À Reims, le collectif La Forge a tout compris à la musique électronique actuelle
Oubliez Brodinski, Yuksek ou The Shoes, Reims peut aujourd’hui se targuer d’héberger l’un des collectifs/labels électroniques les plus doués de France. Si La Forge se monte en 2015, ce n’est qu’à la fin de l’année dernière que cette bande de potes décide de sortir sa première compilation Crysta Ampullaris, manifeste des talents de chacun : cinq grosses claques. On s’aperçoit non seulement que tous sont de brillants producteurs, mais qu’ils possèdent déjà chacun leur propre son, comme si cela faisait 20 ans que ça mouline du VST. Emir, Nigm, Shonen Bat, Lebird, Slowglide, Indigo Persona et Ayuji, retenez ces noms ; ils reviennent aujourd’hui même avec un second volume de leur compile, l’occasion de rencontrer ces Rémois qui semblent avoir tout compris à la musique électronique actuelle.
La Forge, racontez-nous un peu cette histoire…
C’est une banale histoire de province : au départ on était cinq, six potes à mixer en after tous les weekends sur un contrôleur pérave. Il y a environ cinq ans on a décidé d’infliger ça à d’autres en commençant à jouer dans le peu de bars et de clubs qui toléraient ce genre de musique (RIP La Suite). De fil en aiguille, d’autres DJs, producteurs et graphistes se sont greffés à l’asso et nous sommes aujourd’hui une quinzaine de membres à porter le projet, ce qui nous permet d’organiser des teufs de plus grande envergure dans des lieux comme Quartier Libre ou la Cartonnerie, notre scène des musiques actuelles locale.
« Le collectif s’est créé sur la volonté de pérenniser quelque chose qui existait déjà dans notre ville, mais qui commençait à s’essouffler, à savoir la scène électronique rémoise. »
La partie “label“ est toute récente, on n’a pas encore la prétention de se définir en tant que tel. L’idée de base était plutôt de partager le savoir-faire de notre noyau de six producteurs (Nigm, Shonen Bat, Lebird, Slowglide, Indigo Persona et Ayuji), de proposer quelque chose de varié et d’éclectique, tout comme nos influences. En exemple, comme ça, on pense à des entités comme Ilian Tape, Whities, BFDM, Hyperdub,… On est très portés sur la scène anglaise actuelle, mais on partage énormément de référentiel en techno, electro, minimale ou jungle. Au niveau de l’organisation de soirées, on kiffe ce que font les gars du Positive Education à Saint-Etienne, ils sont à l’avant-garde en termes de programmation et ils prouvent que tout est possible, même en province.
Quelle musique, quelle scène défendre ?
Le collectif s’est créé sur la volonté de pérenniser quelque chose qui existait déjà dans notre ville, mais qui commençait à s’essouffler, à savoir la scène électronique rémoise. On pense en particulier à des crews comme Phonographe Corp (aujourd’hui basés sur Paris) ou les grands frères d’Inner Corner. Ils ont véritablement dynamisé la vie nocturne rémoise en proposant des line-up pointus à prix friendly : Phono nous a fait découvrir Antigone au tout début de sa carrière, Inner Corner a booké des grosses têtes comme Kink, Aleksi Perala, NSDOS ou Anthony Shakir. Ce sont vraiment eux qui nous ont transmis cette philosophie de la fête et donné envie de créer le collectif.
Sinon, on ne défend pas un style en particulier, on n’est pas des identitaires, notre programmation le prouve : on a eu la chance de faire venir jouer des artistes comme Renart, GBoi & Jean Mi, Voiron, Sweely, Bamao Yendé ou Realitycheck pour en nommer quelques-uns. Venants de backgrounds différents, on s’influence tous musicalement et esthétiquement de manière organique, et de ce chaos émerge au final quelque chose d’assez cohérent (enfin, on l’espère). L’idée de base restant de faire les choses sérieusement sans toutefois se prendre au sérieux.
Là vous sortez le deuxième volume des compilations Crysta Ampullaris. Que des tueries. Ces compilations sont des résumés de la scène rémoise ou ça va plus loin que ça ?
Merci beaucoup, ça fait super plaisir ! Alors, pour la petite histoire, on était déjà plusieurs à produire pour différents labels (Comic Sans, Antinote, Corrupt Data, Lett Records). On commençait à avoir pas mal de sons en stock puis on s’est dit que ça ne serait pas si con de sortir nos propres trucs et d’avoir la main sur le produit final. On a dégainé le premier volet des compilations Crysta Ampullaris un peu comme ça et on a eu de bons retours. Alors on en a sorti un deuxième, et le troisième sortira en juin si tout se passe bien.
Concernant les artistes présents sur les compilations, on ne choisit pas vraiment, on est tous Rémois et potes à la base, donc c’est plus simple pour se capter, tout simplement. Pour le nom, on ne voulait pas l’appeler tout bêtement “Various Artist” ou autre poncif, du coup on a bien galéré et quelqu’un a trouvé ce nom : “Crysta Ampullaris”, qui est le nom scientifique de la partie de l’oreille interne qui détecte le changement de rythme. C’est un petit clin d’œil à notre nom, “La Forge”, qui est en réalité une représentation du marteau, de l’enclume et de l’étrier de l’oreille interne. Des outils nécessaires pour créer les armes adéquates afin d’éclater un dancefloor.
« Reims n’est pas une grande ville mais pourtant les talents abondent. La donne change, il y a une grosse émulation et on pense tous qu’il est en train de se passer quelque chose de cool dans la cité des sacres. »
Parlez-nous un peu de l’état de la scène électronique rémoise actuelle…
Reims n’est pas une grande ville mais pourtant les talents abondent. Les connexions se font rapidement et naturellement, on se connaît tous plus ou moins et on s’invite à tour de rôle à nos soirées. Nos grands frères spirituels sont clairement les gens d’Inner Corner cités plus haut. Ils font partie de notre ADN, gros gros respect à eux. Après, il y a les potes : Cki7Putt et Lune pour les bails techno, Source Phonique et les petits nouveaux de Bonne Nuit à Demain pour des choses plus funky, notre mixmaster local Another Pixel pour les deux moods et il y a également une pure scène rap qui émerge. C’est assez varié, on se met bien.
Récemment, on a reçu énormément de soutien de la part de structures locales comme La Cartonnerie ainsi que le festival La Magnifique Society qui nous invite à son édition 2020 à la fin du mois de juin. Ensuite, comment ne pas citer Quartier Libre, lieu de rencontre pour les forces vives rémoises mais aussi terrain de jeu pour nos soirées récurrentes. Ça fait vraiment du bien de savoir qu’on est soutenus, d’autant plus que les rares établissements ouverts au-delà de 2h du matin ciblent un public très généraliste dans lequel on ne se reconnaît malheureusement pas. Mais la donne change, il y a une grosse émulation et on pense tous qu’il est en train de se passer quelque chose de cool dans la cité des sacres !
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