Interview : Jacob Lusk de Gabriels, confiance en soi et gospel pur 🎙️
Avant la sortie du premier album -en version complète et dĂ©finitive- de Gabriels, intitulĂ© Angels & Queens et prĂ©vu pour le 7 juillet prochain, on a discutĂ© avec son chanteur emblĂ©matique Jacob Lusk. Avec lui on a parlĂ© du trio bien sĂ»r, de son parcours, de ses premières amours musicales, de confiance en soi, de liens du sang, ou encore d’Elton John et Juliette Armanet.
Ă€ chaque fois qu’on les a vus dans les festivals de ce dĂ©but d’Ă©tĂ©, c’Ă©tait pour nous l’un des grands moments du week-end. Que ce soit Ă We Love Green ou sur les planches du VYV Festival. Gabriels, c’est un trio composĂ© de Jacob Lusk, chanteur gospel originaire de Compton ; le pianiste britannique Ryan Hope, Ă©galement rĂ©alisateur de films reconnus ; et enfin un compositeur de bande originale de film de formation classique, le violoniste de L.A. Ari Balouzian -les deux derniers Ă©tant producteurs et compositeurs. Ils nous avaient tapĂ© dans l’oeil dès les premiers EP, sortis respectivement fin 2020 puis fin 2021 sans susciter le fracas mĂ©diatique -en tout cas en France- qu’ils auraient sans doute mĂ©ritĂ©. Love and Hate in a Different Time et Bloodline, pour neuf titres qui prouvaient dĂ©jĂ beaucoup.
Il y a d’abord cette voix, Ă©videmment. Superbe et enveloppante, teintĂ©e de nuances. CĂ´tĂ© instrumentations c’est plein de soul, de jazz, de pianos clairs parfois macabres, de mĂ©lodies qui nous frappent et de violons qui gueulent. C’est intelligent dans les structures, c’est fait avec parcimonie. C’est prĂ©cis, juste. Et on a le sentiment que ça s’accompagne de beaucoup d’exigence, et d’un goĂ»t certain pour le grandiose.
Alors on a voulu discuter avec Jacob, juste avant la sortie du nouvel album de Gabriels.
Aussi loin que tu te rappelles, quel est ton premier souvenir de musique ?Â
Certainement Ă l’Ă©cole ! J’avais une professeure qui nous chantait des chansons en s’accompagnant au piano. C’Ă©tait vraiment cool. Et mon père a aussi fait de la musique, donc j’ai grandi dans cet environnement.
La première fois que tu es tombĂ© amoureux d’un-e artiste ou d’une voix ?
Ça devait ĂŞtre Whitney Houston dans The Preacher’s Wife (La Femme du pasteur). C’est sans doute lĂ , la première fois. Le film est spĂ©cial, j’Ă©tais jeune j’avais quoi? 10 ans, peut-ĂŞtre moins. Il y avait ce quelque chose de magique avec elle tout au long du film.
Quels artistes/projets ont constitué/forgé ta culture musicale ?
Il y en a tellement ! Tina Turner, Ă©videmment Whitney… Il y a Mariah Carey, Aretha Franklin. Et la liste continue encore et encore et encore. Je pense qu’elles amènent toutes quelque chose d’unique et de diffĂ©rent. Il y a toujours de quoi s’inspirer, dans tout et chez tout le monde.
Tu as fait American Idol il y a dĂ©jĂ quelques annĂ©es : qu’est-ce que ça t’a apportĂ©, en tant qu’artiste et en tant qu’humain ?
J’ai appris Ă ne jamais faire de compromis sur soi. J’Ă©tais jeune, j’avais très peur, je n’avais jamais Ă©tĂ© confrontĂ© Ă autant de public. Tout est allĂ© très vite. Mais il y a une chose que j’aurais aimĂ© faire autrement : j’aurais aimĂ© ĂŞtre plus fidèle Ă ce que je suis, sans avoir peur. Ă€ cet âge tu ne sais pas encore vraiment qui tu es. Je me cherchais. Si j’ai appris quelque chose, c’est de toujours ĂŞtre moi-mĂŞme.
Quelles sont les influences-clés chez Gabriels, celles qui vous définissent le mieux en tant que groupe ?
Les gars aiment beaucoup Nick Cave, on a quelques influences communes : Turner, Franklin…
Parce que vous avez des passés personnels très différents. Quel est le lien commun, ce qui vous réunit en tant que musiciens ?
Ce qui nous a rĂ©unis, c’est notre amour pour la musique. Je pense qu’on n’a jamais cru qu’on pourrait devenir ce qu’on est aujourd’hui. C’Ă©tait plutĂ´t un dĂ©lire de copains qui se disent « ok on fait ça pour rigoler »! On n’a jamais essayĂ© de ressembler Ă quelqu’un. On aimait simplement la musique, donc on a commencĂ© Ă en faire ensemble.
Comment avez-vous commencé à faire de la musique, tous les trois ?
Ryan est rĂ©alisateur, il a rencontrĂ© Ari il y a longtemps. Ils voulaient faire de la musique ensemble : il ont eu l’idĂ©e d’un projet pour lequel ils avaient besoin d’une chorale. Au mĂŞme moment, ma tante m’a demandĂ© de diriger le chĹ“ur de notre Ă©glise pour une audition… Le chĹ“ur a Ă©tĂ© engagĂ©. Ryan et Ari m’ont trouvĂ© lĂ , m’ont proposĂ© de bosser avec eux… et je n’Ă©tais pas tellement intĂ©ressĂ© (rires) Je voulais simplement aider les gens de l’Ă©glise.
Et de fil en aiguille, ils m’ont retrouvĂ©, m’ont de nouveau proposĂ© qu’on travaille ensemble. On s’est vus par petites touches… Et puis Ryan m’a demandĂ© de venir avec eux quelques jours, dans un studio dans le dĂ©sert. On a commencĂ© Ă faire de la musique, et on ne s’est jamais arrĂŞtĂ©s depuis.
Comment vous composez ensemble ? Comment ça fonctionne ?Â
Le process change, mais la seule chose essentielle c’est qu’on soit tous dans la mĂŞme pièce. Parfois Ryan et Ari viennent avec une mĂ©lodie, parfois j’arrive avec une idĂ©e de chanson… On se rassemble, on mĂ©lange nos idĂ©es, on en discute. Si on aime tous l’idĂ©e, on avance avec ! Si on trouve ça moyen, on la laisse tomber.
Vous avez jouĂ© au Festival de Cannes, la chanson c’Ă©tait « Stand By Me » de Ben E. King : comment ça s’est passĂ© ?Â
C’Ă©tait incroyable. Le festival nous a demandĂ© de jouer cette chanson, comme… Une façon d’espĂ©rer un peu plus d’unitĂ©, parce que le monde est vraiment devenu fou. C’Ă©tait un moment superbe. On entend souvent les gens parler de Cannes. De voir ça en vrai et que ce soit exactement comme on te l’a racontĂ©, c’Ă©tait vraiment très spĂ©cial.
La performance Ă©tait incroyable. Il y avait un parterre de cĂ©lĂ©britĂ©s, donc c’Ă©tait un peu intimidant, de laisser son regard se balader et de tomber sur Johnny Depp… Leurs regards Ă©taient intenses. J’espère qu’ils ont aimĂ©, je n’en sais rien. Mais ça avait l’air de leur plaire, la nuit a Ă©tĂ© gĂ©niale… C’est un souvenir que je garderai toujours.
Comment Ă©tait le public ? Parce qu’on imagine le cĂ´tĂ© guindĂ© de ces cĂ©rĂ©monies…
Les gens dans le public Ă©taient très timides. Je ne savais pas s’ils aimaient ce qu’on faisait, ils Ă©taient terriblement silencieux ! Alors j’ai fermĂ© les yeux et je me suis dit « On y est maintenant, alors ferme les yeux et chante ! » Et c’est ce que j’ai fait.
Si tu avais une phrase Ă retenir, dans une chanson de Gabriels, ce serait laquelle ?
Je pense que c’est dans la chanson « Bloodline », quand je chante « Bloodline, don’t let it destroy you ». Beaucoup d’entre nous sont nĂ©s dans des situations et circonstances diffĂ©rentes… J’ai rĂ©cemment vu une vidĂ©o sur TikTok qui disait « Alcoholism ran in my family until it ran into me ». C’est pas parce que tu tiens quelque chose de ta famille, que ça va forcĂ©ment te reprĂ©senter. Si ma mère est mĂ©decin, je ne vais pas forcĂ©ment devenir mĂ©decin. Juste parce que mon cousin et mon neveu sont alcooliques, la suite logique c’Ă©tait que je le devienne moi aussi ? Tu n’es obligĂ© de rien, tu n’es condamnĂ© Ă rien. Tu peux choisir d’ĂŞtre diffĂ©rent.
Qu’est-ce que tu ressens quand tu es sur scène ? Comment tu te sens ?
Je me sens vivant, bien, j’ai l’impression que je fais ce que je suis censĂ© faire.
Et qu’est-ce qu’on ressent quand des grandes chanteuses comme Celeste, ou des lĂ©gendes vivantes comme Elton John, disent qu’ils aiment votre musique et votre travail ?
C’est un honneur. Tu te sens « validé ». On se dit qu’on est sur le bon chemin, qu’on a peut-ĂŞtre trouvĂ© sa voie. C’est Ă©trange d’avoir un artiste aussi gros avec toi. Un matin j’ai reçu un appel venant de Grande-Bretagne, et je me demandais qui appelait si tĂ´t. « Oh mince, c’est Elton John ». C’Ă©tait si excitant sur le moment, et j’ai mĂŞme fait une interview Ă ses cĂ´tĂ©s. Maintenant, j’ai les numĂ©ros de ces gens dans mon rĂ©pertoire… Et oui, c’est plutĂ´t cool.
Dans l’Ă©dition deluxe de l’album qui sort en juillet, il y aura un remix* de ‘Love and Hate in a different time’. Tu as pu l’Ă©couter, tu peux nous en parler ?
* Par Greg and Che Wilson remix
Je l’ai Ă©coutĂ© bien sĂ»r ! C’est une nouvelle approche très cool de la chanson, et c’est parfait parce qu’on voudrait que notre musique aille partout oĂą elle sera reçue et acceptĂ©e. Ce remix nous introduit auprès d’un autre public, auprès d’une autre partie du monde musical.
Dans la nouvelle version de l’album, il y a cinq nouvelles chansons, mais que vous jouez dĂ©jĂ en live. Qu’est-ce qu’elles racontent sur Gabriels ?Â
Je pense qu’elles sont un peu plus « fun ». « Glory » est sans doute ma prĂ©fĂ©rĂ©e : elle raconte que mĂŞme si ça ne va pas trop en ce moment, si tu es down, fais avec ce que tu as. Je pense qu’on a tous Ă©tĂ© dans des situations oĂą on n’avait pas tout ce que l’on voulait, ou tout ce qu’il nous fallait pour accĂ©der Ă nos objectifs. Mais on a dĂ» faire avec ce qu’on avait, pour faire beaucoup avec peu. Ça fait partie de ces histoires oĂą tout le monde peut s’identifier.
Quel sont vos prochains objectifs ?
Conquérir le monde (rires) ! Simplement faire plus de musique, continuer à voyager, faire des tournées, être sur scène.
Des artistes avec qui vous voudriez travailler / faire de la musique ?Â
Il y en a tellement. J’aimerais un jour travailler avec Beyonce, avec Adele… Et oui, il y a une artiste française avec qui j’adorerais travailler. Je crois que son nom c’est Juliette…
… Armanet ?
Oui c’est ça ! Et dĂ©solĂ© (rires) On a fait un Taratata ensemble, elle est incroyable. Une artiste et performeuse gĂ©niale. Ça serait bien qu’on puisse travaille avec elle un jour !
Qu’aurait Ă©tĂ© ta vie, si tu n’avais pas fait de musique ?
Je serais probablement devenu professeur ou mĂ©decin. C’est ce que je voulais faire quand j’Ă©tais petit, pour ĂŞtre utile et aider les gens.
Un dernier mot avant de se quitter ?
Allez checker le nouvel album Ă sa sortie, je suis vraiment reconnaissant pour l’opportunitĂ©. Heureux que des gens Ă©coutent notre musique. Je ne prends rien de tout ça pour acquis, jamais. J’ai conscience qu’il existe beaucoup de gens qui Ă©crivent et/ou chantent mieux que moi. Je sais que je fais partie des chanceux.
Rendez-vous le 7 juillet pour la sortie de l’album Angels & Queens, via Atlas Artists/Parlophone Records. Et il vous reste un mini-crĂ©neau pour voir Gabriels sur scène : ils seront notamment au Montreux Jazz Festival (30 juin) et Ă©galement au Nice Jazz Festival (18 juillet). Ne les laissez pas re-traverser l’Atlantique sans les avoir vu jouer.