En direct de Marsatac 2016
Un vendredi hip-hop et bass music, versus un samedi électronique : pour fêter sa majorité, Marsatac a décidé de séparer clairement ses deux univers pour une édition « entre chiens et loups »… Ce qui avait de quoi rendre sceptique. Le public ne risque-t-il pas d’être hyper différent d’un soir à l’autre ? Est-ce qu’on ne se lasse pas rapidement d’une soirée monomaniaque ? Eh bien non, au contraire : se réserver un vendredi soir pour des concerts de légendes hip-hop, pour ensuite se défouler samedi (et souffrir comme il faut dimanche), c’est à peu près l’idée qu’on se fait d’un week-end parfait après ces deux jours à Marseille. Feuille de route, en deux temps, d’abord chiens, puis loups – à moins que ça ne soit l’inverse ?
Vendredi : la révélation KillASon, Chinese Man à domicile et passion Wu-Tang
Le temps de débarquer de Paris et de manger un super bon repas dans un resto du coin (le Longchamp Palace, on recommande !), et c’est déjà l’heure de rejoindre la Friche La Belle de Mai. Ce n’est pas la première fois que le festival investit ce lieu aux décors industriels, nombreux escaliers et détours, et ça lui va drôlement bien : projections du teaser « entre chiens et loups » sur plusieurs grands murs, installation complètement trippée signée Burn, lumières disposées sur tous les échafaudages disponibles… Entre Marseille et Berlin, la Friche est un bien bel écrin.
Trêve de visite, déjà les premières notes du concert d’Odezenne résonnent à la Cartonnerie. « Vodka », « Tu Pu Du Cu », « Je veux te baiser » (« classé numéro 1 dans l’Etat Islamique », blague le groupe)… Leurs morceaux les plus connus fonctionnent très bien, les lumières sont impeccables et la foule s’échauffe doucement. Car les Marseillais sont surtout venus en masse pour applaudir les enfants du pays : les Chinese Man, exceptionnellement accompagnés des impeccables MCs Tumi et Youthstar. Une vraie communion, que ce soit sur une version dub de « Racing With The Sun », avec son équivalent dubstep et drum’n’bass, sur le bien connu « I’ve Got That Tune » ou quand des danseurs débarquent sur scène pendant « Ronin ». Quiconque étant un chouia habitué à Solidays a déjà dû voir les Chinese Man un bon paquet de fois. Et pourtant, jamais on ne les a trouvés aussi bons qu’à cette édition de Marsatac.
Raekwon. Crédit : Florian Gallene
Mais l’événement de ce soir nous vient de bien plus loin et s’appelle Ghostface Killah & Raekwon. Oui oui, du Wu-Tang Clan. Les deux n’ont pas lésiné sur les grands classiques (à l’image de « C.R.E.A.M. », repris en choeur par le public), le DJ est ni trop présent ni effacé… Des battles de danse hip-hop éclatent même spontanément à l’arrière de la salle ! L’apothéose. Tout le monde est en nage, les yeux brillants. A croire que les loups se trouvent plutôt au premier rang des concerts hip-hop, tandis que les mignons petits chiens s’amuseront le lendemain avec de la techno. Et ce n’est pas le charismatique KillASon qui nous fera dire le contraire, seul sur scène, enchaînant rap, chant (sans autotune, merci) et pas de danse singuliers – on dirait du voguing complètement naturel, ce qui est un petit exploit en soi.
Samedi : Agoria en back-to-back avec Louisahhh, Richie Hawtin en prophète et Comah plaisir coupable
Après un tel vendredi soir, on se dit que c’est déjà tout cuit : c’est sur le hip-hop que Marsatac a tout raflé cette année. Mais on s’est peut-être un peu trop précipité. Car ce samedi électronique était un bonheur pour les yeux et les oreilles. Pour les oreilles d’abord, avec un set « pas préparé » d’Agoria en B2B avec Louisahhh, une formule déjà testée au Panoramas Festival. Un set généreux et fin : personne ne tire la couverture à lui mais les deux n’oublient pas non plus d’être efficaces non plus. Qu’est-ce que ça doit être quand ils préparent ! Dans un autre registre, Flavien Berger nous aura également gâté, chantant son « Tresor » assis au milieu de la foule. Mais aussi plaisir pour les yeux, avec Richie Hawtin en live. Il a la lumière dans le dos de sorte que sa silhouette toute fine se dessine en ombre chinoise. Les bras écartés, chaque main sur un clavier, derrière lui un écran diffusant en direct les images déformées de ses bidouillages électroniques… Le « prophète » en est hypnotisant, même si un peu trop linéaire musicalement. Du linéaire, il y en a surtout du côté de MSTRKRFT. Penché sur ses machines, le duo délivre une heure de live-qui-tape, sans trop de finesse ni de temps de repos pour le danseur. On quitte ce gras shoot de testostérone pour retrouver French 79, bien plus aérien, accro au nappes et profondément feel-good. Tout le festival semble s’être donné rendez-vous dans le petit Cabaret Aléatoire pour l’écouter – à raison.
Crédit : Sih Moon
Chez Chris Liebing aussi, il y a du monde. A tel point que les vigiles sont obligés de bloquer la foule à l’entrée du Club, dont la jauge est limitée à 1900 personnes. Ca râle bien sûr un petit peu, mais finalement la situation est réglée un quart d’heure plus tard. C’est le seul moment du week-end où on a vraiment eu conscience qu’il y a une organisation derrière tout ça : quand tout roule, aucune raison d’y penser. Quoiqu’au Cabaret Aléatoire, sur les coups de 3h15, les pompiers ont l’air d’être un peu en panique. La petite salle est bondée, et une bonne partie du public a l’air d’être victime d’une crise d’épilepsie accompagnée de gros cris sourds. Sauf que tout normal… C’est juste Comah qui commence. Alors oui bien sûr, il y a plus subtil que les sets du jeune Français. Mais rarement plus jouissifs aussi. Et c’est une meute qui hurle une heure plus tard. Certains finiront la nuit devant Marcel Dettmann, mais nombreux sont ceux qui iront se coucher : c’est éprouvant d’être un loup pendant deux jours.
Meilleur moment : regarder Agoria et Louisahhh, quasiment les premiers Djs du week-end à montrer à quel point ils kiffent.
Pire moment : chercher un bon spot à la Cartonnerie qui, quand elle n’est pas pleine, embête un peu les oreilles avec de l’écho.