Nuits Secrètes 2023 : pluie de surprises, grandes dames et libération collective
Le festival Nuits Secrètes n’a pas usurpé sa réputation, bien au contraire. Pour cette édition millésime 2023, 58 000 festivaliers ont rallié la petite ville d’Aulnoye-Aymeries, pour trois jours de fête et de communion en terres nordistes.
Coachella, Ibiza, Aulnwa ! On ne nous avait pas menti : Nuits Secrètes est une expérience assez unique, tant dans l’ambiance générale de libération collective, que par les surprises réservées par le festival. Et on a pu le vérifier tout au long du week-end. Le clou dans le concept de l’événement, ce sont bien sûr les Parcours Secrets. Le principe ? On vous emmène en concert, sans que vous connaissiez à l’avance ni le lieu, ni l’artiste qui se produit, le tout en comité restreint. Forcément, ça titille la curiosité… et ça vaut vraiment le détour.
Surprises motherf***ers
Parmi les sept Parcours Secrets disséminés sur les 3 jours, certains ont eu Aquagym à la piscine municipale autour d’un set de Supa (les photos sont ici), spectacle de l’humoriste complètement cramé Aymeric Lompret ou de la pianiste -ou plutôt claviériste- Hania Rani… De notre côté, on s’est laissé tenter par le parcours ‘Random’ : arrivé au point de rendez-vous, on est mené dans une allée jonchée de verdure, puis on arrive sur le toit d’un parking silo. Là se trouve une très grosse enceinte toute blanche et taguée. Et comme on s’en doutait au vu de l’intitulé du parcours, c’est Eddy de Pretto qui débarque ! L’occasion pour lui de jouer une heure et de dérouler ses succès, de « Kid », « Fête de trop », « Neige en août », à « Parfaitement », « Créteil Soleil« , « Désolé Caroline » et même une exclu intitulée « Love and Tendresse »… Avant de retourner dans son van pour s’éclipser. Moment incroyable et privilégié, qu’on a pu capter en vidéo :
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Dans le prolongement des Parcours Secrets, les Nuits Secrètes ont réservé quelques surprises aux festivaliers : c’est comme ça qu’on s’est par exemple retrouvé un après-midi, dès 15h devant l’estafette de la scène Oasis, pour profiter d’un DJ-set de Fakear qui n’a, à aucun moment, été annoncé sur le line-up. Venu répondre à l’invitation de Pioche! pour aborder de son engagement écologique -dont il a également parlé sur le plateau de Tsugi Radio-, il a prolongé le plaisir avec un set bourré d’influences diverses : de la disco-house proche du boogie nigérian, à des tracks plus énervées sur basses bien grasses.
Le festival a su gâter ses campeurs : en effet on sent que certain-e-s artistes ont été programmés tôt pour réveiller les pensionnaires du camping Nuits Secrètes. Avec Fakear donc, avec les danses reggaeton et les rythmes caliente de Perreo Supremo ; ou encore la prestation de Die Klar et DJ Kwamé de La Darude, sous le hangar de la scène Eden : de la trance/eurodance qui tache dès 16h, en samplant autant Alizée (« Gourmandises ») que Benny Benassi (« Every Single Day ») avant de poser des kicks lourds et de jouer à 185 bpm. De quoi réveiller les campeurs, finalement ! Ils auront aussi eu droit à une session de Yoga Bière [photo ci-dessus], à un cours d’aérobic avec Johnny & Walace, ou encore au concept génial de Karaokay Live : même principe qu’un karaoké classique, sauf que les chanteurs-euses d’un soir sont ici accompagnés par un vrai bon groupe, qui propose des réarrangement rock des grands tubes. D’Angèle, Dalida et Téléphone à Britney, Johnny et Manau. Là encore, belle communion avec le public.
Grandes dames pour grands lives
Parmi les prestations les plus marquantes de cette édition de Nuits Secrètes, un trio de tête se dégage. En tout cas dans nos coeurs. Si on est resté sur le même goût de platitude et d’inachevé devant le live d’Angèle, que lors de son passage à La Magnifique Society en juin dernier… On a de nouveau été très charmé par la prestation de Sabrina Bellaouel, bien différente de ce qu’elle propose en studio, mais tendrement efficace. Mais le trio dont on veut vous parler, c’est un inédit Romy-Pomme-Fishbach !
À l’Eden, on ne s’attendait pas forcément à se faire cueillir par Romy. Désormais pleinement émancipée de The XX, la Britannique a débarqué à Aulnoye pour un DJ-set dimanche soir, parfait pour accompagner la presque-fin du week-end. Enjoué mais pas énervé, ce set nous a fait du bien. Entre des rythmiques house, des voix féminines pleines de soul qui se baladent et kicks qui tapent un peu plus dur. Juste ce qu’il faut pour nous mettre l’eau à la bouche, reste plus qu’à attendre septembre pour la sortie de son album.
Elle aussi sous « l’aquarium de l’Eden » (c’est elle qui le dit), Fishbach est revenue pour la troisième fois à Nuits Secrètes. Pour ça, elle est d’ailleurs très reconnaissante. Elle livre un show élégant tout en flegme et en voix droite, sur des titres aussi beaux que normalement inchantables (« Mortel », « Démodé », « Masque d’or », « On me dit tu »). Le tout dans une énergie rock assez folle et avec beaucoup d’humour entre les chansons: la palme reviendra à son intervention quand elle demande à la régie d’enlever la reverb en disant « Rends-moi sèche. C’est le public qui va me faire mouiller ». Et on a l’impression qu’elle utilise sa voix comme une arme… Qui en tout cas nous transperce toujours, live après live. Et elle a continué plus tard sur une autre scène, à l’Oasis, pour un DJ-set complètement différent de ses chansons, et complètement libéré : en témoignent ses remixes de Carmina Burana et du « Push Up » de Creeds (pour le très grand plaisir des festivaliers, merci TikTok).
Dernier élément du trio, Pomme évidemment. C’est logiquement elle a le plus collé à l’esprit et aux valeurs du festival : partage, communion et bienveillance. Sur une scène jonchée de champignons, Pomme et sa bande nous ont encore offert un très beau moment de live, tendre et emprunté, comme on vous le racontait à We Love Green. C’est toujours très fort de voir la dimension qu’a pris cette artiste et ce projet de chansons minimalistes, et qui mérite amplement le grand succès qu’elle rencontre aujourd’hui. Au-delà des chansons, qui nous prennent toujours par les sentiments, c’est la tendresse de ses interventions, des chorégraphies et du lâcher de bulles pour le grand final. Pendant son passage, elle n’a pas arrêté de demander à l’assistance si tout le monde allait bien… Une volonté de safe place évidente, et on en avait certainement besoin.
La claque
L’une des très très bonnes surprises du week-end a un nom : Lydsten. Le projet est tout jeune, ce producteur ne vit pas encore de sa musique (même pas du tout) mais le natif du Nord a envoyé un live d’une incroyable violence salvatrice. Habitué à l’electronica en studio, il se révèle bien plus incisif en live : c’est progressif avec beaucoup de groove, des boucles qui se répondent et prennent de l’épaisseur, et des kicks bien profonds pour soutenir le tout. Le public ne s’est pas trompé et s’est vite rameuté devant la scène de La Station. Le live est très complet, les basses s’incrustent sous notre peau… Bref après son passage, on a eu besoin d’un petit sas de décompression. C’est les émotions.
Ecoutez-le parler de son projet sur Tsugi Radio, aux côtés de Zaoui et Fakear :
Sur ce week-end on aura vogué entre les scènes pour écouter la mythique formation sénégalaise d’Orchestra Baobab, la folie désorganisée de Dimension Bonus (ex-Salut C’est Cool), H Jeune Crack, Ravage Club, Gazo, Partiboi69, la puissance géniale de Train Fantôme (pour pogoter, c’est ici), les lunettes de vitesse et frange à la serpette d’Aimé Simone, La Femme, Tamino, le boss de la ‘high tech minimale’ Boris Brejcha… Mais aussi le live toujours aussi fou d‘Acid Arab, ou encore Ben Böhmer, qui nous a donné l’occasion de rencontrer le fan le plus hardcore et mignon du producteur allemand (on vous conseille la vidéo dudit fan, assez exceptionnelle)
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C’est donc un festival unique dans le Nord au coeur de l’été, qu’on a vécu grâce à Nuits Secrètes. Plein de surprises et de grands lives/DJ-sets mais surtout plein de bienveillance, de partage et de communion. Merci aux artistes, à la team LNS, aux bénévoles et la sécu. Et merci au public, à son enthousiasme et à sa bienveillance. Un week-end qui fait pas mal de bien et qui redonne aussi, quelque part, foi en l’être humain.
Pire moment : Angèle, malheureusement. Cette nouvelle formule de live nous déçoit autant qu’on aime (ou a aimé?) la Belge
Meilleur moment : certainement Lydsten, tant la claque fut grande