11ème marche venait tout juste de paraître, nous ne l’avons jamais épargné. En portant un regard tendre certes, mais surtout objectif sur une carrière (un mot qu’il déteste) dont parfois nous n’avons pas toujours compris les directions. Celui qui nous a offert, en acceptant d’en être le rédacteur en chef, un des meilleurs numéros de ce magazine en juillet 2013 et notre plus belle expérience journalistique, sera à coup sûr l’une des sensations de 2019 à la faveur d’un album Drift (son quatrième) qui le voit enfin assumer une ambition élevée, bien plus large que son traditionnel champ d’action techno. Et c’est donc un homme serein que vous allez découvrir dans ses pages pour l’avant-dernière couverture d’une année 2018 dont nous vous dressons également le bilan. Un bon cru ? Pas sûr… Vivement 2019.
Vous retrouverez également dans ce numéro un CD mixé par The Micronauts, notre bilan musical 2018, l’album du mois de Cabaret Contemporain, une table ronde avec Léonie Pernet, Anetha, Joran Le Corre et Michel Nassif ou encore Lomepal jouant au blindtest. Et bien sûr de nombreuses chroniques, interviews, reportages, bons plans et portraits… En kiosque (ou sur notre boutique en ligne) ce vendredi 7 décembre ! En attendant, vu qu’on est sympa, voilà le début de l’interview d’Agoria par Patrice Bardot :
Avec son quatrième album Drift à paraître en mars, Agoria affiche pour la première fois des ambitions qui devraient lui permettre de dépasser le cadre strict de la musique électronique et lui ouvrir de plus larges horizons. En avant-première et en exclusivité pour Tsugi, le producteur et DJ français dessine les contours de ce qui ressemble à un nouveau départ.
Il a osé. Mais cela lui a pris du temps. Ce journal peut en témoigner. Nous qui avons toujours suivi Sébastien Devaud, alias Agoria, au fil des contours d’une carrière (un mot qu’il déteste) écartelée entre sa volonté farouche de garder les pieds dans un (relatif) underground techno qu’il a contribué à développer à ses débuts dans les raves des années 90 et son ambition de conquêtes tous azimuts, longtemps contenue, et aujourd’hui affichée au grand jour. Symbole : un quatrième album qui sortira chez une major du disque, mais aussi une communication où, physiquement, il se dévoile petit à petit. C’est que Drift, dont on va comprendre ici la claire signification, l’autorise à rêver en grand. Un disque d’ouverture personnel, mais aussi très ancré dans notre époque, puisqu’on peut tout à fait l’envisager comme une sorte de playlist où le matériel de base forcément électronique se décline sous forme de vraies chansons pop, hip-hop ou électro. Avec comme fil conducteur, le talent de mélodiste de son producteur. Un homme de 42 ans, qui ne s’est peut-être jamais senti aussi bien dans sa peau. Il était temps ?
Ton album s’appelle Drift, comment traduirais-tu cela en français ?
On vit tous dans une sorte de schizophrénie où on a envie d’écouter à la fois Rihanna et Aphex Twin. Mais aujourd’hui la façon de consommer la musique, avec notamment les playlists, fait qu’il n’y a plus ce jugement de valeur. On ne te demande plus comment tu fais pour écouter ceci alors que tu écoutes cela. Drift, c’est s’autoriser ces dérapages. Cet album est une envie de se faire plaisir et d’assumer mes contradictions et mes choix, peut-être plus commerciaux que ce que j’ai pu faire par le passé. Avec Drift, je suis vraiment arrivé à montrer qui j’étais en me plaçant à un point de rencontre entre les styles musicaux. Je ne me retrouvais ni dans un album qui soit proche des précédents, donc très niche “électronique”, ni dans un disque qui soit une succession de titres pop pour la radio. J’avais envie de trouver cet équilibre que j’appelle “drift”. Un peu comme quand tu voyages dans un avion et que tu te laisses complètement bercer par une sélection musicale allant de la musique africaine à des choses très électroniques.
… La suite à découvrir en kiosque ou sur notre boutique en ligne dès ce vendredi 7 décembre !