La flambée des cachets va-t-elle tuer les festivals ?
Moins de gros noms, plus d’artistes français. À l’heure où beaucoup de festivals ont annoncé leur programmation pour l’été, c’est la tendance qui se dessine. Elle fait écho à l’enquête que nous avions publiée en novembre dernier sur la hausse des cachets des artistes. Plusieurs programmateurs et directeurs de festivals nous avaient alors expliqué que cette inflation les contraignaient à ne plus pouvoir viser certaines têtes d’affiche internationales et à se diriger vers un modèle décroissant.
Quatre mois plus tard, le constat n’a pas changé pour Benoît Chastenet, directeur du festival Ecaussystème, dans le Lot : « L’inflation est encore et toujours une réalité au plan national, mais plus encore à l’international où les cachets demandés deviennent démesurés. » Elle l’a poussé à travailler sur une programmation orientée vers « des propositions plus alternatives ». En espérant que le public suive. « Cette édition nous permettra de voir si cet axe est le bon, ou s’il convient d’en définir un autre, au risque de disparaître faute d’avoir su se réinventer. » Lisa Bélageon est plus pessimiste. La coordinatrice du festival Au foin de la rue, en Mayenne, n’a toujours pas bouclé sa programmation, à cause de « difficultés face aux tarifs », mais a dû se résoudre à augmenter le prix des billets, de 35 à 40€ pour le pass jour, et de 55 à 69€ pour le pass 2 jours. Elle a reçu des commentaires négatifs. « Certains trouvent qu’on « se gave » avec cette augmentation. Visiblement, ça ne choque personne de dépenser 40€ pour un seul artiste en Zénith, mais beaucoup plus pour en voir dix en festival… »
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Cet article est issu du Tsugi 155 : L’argent fou
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La pandémie n’aura pas freiné le phénomène, bien au contraire. Un an après la reprise des concerts, les professionnels de la musique live s’alarment de voir les cachets des artistes monter en flèche pour atteindre des sommes folles. Une inflation qui menace la pérennité de plusieurs festivals et interroge sur leurs modèles économiques.
Septembre 2022. Alors que la France rentre de vacances, Christian Allex a déjà la tête tournée vers l’été suivant. Il la prendrait bien entre ses mains si celles-ci n’étaient occupées à jongler entre téléphone et ordinateur, tableaux Excel et boîtes mail. Programmateur depuis plus de trois décennies, passé notamment par les Eurockéennes de Belfort, il est aujourd’hui en charge de plusieurs festivals, La Magnifique Society à Reims, le VYV Festival à Dijon et le Cabaret Vert à Charleville- Mézières, qui a accueilli 125 000 personnes en août, venues écouter Stromae, Slipknot ou Liam Gallagher. Il n’est pas sûr d’avoir déjà vécu une rentrée si compliquée. « Je suis en pleines négociations, mais vu les attentes des artistes, je vois bien qu’il me manque au moins 25 à 30 % sur mes budgets artistiques. En gros, un artiste qui demandait 30 000 euros il y a un an en veut 80 000 aujourd’hui. » Une explosion qui le laisse amer. « La hausse des cachets existe depuis vingt ans, mais il y a eu un effet Covid. En 2021, alors qu’on ne savait pas si on allait réouvrir, tous les agents et artistes du monde nous ont dit : « On va réduire nos cachets, ne vous inquiétez pas, on sait que c’est compliqué. » Depuis, c’est une boucherie ! »
Un sentiment qu’il n’est pas le seul à partager. La hausse des cachets est le sujet qui agite tout le secteur de la musique live en France en ce moment. Celui dont tout le monde a parlé dans les coulisses du MaMA, la convention des professionnels de la musique qui s’est tenue à Paris mi-octobre. « Le point majeur » qui est ressorti du dernier congrès du SMA (Syndicat des musiques actuelles), selon sa directrice Aurélie Hannedouche. En août déjà, Jean-Philippe Thiellay, directeur du CNM (Centre national de la musique), s’en était ému lors d’une table ronde à Rock en Seine, appelant ouvertement les artistes à revenir à « plus de décence ».
Tout augmente sauf la fréquentation
Le phénomène n’a pourtant rien de nouveau. L’inflation des cachets remonte au milieu des années 2000, au moment où les ventes de disques s’effondrant, les artistes musicaux se sont tournés vers le live pour pallier le tarissement de leurs revenus. C’est à cette période que de grands groupes tels que Vivendi, Live Nation et AEG investissent le secteur, rachetant salles de concert et festivals et proposent des contrats records à des artistes pour produire leurs tournées. En France, la filière, encore très associative, presque artisanale, s’industrialise, et le nombre de festivals explose – 70% d’entre eux ont vu le jour après les années 2000. Les cachets aussi, de façon mécanique. Mais après deux ans de fermeture due à la pandémie, dans une période où tout augmente sauf la fréquentation (-18% de recettes billetterie en festival entre 2019 et 2022, chiffres CNM), ces hausses ont plus de mal à passer. « Ce qui complique la donne cette année, c’est qu’on a des coûts qui ont explosé à tous les niveaux : approvisionnements, logistique, technique, sécurité, détaille Benoît Chastanet, directeur du festival Ecaussystème à Gignac, dans le Lot. Et en face, les leviers sont moins nombreux. Dans le contexte économique actuel, il est compliqué d’augmenter le prix des places, les budgets des collectivités territoriales sont contraints, et il est également plus difficile d’aller solliciter des partenaires privés. » Aujourd’hui, la plupart des festivals ne sont rentables que s’ils vendent 95% de leurs billets, voire au-delà. Le SMA évoque même le cas d’un festival déficitaire en ayant été complet. « Il y a encore sept ou huit ans, on avait besoin d’un taux de remplissage de 65% pour équilibrer, désormais, à 95% on arrive à zéro, s’inquiète Alain Navarro, responsable du festival Pause Guitare à Albi. Ce manque de rentabilité est notamment lié aux coûts de sécurité, qui ont beaucoup augmenté ces dernières années, mais surtout à l’inflation des cachets. On ne la voit pas freiner, du coup on se pose tous beaucoup de questions sur l’avenir de nos modèles économiques. » Thomas Maindron, directeur du festival de Poupet à Saint-Malô-du-Bois, en Vendée, précise: « À l’époque, les têtes d’affiche françaises étaient à plus ou moins 80000 euros et on arrivait à avoir de belles pointures internationales pour 200000. Dorénavant, une tête d’affiche française, c’est entre 150000 et 200000 euros minimum. Les internationaux démarrent à 300000 ou 400000 euros et on arrive régulièrement au million. » Une inflation qui, selon eux, concernerait tout type d’artistes, petits comme gros. « Cette année, j’ai des artistes qui me demandent quatre fois le prix de l’an dernier », s’alarme Clément Meyère, programmateur pour les festivals parisiens We Love Green et Peacock Society.
L’effet Covid
Alors que certains organisateurs de festivals espéraient que la parenthèse pandémique permette de repartir sur des bases plus modérées, elle semble au contraire avoir accéléré le phénomène. Julien Catala, qui dirige l’agence Super!, qui produit des concerts et fait tourner en France une centaine d’artistes, souvent internationaux (Bicep, Animal Collective, Belle&Sebastian…), voit clairement un effet Covid. « Les artistes n’ayant pas tourné pendant deux ans ont besoin de gagner encore plus. Les Français ont été aidés par l’État, mais pas les artistes étrangers. » Et ce n’est pas avec le streaming qu’ils ont pu se rattraper. Les dernières données publiées par Spotify en mars ont rappelé que seule une minorité d’artistes (1%, soit 50000 à travers le monde) pouvait espérer atteindre 10000 dollars de revenus annuels via la plateforme, chiffre auquel il faut soustraire la part de la maison de disques. « La plupart des artistes se plaignent toujours de ne pas avoir assez de rémunérations sur le streaming. Le live reste clé », confirme Julien Catala.
En tant que tourneur, il pourrait se réjouir de voir les tarifs de ses artistes monter (il touche un pourcentage sur chaque cachet), mais il s’inquiète d’une tendance qu’il juge « pas saine » pour le secteur. « On essaie de représenter les artistes à leur juste prix. » Seulement, avec les artistes, et leurs managers, le dialogue n’est pas toujours évident. « On en parle avec les Français qu’on représente, et je pense qu’ils voient bien que c’est vital pour eux que les festivals français tiennent le coup. Avec les artistes étrangers, c’est plus compliqué. Déjà, parce qu’on échange moins souvent avec eux qu’avec leur agent ou manager. » Le patron de Super! s’inquiète également d’une nouvelle façon de travailler, plus spéculative. « Avant le Covid, il existait une sorte de barème informel lié au public que le groupe ramenait sur ses concerts. Par exemple, un groupe qui jouait à l’Olympia, on savait que ça équivalait à tel prix en festival d’été, un groupe qui faisait le Zénith, ça valait à peu près tant, etc. Mais aujourd’hui, pas mal de managers ou agents étrangers nous disent: on ne veut pas faire de concert, on veut juste aller dans les festivals. On est dans une sorte de bulle où le manager ne veut pas montrer combien son artiste vaut pour pouvoir demander un maximum d’argent. Moi j’aimais bien l’idée : on produisait un concert à Paris, voire une tournée en province, et du coup la valeur de l’artiste représentait vraiment ce qu’il pesait en termes de billetterie. Ça me paraissait plus sain que de le vendre sur des bases comme le nombre de streams ou d’abonnés Tik Tok, qui sont super volatiles. » Clément Meyère abonde dans son sens : « Les chiffres du stream, c’est à la fois irréfutable et biaisé. Il y a toujours une manière de montrer que ton artiste a battu un record sur tel laps de temps, telle catégorie, tel territoire, mais en réalité, ça ne dit pas quel est son potentiel de billetterie. »
« Avant, on avait des bus de tournée qui nous coûtait entre 1000 et 1500 euros par jour en moyenne, aujourd’hui c’est entre 2500 et 3000 euros. »
Angelo Gopée (Live Nation)
Hausses mécaniques et concurrence étrangère
Du côté de Live Nation, poids lourd mondial du live, représentant et organisant des concerts pour plus de quatre mille artistes, propriétaire de plus de deux cents salles et quatre cents festivals, dont Lollapalooza et Main Square en France, on estime au contraire que ces hausses sont en phase avec une réalité économique. « Depuis la pandémie, tous les coûts ont augmenté par deux ou par trois, rappelle Angelo Gopée, directeur général de Live Nation France. Avant, on avait des bus de tournée qui nous coûtaient entre 1000 et 1500 euros par jour en moyenne, aujourd’hui c’est entre 2500 et 3000 euros. Ces augmentations se répercutent sur le cachet. Les artistes français tournent dorénavant avec des scénographies beaucoup plus ambitieuses. Avant, ils venaient juste avec leurs instruments. Aujourd’hui, on le voit avec Orelsan, Stromae ou Nekfeu, ils arrivent avec de la lumière, de la vidéo, et tout ça a un coût qu’il faut bien répercuter sur le cachet. Et les artistes anglo-saxons étant devenus très chers, les festivals se tournent de plus en plus vers les Français. Le souci, c’est qu’ils veulent tous les mêmes artistes, mais un artiste ne peut pas faire physiquement plus de quarante festivals d’été. Alors que se passe-t-il ? Ceux qui ont les moyens surenchérissent au détriment des autres. Et forcément, à moins qu’ils aient des accointances ou une histoire avec un festival, les artistes vont choisir ceux qui leur proposent le plus d’argent. C’est normal, ils sont là pour gagner leur vie. »
Christian Allex ne le contredit pas : « Je pense que ce qui fout en l’air notre bazar, ce sont les coûts de production. Les artistes français tournent avec des scénographies hyper cools, mais ça leur coûte une blinde. Et le marché des festivals leur fait un bien fou, parce que ça leur permet d’amortir ce qu’ils ont investi sur les tournées. Ils sont aussi sur un équilibre fragile. » Une pratique qui a tendance à l’irriter, cependant. « Avant, ils faisaient une tournée de festivals une année, et l’année suivante ils partaient en salle. Quand je les avais en festival, je profitais pleinement de leur billetterie, et puis ils faisaient une quinzaine de dates. Maintenant ils en font une trentaine, voire une cinquantaine, calées avant et après l’été. En festival, ça ne fait pas le remplissage escompté. Normal. » Pour remplir, assure-t-il, rien ne vaut une grosse tête d’affiche étrangère – « Metallica ou les Red Hot Chili Peppers, tu es sûr de vendre très vite 40000 billets » – mais elles sont de moins en moins accessibles pour la France. « La plupart des festivals européens sont capables d’offrir beaucoup plus d’argent que les festivals français, pointe Angelo Gopée. Aujourd’hui, il y a des festivals en Europe de l’Est avec des moyens colossaux. Ils ont des marques d’alcool, de cigarettes, de gros sponsors qu’on n’a pas, des jauges de cent mille personnes avec des pass jours à près de 100 euros. Ils peuvent proposer le double ou le triple des offres françaises. »
Contenir l’augmentation du prix des billets
Pour l’été prochain, les organisateurs de festival savent d’ores et déjà que leurs marges de manœuvre seront faibles. Elles passeront sans doute par une augmentation du prix des billets. « On va y être obligé, concède Christian Allex. On a toujours voulu rester sur des coûts inférieurs, parce qu’en France on a toujours considéré qu’un festival devait être une sorte de service public. Sauf qu’on est des entreprises privées, même si pour certains il y a des subventions derrière. On a 30% de retard sur ce que devrait être le prix des billets aujourd’hui. Malheureusement, ce n’est vraiment pas la bonne période pour augmenter. » Les exemples récents du Hellfest, qui a dépensé 17 millions d’euros sur sa dernière programmation, et qui vient de faire monter le prix de son pass quatre jours de 289 à 329 euros, sans incidence sur ses ventes (cinquante-cinq mille sésames écoulés en un peu plus d’une heure, sans aucun nom annoncé), et de Rock en Seine, qui a fait le plein cet été avec des pass jours à 69 euros, montrent pourtant que c’est envisageable. Mais il s’agit de cas particuliers, bénéficiant d’une thématique bien spécifique (le metal pour le Hellfest) ou de très grosses têtes d’affiche (Kraftwerk, Nick Cave, Arctic Monkeys et Tame Impala pour Rock en Seine). Pour les événements intermédiaires généralistes, cela semble moins évident, d’autant ce n’est pas forcément leur souhait, comme l’indique Aurélie Hannedouche, la directrice du SMA, qui compte comme adhérents une centaine de festivals. « Tous les agents internationaux nous disent: « Pourquoi vendez-vous vos places si peu chères ? » Mais il y a une vraie volonté de ne pas aller au-delà de 50 euros pour un pass jour. Pour une famille de quatre, ça fait déjà 200 euros, sans parler de la nourriture, voire du déplacement et du logement. On n’a pas envie d’aller vers une culture élitiste. »
« Notre tête d’affiche de 2022 nous a coûté deux fois plus cher que celle de 2019. si on ne suit pas cette inflation, cela impacte notre fréquentation. »
Lisa Bélangeon (Festival Au foin de la rue)
Autre levier pour encaisser la flambée des cachets : jouer sur la répartition du budget. C’est l’option envisagée par le festival Musicalarue, situé dans le village de Luxey, dans les Landes. « Pour nous, il est vital d’avoir des têtes d’affiche, développe Bastien Perez, son directeur (cet été, il s’agissait d’Angèle, Bernard Lavilliers et Ibrahim Maalouf). Je ne vais sans doute pas aller jusque-là, mais potentiellement, sur quatre-vingt-dix artistes, si j’en enlève vingt à 2000 euros, ça me permettra de sortir 40000 euros dont je pourrais avoir besoin pour boucler une tête d’affiche qui assurera ma billetterie. » Ne plus miser sur les têtes d’affiche, le petit festival Au foin de la rue, situé à Saint-Denis-de-Gastines, en Mayenne, s’y est essayé et en a subi les conséquences. « De 2016 à 2019, notre budget programmation n’avait pas évolué, raconte sa coordinatrice Lisa Bélangeon, quitte à ne plus programmer certains artistes. Mais dès 2018, on a constaté une baisse de fréquentation, qui a été vraiment importante en 2019, et nous a obligés à réaugmenter ce budget. Notre tête d’affiche de 2022 nous a coûté deux fois plus cher que celle de 2019. On voit que si on ne suit pas cette inflation, cela impacte notre fréquentation. »
Un constat qui agace Angelo Gopée, dont l’entreprise, connue pour avoir dans son roster des superstars internationales type Kendrick Lamar ou Depeche Mode, représente aussi beaucoup d’artistes en développement. « Si les artistes censés être les têtes d’affiche de demain ne tournent pas, on ne permettra pas un renouvellement de génération. Il y aura encore moins de têtes d’affiche et plus de concurrence pour les avoir. Tout le monde se bat pour les têtes d’affiche, alors qu’il y a plein d’artistes disponibles qui vont exploser l’an prochain. Un exemple, il y a sept ans, on dit aux festivals : « Il y a un artiste qui arrive, il a une voix incroyable, on pense qu’il faut le faire. » Personne n’en veut. Au mois de janvier, il gagne six Grammy Awards et d’un coup, tout le monde le veut. Ben non, désolé, il n’y a plus de place ! Il s’appelait Sam Smith. Dua Lipa, il y a quatre ans, personne n’en voulait… Il ne faut pas attendre que ça marche, il faut oser. Sinon le serpent risque de se mordre la queue. »
Une décroissance nécessaire
Encore faut-il que le public suive. Alors afin de casser cette spirale, de plus en plus de festivals songent désormais à changer de dynamique et envisagent l’avenir sous un axe décroissant. « Il y a quelques années, les festivals réfléchissaient encore à grossir pour absorber les coûts. Aujourd’hui j’ai l’impression que c’est l’inverse », note Lisa Bérangeon. « Quand tu en es à devoir faire 100% de remplissage pour arriver à l’équilibre, c’est que tu es dans une impasse et qu’il faut faire demi-tour », affirme Benoît Chastanet. Faire demi-tour, ou marche arrière, c’est le choix que vient de faire le festival Panoramas à Morlaix qui, lors de sa prochaine édition en septembre 2023, passera d’une jauge de 13000 à 5000 personnes. « On a décidé de faire dégrossir l’événement, expose Joran Le Corre, cofondateur du festival breton. On ne veut plus participer à cette course folle aux cachets. On veut travailler le côté écologique, paritaire, équitable. On ne veut plus monter un événement où, même complet, on arrive à peine à rentrer dans nos frais. Ça devient absurde. » D’autres festivals devraient suivre cette voie, selon Aurélie Hannedouche, qui présume que « le tournant s’amorcera en 2023, et que le paysage changera en 2024. Les festivals que nous représentons sont indépendants et associatifs, il n’y a pas d’actionnaires derrière, et ils se disent qu’il va falloir arrêter de contribuer à cette surenchère. Parce qu’ils n’en ont pas les moyens financiers et qu’ils vont mettre en péril leurs structures. Quasiment tous les festivals ont reçu une aide de la part du CNM pour compenser cette difficile période de reprise. L’an prochain, c’est sûr qu’il n’y en aura pas. J’ai envie de croire que les organisateurs vont se repositionner sur des projets artistiques singuliers. Cette année, en regardant les affiches des festivals, on retrouvait un peu les mêmes artistes partout. Heureusement, certains ont envie de se démarquer, en misant peut-être sur l’accueil et le cadre ».
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Les impératifs d’ordre écologiques, appelés à devenir prépondérants dans l’organisation d’événements, devraient également avoir une influence sur l’évolution des festivals. « S’interroger sur le prix des cachets, c’est s’interroger sur un modèle économique, qui amène à s’interroger sur la dimension des événements, estime Olivier Jacquet, codirecteur de Grand Bonheur, société coopérative musicale qui fait notamment tourner avec succès French 79, l’un des Français les plus bookés à l’étranger actuellement. Il affirme en discuter avec celui-ci, qui s’interroge. Mais quand il fait des live devant douze mille personnes, il ne peut pas nier que ça le grise. En tant que spectateur aussi, on est attiré par des jauges dingues, des line-ups qui empilent les têtes d’affiche. En même temps, quand on voit cette concentration de transports, cette difficulté à gérer les déchets, cette surconsommation, on rentre chez soi et on se doute bien qu’il y a un truc qui ne peut pas durer. Je pense que le public va avoir besoin à un moment de concilier sa mobilisation environnementale et sa participation à un événement. C’est peut-être ce qui amènera à une pondération. »
Ce n’est pour l’heure pas encore d’actualité. Une récente étude du CNM indique même le contraire. Depuis la reprise des concerts, ce sont les gros événements qui font le plein et tirent la fréquentation globale vers le haut. Entre 2019 et 2022, alors que le Stade de France a doublé le nombre de ses représentations, les salles de moins de mille places, qui représentent la plus grosse partie des salles en France, ont vu leurs recettes billetterie fondre de 38%. Une tendance qui fait écho à celle que connaît le cinéma, où seuls les blockbusters s’en sortent.