black midi au Bataclan : grondement, ‘musical’ et disco punk
Mercredi soir, black midi s’emparait de la scène du Bataclan pour livrer un show plus théâtral que fougueux où s’entremêlaient beauté bizarre, bourdonnement et disco punk. On y était, on vous raconte.
« Tu vas où toi ce soir ? », peut-on lire sur les groupes de conversation d’aficionados de la musique. Il faut dire que la soirée du 2 novembre est chargée pour celles et ceux qui s’intéressent un peu à la scène indé d’outre-Manche. Le duo Jockstrap se produit au Hasard Ludique, la maîtresse du rock-folk moderne Katy J Pearson à la Boule noire et le trio post-punk-expérimental-avant- garde-jazz-musical – qu’importe le post – black midi s’empare de la scène du Bataclan. Ce soir-là, les bandes d’ami·es se divisent en clan. Le nôtre ? Le post-tout et surtout le post-impro des derniers. Après tout, cela fait des mois qu’on attend de dire « je t’aime » devant black midi, comme le chantent leurs comparses de Black Country, New Road sur le titre « Track X ».
C’est dans un Bataclan loin d’être complet – s’expliquant probablement par ce clash d’artistes, mais aussi par le prix de l’entrée (presque 30 euros) – que le groupe s’apprête à jouer. Malgré tout le public semble impatient d’en découdre, de lâcher les chevaux sur les mélodies obscures et tumultueuses de black midi. L’habituelle voix grave façon commentateur de boxe retentit : « The hardest working band in show business (…) the undefeated (…) champion of the world black hellfire midi ! » *
Geordie Greep (guitare, voix), Cameron Picton (basse, voix), Morgan Simpson (batterie) et Seth Evans -qui accompagne le groupe aux claviers- se montrent enfin alors que se conclut, en fond, une musique d’opéra grandiloquente et dramatique. Un résumé de black midi en somme. C’est en look de semi-cowboys, semi-premiers de la classe (lunettes sur le nez, chemise rentrée dans le jean) -à l’exception de Simpson qui fait tomber rapidement le T-shirt- qu’ils attrapent leurs instruments.
La foule frétille, les quatre jeunes hommes ouvrent le show avec « Speedway » tiré de leur premier album Schlagenheim, dont l’atmosphère nerveuse mais étrangement pondérée devient orage. S’ensuit « Welcome To Hell » de leur troisième album Hellfire. Il ne faut que quelques secondes pour que le public reprenne en cœur le riff de guitare – tadadada – et que le pogo prenne vie. On se dit alors que le concert est lancé, que l’énergie ne va aller que crescendo. Pourtant, après « Welcome To Hell », l’océan retrouve son calme.
black midi veut démontrer toute sa technicité et toute sa richesse mélodique. Le groupe enchaine alors des titres qui demandent concentration et observation. Le jeu des quatre membres est impeccable, chacun connaît son rôle. Greep est habité par ses paroles, il nous conte des histoires, tandis que Picton apporte du lyrisme lorsque vient son tour de chanter. Simpson, charismatique, s’impose en maître à sa batterie. On aurait pu être impressionné si l’énergie scénique -bien qu’un peu stoïque- s’était diffusée dans la salle. Malheureusement, le feu n’a pas pris. Peut-être parce que la foule n’était pas assez compacte ou bien parce que la salle trop grande ne permettait pas de rentrer en symbiose directe avec le son. Ou tout simplement parce que le public constitué en grande majorité d’hommes n’est venu qu’avec un seul but : s’éclater dans le pogo.
Fort heureusement pour la foule, la seconde partie du set a bien vocation à nous faire suer. Le presque flamenquesque « Eat men eat » lance les hostilités. Picton s’essouffle : « Eat man Eat ! ». Et puis les fracacassants « 953 » et « John L » nous achèvent dans un tremblement de terre. Le cercle du pogo s’élargit, on se laisse porter par le mouvement. Pas d’autre choix, les hommes d’1m80 ne font plus attention à ce qui les entoure !
Le réel moment de grâce intervient lorsque black midi reprend en mashup les classiques « I Feel Love » de Donna Summer et « Around the World » de Daft Punk. Surprise ! Qui a dit que le disco n’était pas punk ? Les Anglais mettent les guitares et basses grondantes au service des boules à facettes. La boucle rythmique électrique mais sensuelle de « I Feel Love » devient le galop d’un troupeau de chevaux. Et puis la mélodie de « Around the World » prend le dessus. C’est une marche militaire. Les solos stridents résonnent. Ces reprises frôlent le kitsch avec génie. On perd la boule.
Mais le groupe nous somme rapidement de reprendre nos esprits. Car le musical black midi est sur le point de débuter. Soudain, nous n’assistons plus à un concert rock mais à une comédie musicale improvisée dans un bar brumeux et miteux où crooners, divas, joueurs·ses de jazz et autres artistes fantasques se donnent rendez-vous. Le piano de Seth Evans est éclairé façon café-performance. On s’abandonne à cet imaginaire sublimement bizarre. Cette fois-ci, le talent de black midi nous frappe et nous captive. Le concert se clôture -sans rappel- sur « Slow », histoire de nous essorer une dernière fois.
On sort alors de cette 1h30 de concert mitigée. On aurait voulu rentrer plus rapidement dans le show, en ressentir l’essence dès les premières minutes. Est-ce la faute de la set-list ou de la nôtre ? Sommes-nous venus avec les mauvaises intentions ? S’abandonner au vrombissement des compositions de black midi, plutôt qu’en admirer toute la subtilité. Peut-être ont-il tout simplement mûri tandis que nous sommes restés les mêmes enfants en attente de fracas. Ce qui est certain, c’est que même dans un registre plus théâtral et contemplatif et malgré les quelques moments de flottement, black midi reste un groupe impressionnant en live par leur maîtrise des instruments et la complexité de leurs mélodies.
* « Le groupe le plus bosseur du show-business, (…) l’invaincu (…) champion du monde black hellfire midi ! »
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