Bottes de pluie et summer of love : Astropolis, deuxième jour
Mais comment faire ? Comment négocier la nuit quasi-blanche qui nous attend alors qu’on compte notre temps de sommeil en minutes ? Comment trouver le sentier étroit qui mène au happy end ? On n’a pas de solution concrète mais il existe a deux ou trois astuces médicinales issues de temps immémoriaux pour réussir un samedi d’Astropolis à la cool même dans les pires conditions physiques.
On ne vous a jamais dit que l’huile essentielle de menthe poivrée avait une action bénéfique sur le mal de tête et possédait des vertus antibactériennes ? Il se dit même que déposer deux gouttes derrière la langue peut aider à appréhender un set de techno industrielle en plein après-midi dans la pelouse sans avoir l’impression de se dissoudre dans le néant. Caler l’énervée AZF en headline de Beau Rivage, la fameuse scène gratuite du samedi après-midi surplombant le port de commerce de Brest ainsi que sa sensuelle rade en arrière-plan, il fallait oser. Surtout après Maud Geffray, surtout après des années d’après-midis plutôt chill-house, et, boudiou, surtout après la veille ! Heureusement qu’on aime la TB-303 et qu’on a le palpitant solide, et c’est visiblement le cas des centaines de personnes agglutinées sur les pelouses adjacentes, qui font péter le compteur d’affluence de l’histoire de Beau Rivage. Et puis après une bonne heure à ce régime, la conclusion s’impose d’elle-même : en fin de compte, c’est parfait pour manger des bâtonnets de carotte avec du ktipiti, cette musique.
On ne devrait pas donner l’info, mais mine de rien, les festivaliers d’Astropolis sont prévoyants. Et achètent en avance leur ticket pour prendre la navette jusqu’au Manoir de Keroual, ce que, évidemment, nous avons omis de faire. Ce qui nous a permis de griller l’énorme file d’attente côté « billets déjà achetés ». Autre astuce, peut-être ne pas commencer par Plaid si le but est de redémarrer la chaudière auditive, même si cette introduction au tunnel de merveilles auditives de la soirée est plutôt cool pour ceux qui ne paient pas leur dette de la veille. Sobre, humble et assez intime, le duo ne révolutionne rien (passé l’âge) mais se perfectionne visiblement avec le temps. La vraie entame viendra avec notre première pinte d’amour de la soirée, tirée personnellement par Kerri Chandler à chacun de ses clients du soir. Et pas qu’avec de la deep house, loin de là ! À ce stade, tous les niveaux sont au vert, il va donc bien falloir se mettre un minimum en péril.
Après un petit coucou aux potes Blutch et Cuthead sur la sous-estimée scène tremplin (on sait que ça sonne ringard, mais sérieux, cherchez un festival bankable en ce moment qui se prend la tête à organiser une scène entière pour faire jouer ceux qui le méritent), on sort le calepin pour s’apprêter à noter les conseils en bûcheronnage de Venetian Snares. Foutu pour le tuto, le Canadien réussissant la prouesse de pondre une prestation modulaire sans aucune caisse claire (« snare » en anglais, donc), sur-technique, sur-barré, sur-tout. En fait, impossible de savoir comment on a tenu une heure sans se manger les doigts de pieds, et en même temps, ça ressemblerait presque au meilleur moment de la soirée. Perturbant. Techno ensuite avec Len Faki, et une invitée surprise que personne n’avait listé en all access : la pluie, qui ne s’arrêtera de tomber qu’une fois le son coupé (forcément). Le public choisit donc naturellement les scènes à chapiteau qui deviennent compliquées à pratiquer, avec l’effet secondaire bénéfique de faire bouger les clubbers vers la scène chill, autre secret bien gardé de la carte aux trésors.
Si Emmanuel Top, trop longtemps absent du game, tenait un potentiel moment magique qu’il peine à transformer, c’est – encore, bah oui – Manu le Malin qui, en bon Stark qu’il est, assure un set hardcore radical et pas ringard pour deux sous (pour ceux qui doutent : c’est possible). De la boue, des gadins et des masques hydratants improvisés, pour les milliers de loustics qui arpentent les sentiers de Keroual, ça a l’air de se passer correct. La Cour, redevenue praticable à cette heure désormais matinale, revêt la robe du dimanche qui lui va si bien chaque année, celle de parfaite orchestratrice des ultimes moments du festival. À Agoria (rien à redire) et Maceo Plex (pfff), on préférera rester dans ce havre de paix à scotcher sur les lasers pendant le live de Trunkline (le projet de Madben et Yann Lean, suivez un peu bordel) et le DJ-set de Saint Andrew (Weatherall), qui fait admirablement son boulot. L’amour circule toujours, même à 8h du matin sous la flotte.
En fait, l’ultime conseil qu’on puisse donner pour atteindre la ligne d’arrivée en un seul morceau, c’est de croire que ça va mieux se passer si on abandonne en cours de route. Car Astropolis se met à poil lorsqu’il fait jour. Et si ce matin, le ciel était humide et venteux, on n’a pas pu lui en vouloir bien longtemps : impossible de se rappeler de la dernière année un peu ghetto niveau météo, même en brainstormant sur le sujet avec les organisateurs. Preuve que, même si personne n’est à l’abri d’un rhume à Brest, ce festival est né sous une bonne étoile.
Meilleur moment : celui du premier contact (et des mille autres qui suivront) avec tes potes recroisés par hasard devant l’Astrofloor ou la Mekanik, devenues des maisons de vacances depuis le temps. « Putain, encore debout ! ».
Pire moment : celui du premier contact entre l’eau et tes chaussettes.